S’in­té­grer ou se di­stin­guer

Restructuration des anciens abattoirs de Lugano en cité universitaire

125 architectes inscrits; 82 projets rendus à l’issue de la première phase; neuf équipes pluridisciplinaires retenues – dont une majorité tessinoise, au péril de la réputation de la culture ­compétitive helvétique; et enfin un projet lauréat. «Campus Matrix» s’est imposé comme la réponse la plus adaptée, au sein d’un concours qui se distingue par la haute qualité des projets soumis.

Publikationsdatum
09-02-2021

Le concours avait deux objectifs majeurs: d’une part, la valorisation du site historique de l’ancien abattoir de Lugano, en tant que structure publique comme lieu de rencontre et de culture; d’autre part, la construction de logements universitaires, pour étudiants et professeurs invités. Il était donc demandé au projet lauréat de souligner les qualités architectoniques préexistantes du site – un ensemble clos, semblable à une citadelle, formé de bâtiments en briques à la charpente en bois. Le nouveau bâtiment de logements devait proposer une réponse convaincante face à ce patrimoine, étayée d’une étude en «archéologie industrielle». En filigrane de ces deux volontés s’en dessinait une troisième: permettre à cette nouvelle zone de se lier au tissu existant, caractérisé par la présence de nombreux espaces publics et d’itinéraires piétonniers, en invitant un public plus large à prendre possession de ce lieu, et ainsi créer des synergies entre la ville et le quartier.

En effet la rivière Cassarate, au bord de laquelle se trouve le site du concours, est une ancienne limite naturelle de Lugano. Aujourd’hui, cette frontière est devenue un axe fort du centre de la ville, suite au processus d’agrégation avec les communes voisines. On trouve dans ce contexte, le long de la rivière, d’importantes institutions culturelles, telles que l’Université de la Suisse italienne (USI), la Scuola di Musica Moderna (SMUM), le nouveau campus commun USI/SUPP, ou encore le centre de congrès Campo Marzio Nord. Le projet lauréat du quartier de l’ancien abattoir vient compléter ce réseau d’espaces publics dédiés à l’éducation et à la culture.

Le choix audacieux de l’agrégation

Le point fort de «Campus Matrix» est sans doute d’avoir lu dans le plan du rez-de-chaussée de l’ancien abattoir et de son extension un rythme clair et uniforme de vides et de pleins. Si la plupart des concurrents ont privilégié une accroche du nouveau ­programme aux immeubles en hauteur du boulevard voisin – quitte à écraser l’ensemble patrimonial – le jury a fort heureusement choisi un projet qui vient clore la citadelle, en s’insérant dans la trame posée par l’ancien site industriel. Cet exercice d’agrégation, beaucoup plus difficile, est néanmoins bien maîtrisé par le projet lauréat: le nouveau bâtiment de cinq étages, qui accueille la résidence étudiante, s’articule à son extrémité par une tête, formée par un volume en décalage, et haute de sept niveaux. Selon le rapport de jury, cette adresse claire dialogue avec les hauts bâtiments du tissu urbain environnant et devient l’élément iconique du nouveau complexe. Par une série d’opérations – symétrie des espaces extérieurs, décalages des volumes, sur-hauteur –, les architectes parviennent à proposer une barre de logement qui s’inscrit avec précision dans cet ensemble, et se distingue du deuxième prix qui le talonnait. Celui-ci proposait un nouveau bâtiment de logements convaincant, à la matérialisation légère, mais dont le plan était maladroitement séparé en deux par la réinterprétation du mur de clôture existant comme colonne vertébrale de l’édifice.

Dans son expression architecturale, le bâtiment de «Campus Matrix» se caractérise par la reprise de la typologie de toit présente sur le site. Il abrite dans une clarté structurelle les différents programmes qui l’habitent: sous un pan, les espaces communs – tels que les cuisines, les salons et les salles d’eau; sous un autre, les chambres simples et doubles. La galerie des espaces collectifs – vitrée mais fermée par des claustras, pour garantir lumière et intimité – est continue sur la longueur du bâtiment mais s’ouvre au nord, ou au sud, selon le positionnement des deux volumes.

Le projet lauréat répond avec brio aux exigences du concours en se caractérisant à deux échelles: non seulement par une analyse fine des structures préexistantes, mais aussi par le dialogue qu’il initie avec la ville et la rivière.

Concours de projet en deux phases – Requalification du quartier de l’ancien abattoir à Lugano

Maître d’ouvrage: Ville de Lugano
Prodédure: Concours de projet en deux phases
Projet lauréat: «Campus Matrix», Durisch + Nolli Architetti, Ingeni AG, IFEC Ingegneria, Westpol Landschaftsarchitekten
Jury professionnel:
Cristina Zanini Barzaghi, ing. civile
Gino Boila, architecte
Ruggero Tropeano, architecte
Martin Boesch, architecte
Céline Guibat, architecte
Lisa Muscionico, suppléante
Ludovica Molo, suppléante

Le rapport du jury et les planches peuvent être consultés sur competitions.espazium.ch.

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