«L'ac­te d'a­mé­na­ger va de pair avec la con­s­truc­tion»

Le 10 novembre dernier, alors qu’Hugues Hiltpold (PLR, Genève) était en lice pour le Conseil des États, les urnes rendaient leur verdict : il doit renoncer à la Chambre haute et quitter Berne, après une longue et riche expérience au Conseil national. Dans cet entretien, l’homme politique et l'architecte nous dévoile ses combats, ses ambitions et son point de vue sur des sujets d’actualité en lien avec l’environnement bâti.

Publikationsdatum
04-12-2019

Espazium: Après avoir siégé au Conseil national durant douze ans, vous vous êtes porté candidat au Conseil des États lors des élections fédérales de novembre, sans succès. Êtes-vous déçu?Hugues Hiltpold: Après trois mandats au Conseil national, j’ai décidé de ne plus me présenter à la Chambre basse et de me porter candidat exclusivement à l’élection pour le Conseil des États. Aujourd’hui, ma carrière politique fédérale s’arrête ; pour la suite, on verra. Je l’ai toujours menée de front avec ma carrière d’architecte. D’ailleurs, c’est ce qui me passionne. En tant qu’architecte, vous êtes amené à traiter de différentes thématiques, toujours en lien avec les gens : logement, surface de bureaux ou commerciale, etc… En politique aussi, vous examinez différents cas de figure qui concernent systématiquement l’être humain. C’est assez comparable, et c’est ce qui me plaisait bien.

Quel a été le temps fort de votre carrière professionnelle?
Il n’y a pas de temps fort en particulier. Tous les mandats qui m’ont été confiés ont été importants à mes yeux, peu importe la taille du projet ou l’identité du client. À l’université, l’un de mes professeurs avait l’habitude de dire : « Notre négligence envers des choses apparemment simples fait de nous des êtres barbares. » Peu importe l’envergure du projet, on doit le traiter avec la même force et la même attention.

Votre pratique d’architecte a-t-elle influencé votre manière de penser politique et société?
Au Parlement, il y a beaucoup plus d’hommes de loi que d’architectes et d’ingénieurs. Notre approche à nous sera un peu plus pragmatique, constructive et ouverte aux suggestions. Dans notre quotidien, nous sommes appelés à résoudre des problèmes, à construire et à réaliser.

Cet automne, la SIA a mis en place un forum, permettant aux délégués et groupes professionnels de faire entendre leur voix. À la suite des concertations, deux thèmes ont émergé : les passations des marchés et les bouleversements climatiques. Que peuvent faire les professionnels pour encourager un environnement construit de qualité?
En lien avec la question des marchés publics, il est fréquent de constater actuellement des situations de dumping salarial. Ainsi, des institutions publiques adjugent des marchés à des prix horaires bien en dessous des conventions collectives signées par les organisations professionnelles, patronales, syndicales et l’État. C’est un problème que l’on doit pointer du doigt et, à mon avis, la SIA est le bon interlocuteur pour le faire en soutenant que la sous-enchère se fera au détriment du patrimoine bâti. Des bureaux pratiquent ces prix-là car ils font faire des plans d’exécution en Pologne ou au Sri Lanka, à des tarifs horaires extrêmement bas.

Pour ce qui est du climat, j’ai déposé une demande d’autorisation de construire en février pour remplacer l’isolation de façade d’un immeuble de bureaux à Genève. On l’a obtenue au mois de novembre. On a dû se battre pour l’obtenir alors qu’on ne faisait que remplacer l’isolation sans dénaturer le bâtiment. Il existe une contradiction énorme entre, d’un côté, les bonnes intentions et, de l’autre, la réalisation. On doit pouvoir attendre des pouvoirs publics qu’ils soient sensibles à la préoccupation populaire. Là aussi, la SIA serait sans doute l’organisme le mieux placé pour œuvrer dans ce sens.

Le conseiller fédéral Alain Berset s’est rendu à Paris le 25 octobre dernier pour défendre les concours d’architecture et une culture du bâti de qualité. Quels sont les instruments permettant d’atteindre cette qualité, en Suisse?
C’est un vaste débat, car qu’est-ce qu’une culture du bâti de qualité, précisément ? S’agit-il d’un toit plat ou d’un toit à deux pans ? L’exemple peut paraître trivial, mais, sur l’intention, c’est une très bonne chose de se poser ce genre de questions. Ensuite, la mise en œuvre d’une culture du bâti de qualité peut quand même différer selon les régions, ne serait-ce que parce que la compétence d’octroi des autorisations de construire est différente d’un canton à l’autre. C’est dans le fond assez subjectif. Il est difficile de définir les règles d’une bonne culture du bâti en Suisse une fois pour toutes. Enfin, il n’y a pas que l’acte de bâtir, l’acte d’aménager va de pair avec la construction. Et la question du dumping salarial est bien évidemment aussi liée à la qualité : des prix trop bas dans les appels d’offres portent préjudice à la qualité du bâti.

En 2018, vous avez déposé une interpellation au Conseil national, portant sur l’adjudication de travaux publics des CFF et de l’aéroport de Genève à des entreprises étrangères. Que pensez-vous du travail de lobbying que mène la SIA face à ce type de situations?
Je pense qu’il est correct, mais qu’il pourrait être meilleur. D’ailleurs, je suis frappé de constater que la seule fois que la SIA me sollicite, en douze ans de carrière politique, c’est à l’occasion de cet entretien. Je n’ai jamais eu de contact avec la SIA, ni avec la centrale, ni avec la section cantonale, c’est assez fou. Tous les autres organismes concernés de près ou de loin par la politique ont des contacts avec leurs parlementaires à chaque session. La SIA devrait être un peu plus active sur ce terrain et mieux soutenir et sensibiliser ses membres dans toute action politique. Il est vrai qu’on ne traite pas forcément systématiquement d’éléments qui touchent les mandataires. Mais prenez le dernier exemple, l’évolution des marchés publics. C’est dommage qu’on n’ait pas été mieux accompagnés. En même temps, cela ne m’a pas empêché de me forger mon avis, de choisir les bons alliés. Certes, la SIA organise des petits-déjeuners au Palais fédéral, c’est une bonne chose. Cela permet de sensibiliser les parlementaires aux questions d’aménagement du territoire – et qui d’autre que la SIA est capable de le faire ? Ce serait la même chose en ce qui concerne la thématique des transports. J’ai été membre de la Commission des transports pendant quatre ans. On y a traité des projets dans le cadre du Programme de développement stratégique des routes nationales (PRODES), et je n’ai jamais eu de contact avec la SIA. Une approche plus politique de la part de cette association professionnelle de référence lui permettrait également de faire passer certains messages avec plus d’efficacité.

Né à Carouge en 1969, Hugues Hiltpold est architecte EAUG. Très tôt, il développe un intérêt grandissant pour la chose publique : en 1987, il rejoint ainsi le Parti radical de sa commune. Après l’obtention de son diplôme d’architecte, il fonde, en 2001, Hiltpold architectes, en association avec Pierre H. Hiltpold. Député au Grand Conseil entre 2001 et 2007, il est élu au Conseil national la même année et y siège jusqu’en décembre 2019. Les thématiques qui lui tiennent à cœur sont, entre autres, la construction durable et la politique énergétique.

 

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