Cou­ron­ne­ment to­po­gra­phique de l’école Ru­dolf Stei­ner

Située à Confignon GE, l’école Rudolf Steiner a fait appel à l’agence Localarchitecture pour réfléchir à l’extension d'un bâtiment réalisé à la fin des années 1980. La surélévation est une opération architecturale réussie dans la compréhension de ce que la philo­sophie de Steiner engage en termes de conception de l’espace pédagogique.

Date de publication
07-12-2020

La connaissance de cette architecture, réa­lisée par Jean-Jacques Tschumi en 1988 et l’importance accordée au vécu de l’école Steiner ont permis à Localarchitecture de développer une analyse fine pour ce mandat. Dès son projet initial, Tschumi avait envisagé un étage additionnel, en laissant des indices de son intention comme la présence d’un emmarchement à la fin du dernier pallier de l’escalier central. Le projet a donc été réalisé en sachant que la structure avait déjà été conçue avec cette possibilité, une donnée importante compte tenu du contexte exigu de la parcelle. Si bien que les architectes ont pu se consacrer aux choix ­architecturaux du prolongement du système constructif, tout en affirmant une volonté de se démarquer. Ils se sont concentrés sur l’épanouissement des activités de l’institution et les axes de circulation des 350 élèves et professionnels de cette école singulière. Ils ont opté pour une surélévation en structure bois-béton, gage de légèreté et ont pu concevoir le plus possible d’éléments préfabriqués. À l’exception de la coursive en béton, ­coulée pendant les vacances, le chantier a eu lieu pendant le temps scolaire.

S’adapter aux principes anthroposophes

Les éléments du programme constructif de la surélévation révèlent une interprétation contemporaine de cette architecture aux principes anthroposophes, une géométrie émanant du corps humain. Ce projet a dû s’adapter à l’irrégularité du découpage de formes architecturales qui pourtant se répètent, de la fenestration aux façades, et qui participent à la volonté d’accompagner le mouvement fluide et harmonieux du corps humain dans l’espace. L’adaptation à la complexité géométrique a été menée en étroite collaboration avec les artisans en charpenterie et menuiserie pour faire dialoguer intelligemment le bois de cet ajout structurel. Le recours à la modélisation 3D pour les découpes numériques a rendu possible la réalisation des plans avec le constructeur. Le bois a été employé comme matériau démarquant le programme constructif de la surélévation. Celui-ci débute par le rehaussement des porteurs en béton par des doubles-poutres en sapin (épicéa). Le mélèze fut utilisé pour toutes les autres surfaces extérieures, comme le garde-corps de l’escalier alliant fonctionnalité et opportunité de développement d’un langage architectural.

Développer la relation tout en hauteur

La surélévation prend tout son sens depuis la cour centrale distributive. Le programme répète le système de coursive en béton en attique sur la toiture du bâtiment originel. Cette nouvelle coursive est couverte par un avant-toit supporté par le prolongement des consoles de la charpente des nouvelles salles de classes dont l’unité est renforcée par le profil de la toiture. La surélévation est rythmée par les lignes distinctes des façades des salles de classe, de la coursive et son garde-corps, et de l’avant-toit. Ces trois éléments appuient le mouvement d’une circulation et augmentent les liens entre l’architecture et le grand paysage, notamment le relief du Salève.

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Ouvrir vers le cosmos

Ce rapport de continuité entre l’espace intérieur et l’environnement extérieur est une clef de lecture. Découpé en huit espaces pédagogiques, l’intérieur maintient ce prolongement grâce à des ouvertures latérales et zénithales permettant l’entrée généreuse de la lumière naturelle. Ces dernières renforcent le sentiment de hauteur apportée par la surélévation, envisagée comme un projet de «couronnement topographique». Le revêtement intérieur en panneaux de bois clair d’épicéa contribue à rendre les surfaces accueillantes et propices aux apprentissages. Les neuf pans de mur des salles de classes marquent cette architecture anthroposophe, chacune avec une rotation de 15 degrés qui suit le décalage solaire d’une journée.

Le projet exprime l’importance que les architectes ont accordé à «l’esprit du site». L’emploi du bois comme matériau principal rappelle également la première version du Goetheanum, au sud de Bâle, qui fut le premier bâtiment érigé pour accueillir le siège de l’École libre des sciences de l’esprit, fondée par Rudolf Steiner et inauguré dans les années 1920. Cet édifice, disparu et remplacé par une seconde version en béton, s’élançait, lui aussi, en hauteur sous une coupole double en bois s’élevant à 34 m. Un siècle après l’émergence de ce projet pédagogique, sa vitalité continue à nourrir la communauté de cette école.

PARTICIPANTS AU PROJET

 

Maître de l’ouvrage: Association en faveur de l’école Rudolf Steiner, Genève

 

Architecture: Localarchitecture, Lausanne

 

Direction des travaux: Thinka Architecture, Onex

 

Ingénieur civil: Ingeni, Carouge

 

Ingénieur PAC: SIG, Genève

 

Ingénieur CVSE et sécurité: srg.eng, Genève

 

Charpente: Ateliers Casaï, Petit-Lancy

 

BÂTIMENT

 

Surface (SIA 416): 650 m2

 

Volume (SIA 416): 3368 m3

 

BOIS ET CONSTRUCTION

 

Toiture salles de classes: panneau 3plis épicéa, 80 mm

 

Façade, coursive: panneau 3plis mélèze 27 mm, et épicéa 120 mm; panneau épicéa 27 mm acoustique

 

Avant-toit, coursive: panneau 3plis mélèze 42 mm, portique BLC épicéa

 

Façade (côté rue): tablette 3plis épicéa 42 mm, panneau acoustique épicéa, bardage mélèze rainé-­crêté brut de sciage, panneau 3plis épicéa 27 mm

 

Avant-toit (côté rue): bardage mélèze raboté, ­panneau 3plis épicéa 19 mm

 

DATES

 

Projet: 2014-2017

 

Chantier: 2017-2018

 

COÛTS

 

Total: 3.9 Mio CHF

Le projet «Ville en bois» réalisé pour le compte de l’Office fédéral de l’envi­ronnement OFEV inclut nos hors-séries ainsi que les manifestations de WüestPartner et des visites de bâtiments emblématiques organisées en Suisse et à l’étranger par Lignum, industrie suisse du bois.


Dans ce cahier, nous décortiquons à nouveau des questions fondamentales liées au bois, dans des articles qui seront publiés avec d’autres contributions régulières sur notre dossier numérique

Dans la première série, nous avons abordé les rapports entre la construction en bois et l’environnement (Ville en bois I – «Nouvelles voies») et la refonte des normes incendie et de sécurité (Ville en bois II – «La mise en œuvre du bois est devenue plus simple»). La deuxième série explore des «Mégatendances» (Ville en bois III – «Mégatendances comme moteurs») et des questions commerciales en lien avec de grands lotissements (Ville en bois IV – « Développements et nouveaux bâtiments »), ainsi qu’en matière de rationalisation (Ville en bois V – «Modules, éléments, participation, BIM et objets provisoires»).

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