Cons­truire la culture

Éditorial de Tracés n°23-24/2011

Date de publication
16-01-2012
Revision
19-08-2015

Les projets présentés dans les pages qui suivent sont ce qu’on appelle communément des équipements culturels. Le Musée des cultures de Bâle d’abord, qui vient de rouvrir ses portes après deux ans de travaux. L’exercice consistait à réinventer une partie de la ville à travers l’extension d’un bâtiment dans un quartier médiéval. L’intervention des architectes Herzog & de Meuron est allée de pair avec une redéfinition de l’espace muséal, et une nouvelle entrée permet de situer la collection dans un contexte plus contemporain.
Tout autre est l’enjeu qui accompagne la construction d’une nouvelle salle de spectacle à Fribourg. L’utilité d’un tel espace pour le chef-lieu du canton ne fait aucun doute, tout comme la qualité architecturale du projet du bureau zurichois de Jean-Pierre Dürig. La question de sa programmation par contre peut semer le doute. Confiée à un directeur qui gère déjà un théâtre dans l’agglomération fribourgeoise, l’affiche de la salle au centre ville sera au mieux complémentaire, au pire répétitive. 
A ces deux cas de figure s’ajoute un troisième, radicalement différent : le Sitterwerk, près de Saint-Gall. Il s’agit d’un centre d’art et d’artisanat, issu de la réutilisation d’un ancien complexe industriel. Une fonderie d’art, à travers une conjonction d’opportunités, a donné leur lieu d’être à une bibliothèque et des archives de matériaux, à une halle d’exposition et une maison d’ateliers. L’activité culturelle s’y est installée peu à peu, dans un contexte qui garde son attache au tissu économique.
Ces trois exemples montrent, chacun à sa manière, qu’il ne suffit pas de poser un contenu (culturel) dans un contenant (architectural) pour produire de la culture. Si l’on veut stimuler l’effervescence indispensable à tout projet culturel digne de ce nom, il faut que l’édifice et les activités qu’il héberge se construisent ou se transforment de manière conjointe. Le terme d’« équipement culturel » élude cet aspect-là, comme s’il s’agissait d’équiper la culture comme on équipe une armée, un salon, ou de parer une ville de culture.
Toute autre justement a été la démarche de l’initiateur du Sitterwerk Felix Lehner. En repérant que ce qui est obsolète dans le champ économique peut représenter une opportunité dans celui de la culture – il reconstitue un artisanat de pointe, récupère machines et mobilier de l’industrie ou leur invente un usage, comme dans le cas des archives de matériaux –, il a créé en vingt ans plus de cinquante emplois, mais surtout, une sorte de fabrique culturelle atypique et exemplaire.

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