Car and the City

Le monde sans voitures est-il une utopie d’universitaires? Peut-être pas. TRACÉS et TEC21 ont voyagé en Europe où l’on invente concrètement un «Post-Car World». L'article de cadrage de Camille Claessens-Vallet et Erik Wegerhoff.

Date de publication
10-02-2023

Le monde sans voitures est-il une utopie d’universitaires? C’est ce que l’on pourrait croire, en observant les chiffres de l’Office fédéral de la statistique: depuis l’an 2000, le nombre de véhicules à moteur immatriculés en Suisse est passé de 4 584 718 à 6 368 104. En janvier dernier, 850 garagistes se rassemblaient d’ailleurs à Berne sous le slogan «la voiture: une fascination qui a de l’avenir».

De leur côté, les initiatives qui tentent de freiner cette croissance se développent de manière sporadique, communale, médiatisée. Mais si 80 % des ménages suisses possèdent au moins un véhicule, dans les grandes villes comme Genève, c’est le cas de moins de la moitié. D’où la pertinence d’interroger la direction à prendre au niveau fédéral concernant la reconversion des infrastructures automobiles: une question qui n’est pas encore abordée, comme l’a admis l’OFROU1. Pourtant, chez TRACÉS et TEC21, nous pensons que c’est une voie qui mériterait d’être explorée de manière plus franche. Car ailleurs, on invente.

Nous avons voyagé de Genève à Berlin, en passant par Bruxelles, Anvers, Utrecht, non pas pour trouver une solution à un monde sans voitures, mais bien à un monde après la voiture. Que faire de ce patrimoine, certes encombrant, mais incontournable? Comment faire évoluer nos modes de vie, comment concevoir des paysages à partir des infrastructures autoroutières qui ont balafré nos villes, comment transformer nos parkings, comment rouvrir les champs de l’imaginaire et se réapproprier ces espaces déshumanisés – bruyants, pollués, inaccessibles?

Sous l’impulsion de l’architecte et historienne de l’urbanisme Elena Cogato Lanza, nous voulons montrer la pensabilité d’un changement de paradigme: guetter les signes d’un Post-Car World, nous interroger sur les leviers qui le favoriseraient. À Utrecht et Anvers, ce futur est tangible: on reconvertit des bras d’autoroutes en canal, on tisse des parcs sur le toit du périphérique. À Bruxelles, une usine Citroën de 20 000 m2 est transformée en musée et en Allemagne des parkings silos deviennent des boîtes de nuit, des espaces de coworking, des magasins de meubles… Avant de dire adieu à la ville de la voiture, nous vous invitons à jeter un dernier regard dans le rétroviseur, avec l’hommage en dix séquences du critique de cinéma Tino Jacobs (en ligne sur espazium.ch).

Le Car-World est mort, vive le Post-Car World. Et maintenant, on trace.

Note

 

1 En préambule de ce dossier, nous avons demandé au porte-parole de l’OFROU s’il existait à l’interne des planifications, des documents d’experts, un projet de recherche ou même une simple prise de position sur la réutilisation des bâtiments et infrastructures dédiées au trafic automobile. Réponse: «Notre attention se porte sur la manière avec laquelle l’infrastructure existante du réseau autoroutier pourra continuer à remplir sa fonction de manière durable, afin que le trafic y reste comme il le souhaite et ne s’en écarte pas.» C’est sans appel: face au vase qui déborde, la solution officielle n’est donc pas de couper l’eau mais de s’assurer que le vase pourra toujours grandir.

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