In­té­rêt com­mun

Editorial paru dans Tracés n°12/2014

Date de publication
09-07-2014
Revision
19-08-2015
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

La séparation qu’on observe entre les professions d’ingénieur et d’architecte trouve son origine dans le développement des méthodes analytiques de calcul. Si l’efficacité de ces dernières a considérablement accru le champ des possibles de la construction, elle a aussi accentué la différence de point de vue entre les deux professions, qui se résume aujourd’hui par une opposition caricaturale entre l’approche dite « artistique » des architectes et celle prétendument « pragmatique » des ingénieurs. Bien que la spécialisation et la multiplication des fonctions autour des métiers de la construction n’aillent pas forcément dans ce sens, chacun est conscient de la nécessité de réduire l’écart entre ces deux approches.

Le béton fibré ultra-performant (BFUP) peut contribuer, de manière inattendue, au rapprochement de ces deux cultures constructives. Développé depuis une vingtaine d’années par des ingénieurs soucieux d’améliorer les propriétés des bétons, ce nouveau matériau offre effectivement des performances très élevées, tant du point de vue de sa résistance et de sa déformabilité que de sa durabilité. Ces qualités lui confèrent des atouts inégalés pour le renforcement des structures existantes, domaine privilégié pour ses premières applications. Aujourd’hui, après avoir pu juger du bénéfice d’associer les BFUP à du béton traditionnel dans le cadre de renforcement, les ingénieurs étudient les possibilités de les combiner avec d’autres matériaux (bois ou acier) ou alors de concevoir des structures précontraintes relativement légères.

Parallèlement à cela, exploitant la liberté de les envisager sous un angle autre que celui de ses performances mécaniques, les architectes sont en train d’élargir le domaine d’utilisation potentiel du BFUP en profitant d’une propriété considérée a priori comme annexe : sa forte maniabilité qui lui permet d’être coulé dans des objets de formes inédites, en conférant à ces derniers une résistance bien supérieure à celle d’un béton traditionnel. Une relecture architecturale de l’usage potentiel d’un matériau qui se traduit par des réalisations souvent spectaculaires, qui viennent s’ajouter aux prometteuses expériences issues du domaine des structures.

A terme, cet intérêt commun pourrait s’avérer bénéfique non seulement en favorisant le dialogue entre les professions de la construction, mais surtout par un accroissement du nombre de projets en BFUP qui devrait stimuler l’intérêt de l’industrie. Et pourrait permettre de réduire des coûts d’exécution élevés qui restent, avec la maîtrise technique de sa réalisation, le principal obstacle à une extension de l’usage d’un matériau définitivement prometteur.

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