De l’uti­lité du BIM pour cons­truire le Vor­tex

Pendant les Jeux Olympiques de la Jeunesse d’hiver 2020, les athlètes ont été hébergés dans un bâtiment circulaire près de Lausanne. Ce bâtiment sert désormais à loger des étudiants. Grâce à la planification numérique, l’entrepreneur total a pu respecter le délai de construction extrêmement court de 900  jours.

Date de publication
09-11-2020
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

Destiné à accueillir quelque mille logements au sein d’un bâtiment unique, le Vortex se distingue par une conception basée sur l’imbrication de deux formes géométriques facilement identifiables : des parallélépipèdes pour accueillir les logements, disposés selon une trame orthogonale dans une spirale de faible pente servant de rampe d’accès. Par rapport à celle de bâtiments conventionnels, facilement représentables dans des co­ordonnées cartésiennes, cette conception pose deux problèmes: l’absence de ­niveaux de référence horizontaux et la difficulté de représenter efficacement les ­intersections entre les objets à réaliser à l’aide de simples coupes orthogonales. Avec pour conséquence de complexifier considérablement la coordination spatiale des divers intervenants.

C’est notamment pour anticiper cette situation a priori complexe que, déjà au moment de choisir ses partenaires pour répondre au concours en entreprise totale, l’entreprise adjudicatrice a exigé de ceux-ci qu’ils acceptent de travailler en open BIM. Ce choix a fait que les mandataires se sont rapidement et tout naturellement retrouvés «autour de la table», pour discuter de la maquette digitale dont la réalisation constituait une sorte de «construction à blanc».

Il a alors été décidé d’utiliser, à la place des étages, chacun des anneaux de la spirale, le niveau 0 débutant lorsque la spirale émerge des sous-sols et quitte le niveau du terrain naturel alors que chaque tour de spirale définit un nouveau niveau. Le repérage en plan utilise quant à lui la rotondité de la spirale : le positionnement des objets est défini par un angle (0° au début de la coursive) ou une heure (midi, au nord). Ces informations (niveaux et angles) ont été utilisées pour la nomenclature des objets dans le modèle 3-D comme dans la base de données et cette logique a été conservée pour la ­numérotation des logements.

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Selon Miguel Bermudez, coordinateur BIM chez Losinger Marazzi pour le Vortex, le BIM consiste à associer de manière collaborative au sein d’un même système une maquette 3-D, avec la définition géométrique de tous les objets à ­réaliser, et une base de données synchronisée contenant la documentation et les caractéristiques nécessaires pour les décrire. Chaque mandataire (architectes, ingénieurs structures, électricien, chauffage, etc.) est responsable de sa propre maquette, qu’il tient régulièrement à jour en tenant compte des informations fournies par les autres intervenants qui lui sont directement accessibles au sein d’une structure unique. Toujours selon Miguel Bermudez, la méthodologie BIM va se traduire par une modification ­fondamentale de la façon d’aborder les projets de construction, la mise en commun immédiate du travail de chacun des partenaires permettant d’anticiper et de résoudre de nombreuses questions de coordination.

Dans le cas du projet Vortex, la maquette est ainsi rapidement devenue ­l’outil central pour la préparation, l’exécution et le suivi des séances de coordination. Deux jours avant celles-ci, les mandataires transmettaient leurs maquettes à jour au coordinateur BIM. Celui-ci avait alors une journée pour identifier et établir la liste d’éventuels conflits pour qu’ils puissent être discutés en séance: les problèmes sont montrés sur le modèle et les personnes concernées étudient et discutent directement la correction.

Le système permettait en outre le suivi de la résolution des conflits et son historisation. En cours de projet, d’autres partenaires ont été invités à intégrer le processus BIM, une démarche qui a joué un rôle décisif notamment pour la préfabrication des salles de bain, la juxtaposition des techniques dans les sous-sols ou encore la mise en place des ascenseurs.

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La pertinence et l’efficacité du BIM peuvent être illustrées par l’exemple de la présence nécessaire (exigences statiques) de profilés métalliques pour fixer la coursive de la spirale dans les murs des logements. Noyés dans l’intersection des murs avec la spirale selon des géométries irrégulières, il s’est avéré que, en plus de créer des difficultés supplémentaires pour les installations CVSE (tout particulièrement les éléments gravitaires), les profilés se sont parfois trouvés en conflit avec certains équipements des ascenseurs. Les propriétés et les modes de mise en place ou de fonctionnement (avec ­tirant) des profilés variaient en outre selon leur positionnement : ils ont pu être regroupés dans le BIM par type.

Une autre exploitation particulièrement efficace de la maquette pour faire face à la géométrie complexe du bâtiment tient dans la possibilité offerte à chaque intervenant d’y accéder sur le chantier à l’aide de tablettes et de pouvoir ainsi établir in situ et selon ses besoins des coupes ou des vues 3-D pendant l’exécution.

Les informations des bases de données ont quant à elles considérablement simplifié la gestion du chantier (soumissions, livraisons, métrés, etc.). Combinées avec la maquette 3-D, elles offrent aussi l’avantage de disposer d’un inventaire ­exhaustif et spatialisé de tous les objets réalisés durant le chantier. Un atout considérable pour le propriétaire ou l’exploitant du bâtiment, le jour où ils envisageront d’y effectuer des modifications.

Cet article a été publié dans le deuxième numéro spécial "BIM - Reality Check". Vous trouverez de nombreux autres articles sur ce sujet dans notre dossier numérique.

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