Am­bas­sade de Suisse à Londres: ma­chine sans faille

Le concours pour la restructuration de l’ambassade de Suisse à Londres mérite à bien des égards que l’on s’y attarde: pour saluer le courage d’un maître d’ouvrage ayant proposé un concours à un degré en procédure ouverte pour un bâtiment d’un tel prestige; mais surtout car les deux projets finalistes expriment très bien la complexité et les attentes envers la mission diplomatique contemporaine.

Date de publication
04-10-2022

Si l’on en croit les personnages des romans de Romain Gary, l’écrivain qui a été diplomate pendant 17 ans, l’infaillible efficacité des organisations internationales serait de nature à compenser leur impuissance à résoudre les problèmes pour lesquels elles ont été créées1. Si la métaphore de la machine s’applique parfois à tort et à travers à l’architecture, il existe bien un programme où le terme est parfaitement adéquat: l’administration diplomatique.

Située au cœur de Londres depuis près de 100 ans, l’ambassade de Suisse est composée de deux ailes: la première de style géorgien, classée monument historique, et la seconde moderniste, dotée d’une structure poteaux-dalles, édifiée dans les années 1970 par l’architecte Jacques Schader. Les enjeux du concours ouvert, porté par l’Office fédéral des constructions et de la logistique (OFCL), étaient de valoriser la structure existante, mais aussi d’y agencer le programme, aussi complexe qu’imbriqué, qui forme la mécanique bien huilée des relations internationales: espaces de réception, administration et logement des fonctionnaires. À cet exercice, c’est la virtuosité de l’équipe menée par le Studio DIA qui s’est imposée. Le projet Wellington mise sur la durabilité, au sens premier, en conservant scrupuleusement les façades et éléments structurels existants; un parti pris qui ne l’empêche pas de remodeler le programme avec précision, en y amenant des qualités spatiales et tectoniques qui rappellent – comme nous l’a évoqué Jodok Brunner, président du jury – l’héritage moderniste (foyer en double hauteur, patio, jardins d’hiver orientés sud pour les appartements, généreuse terrasse au 5e étage…).

On dit souvent que le deuxième rang d’un concours est le projet le plus intéressant: Abendkleid, de l’équipe emmenée par Conen Sigl Architekten, n’échappe pas à la tradition. Ultra-référencé, précis et audacieux dans ses détails (travail avec l’existant, réemploi de matériaux, maîtrise des codes du design suisse), le projet, d’une grande cohérence, pèche par excès de confiance; en cause, une certaine rigidité de son plan qui limite les possibilités de réaménagement. Mais le coup de génie d’Abendkleid, c’est d’avoir placé un pub sur le toit de l’ambassade. Le geste est politique: il s’agit de contrer la privatisation des espaces publics londoniens, mais aussi d’ouvrir la discussion à un cercle plus large que celui du royaume diplomatique. Le jury doutait de la faisabilité d’un espace entièrement public en toiture, mais il a reconnu le potentiel d’un lieu de réception utilisable indépendamment du reste de l’ambassade.

Si la proposition n’a pas convaincu, elle soulève une question pertinente: dans le climat de délitement et de guerre actuel, n’est-il pas temps de réfléchir au modèle de nos institutions diplomatiques?

Concours de projets pour la restructuration de l’ambassade de Suisse à Londres

 

Maître d’ouvrage
Office fédéral des constructions et de la logistique OFCL

 

Procédure
Concours de projets, procédure ouverte

 

Projets primés

  • Wellington (1er rang), Studio DIA architecture, WaltGalmarini ingénierie civile, Kalt + Halbeisen planification CVS, Enerpeak E-planification, Lemon Consult physique du bâtiment, Alan Baxter patrimoine
  • Abendkleid (2e rang), Conen Sigl Architekten, Seforb ingénierie civile, Waldhauser + Hermann planification CVS, IBG Engineering E-planification, Probs + Wieland planification CVS
  • Winston Tell (3e rang), Lovis Architekten
  • CH-76732 (4e rang), William Matthews Associates
  • Botanische Botschaft (5e rang), DFDC
  • Cour d’honneur (6e rang), LVPH
  • Old Bones, New Heart (7e rang), OMMX & TEN
  • Leopard (8e rang), Pinzauer / Studio Hammer
  • Renaissance (9e rang), Tony Fretton Architects
  • Impluvium (10e rang), Schulz und Schulz Architekten

Note

1 Romain Gary, L’Homme à la colombe, 1958

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