Ges­tion du risque dans les in­fras­truc­tures

Date de publication
11-03-2022

Dans l’avant-propos à son ouvrage La société du risque (1986)1, le sociologue allemand Ulrich Beck a écrit cette phrase qui résonne étrangement aujourd’hui. S’interrogeant sur la contradiction entre la (re)connaissance d’un risque et l’exigence de la survie, il se demande: «Peut-on maintenir en quarantaine des pays (ou des groupes de pays) entiers?» L’histoire récente s’est chargée de lui répondre.

La pandémie de Covid-19 est un puissant révélateur de notre rapport au risque: quel risque suis-je prêt à prendre individuellement? Quel risque suis-je prêt à faire courir à la collectivité? Les réponses à ces questions sont très variées car notre attitude face au risque est intimement liée aux valeurs que nous portons en tant qu’individu, à notre vécu.

Dans ce numéro, TRACÉS s’est penché sur les risques qui pèsent sur les infrastructures routière et ferroviaire. Les experts des divers champs disciplinaires que nous avons rencontrés sont unanimes: la question du risque et de sa gestion va bien au-delà des seuls moyens techniques à mettre en œuvre pour le prévenir. Ingénieurs et architectes ont beaucoup à gagner à écouter ce qu’en disent les juristes, les sociologues et les spécialistes de la planification territoriale. Les acteurs de la construction ont tendance à répondre au risque par la norme. Une attitude saine tant qu’elle ne paralyse pas la réflexion: parfois, la solution n’est ni dans la norme, ni dans le projet, mais dans le contexte.

Force est de constater l’aversion croissante de la société occidentale envers le risque. On y prône le principe de précaution, qui veut que, pour pallier un manque de connaissances techniques, scientifiques ou économiques, on prenne des mesures anticipatives de gestion de risques eu égard aux dommages potentiels immédiats et futurs sur l’environnement et la santé. Incidents et accidents sont de plus en plus judiciarisés, pervertissant le recours à la norme, dont le respect vise alors surtout à se protéger du soupçon d’un magistrat. Bien comprise, la norme doit servir de garde-fou contre l’erreur et la négligence. Elle ne doit pas être un frein à la créativité: on doit pouvoir y déroger si l’enjeu le justifie.

Car la notion de risque est inséparable de celle de bénéfice. Le risque est à la base de toute évolution, de toute innovation, de toute évasion personnelle, sociétale ou technologique. «Mais qu’est la liberté sans risque?, demandait le philosophe catholique Lanza del Vasto. La vie sans danger perd son goût. C’est pourquoi je tiens qu’il est sage d’oser.»2

Notes

 

1 Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Aubier, Paris, 2001 (pour la version française)

 

2 Lanza del Vasto, Le pèlerinage aux sources, Gallimard, Paris, 2014

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