Quand un ju­meau nu­mé­rique sauve son frère ana­lo­gique

En avril 2021, le pont de Stavå, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Trondheim (NO), a dû être fermé au trafic de toute urgence. Un défaut structurel jusqu’alors inconnu s’y était développé en quelques jours, au point de compromettre sérieusement son intégrité. Ce sont les capteurs alimentant le jumeau numérique de l’ouvrage qui ont permis aux autorités de réagir à temps.

Date de publication
30-05-2023
Revision
30-05-2023

Le Stavåbrua, un pont en arc construit en béton durant la Seconde Guerre mondiale, n’avait jamais été dimensionné pour supporter les charges liées au trafic actuel de la route E6, axe stratégique qui relie le nord et le sud de la Scandinavie1. Ce qui avait conduit Statens vegvesen, l’équivalent norvégien de l’OFROU, à imposer dès 2016 de problématiques restrictions de trafic – les camions devant traverser le pont à vitesse réduite et dans une seule direction à la fois –, et à le surveiller de plus près.

La surveillance de cette infrastructure critique a été conduite dans le cadre d’une initiative de Statens vegvesen visant à tester de nouvelles technologies, en vue de passer d’une maintenance corrective et périodique à une maintenance prédictive basée sur les risques et l’état de l’ouvrage. C’est ainsi que le pont de Stavå a été équipé de 28 capteurs (vibrations et extensomètres) dont les données alimentaient en temps réel un modèle numérique reposant sur la méthode des éléments finis. Le jumeau numérique né de l’interaction de ces deux éléments devait permettre de modéliser la dynamique de la structure d’un pont et de mieux comprendre l’évolution de sa ­stabilité. En simulant sa capacité de charge et son degré d’usure, on pourrait proposer la variante de réfection la plus adaptée.

Ces capteurs installés à des endroits clés envoyaient également des alertes en temps réel lorsque les seuils de mouvement et de déplacement étaient dépassés ou que le système détectait d’autres anomalies. Mais, en avril 2021, une notification de malfonctionnement des capteurs parvient à l’ingénieur responsable de l’entretien des ponts auprès de Statens vegvesen. Craignant un problème plus grave, il décide d’aller voir sur place. Sentant le pont bouger sous lui de manière inquiétante au passage des camions, il met son véhicule en travers de la route pour empêcher le passage du trafic. Une analyse ultérieure du pont révèle que celui-ci est victime d’un défaut, jusqu’alors inconnu et s’étant développé en quelques jours, au point d’en compromettre sérieusement l’intégrité structurelle.

Si le jumeau numérique a permis de détecter à temps un dommage critique et d’éviter ainsi un incident grave, il ne l’a pas fait suffisamment tôt pour mettre en place des actions préventives. Mais une analyse ultérieure des données des capteurs a montré que des signes précurseurs des dommages existaient depuis des semaines déjà : des informations qui serviront à nourrir et améliorer une prochaine génération de jumeaux numériques.

Pont de Stavå, Rennebu (Trøndelag, NO)

 

Maître de l’ouvrage
Statens vegvesen

 

Type
Pont en arc

 

Matériau
Béton

 

Longueur
104 m

 

Largeur
6 m

 

Plus grande travée
54 m

 

Volume de trafic
5450 véhicules/jour (2020)

 

Mise en service
1942

 

Fermeture
2022

Note

 

1 Longue de 3050 km, la E6 relie Trelleborg (à l’extrême Sud de la Suède) à Kirkenes (à l’extrême Nord de la Norvège), via Oslo et les principales villes de la Norvège centrale et septentrionale. Les 2500 km du tronçon norvégien constituent l’épine dorsale du réseau routier national.

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