«L’op­por­tu­ni­té de dé­ve­lo­p­per une ré­fle­xi­on en­tre­pre­neu­ria­le»

Règlements concernant les prestations et les honoraires

Le retrait des aides au calcul des honoraires place la branche face à de nouveaux défis. Daniela Ziswiler, responsable du service Règlements de la SIA jusqu’à fin mars 2019, évoque les opportunités qui en résultent en matière de développement de nouvelles compétences. Cette prise de parole de la SIA suscitera certainement des réactions. Elle est la première d’une série d’entretiens que les rédactions d'Espazium mèneront tout au long de l’année sur la question.    

Publikationsdatum
04-04-2019
Revision
04-04-2019

TEC21: Madame Ziswiler, pourquoi les règlements concernant les prestations et les honoraires (RPH) sont-ils le thème annuel de la SIA?
Daniela Ziswiler: À l’automne 2017, la Commission de la concurrence (COMCO) a annoncé à la SIA l’ouverture d’enquêtes préliminaires sur la conformité des RPH avec le droit des cartels. La SIA a ensuite réagi. La critique portait surtout sur le calcul des honoraires d’après le coût d’ouvrage. Notre objectif consistait à protéger les 95 % restants des RPH. En novembre 2018, nous avons temporairement enlevé des RPH les dispositions relatives au calcul des honoraires et les avons publiées sous la forme d’aides au calcul séparées. Ces dernières ont été approuvées par la COMCO comme une solution transitoire valable jusqu’à la fin 2019.

Pourquoi ces aides au calcul doivent-elles à nouveau être enlevées?
Selon de nombreux retours de la branche, ces aides au calcul avec les quantiles se sont avérées trop mathématiques et incompréhensibles. De ce fait, elles étaient difficiles à appliquer. Étant donné que les aides n’étaient de toute façon valables que jusqu’à la fin 2019, la SIA a opté pour un retrait précoce. En parallèle, les règlements SIA 102, 103, 105 et 108 seront à nouveau publiés avec les articles 1 à 6 conformes au droit des cartels.

Comment la SIA compte-t-elle s’attaquer à ce thème annuel?
Nous sommes conscients qu’aucune nouvelle solution globale ne pourra voir le jour d’ici le début de l’année 2020. Raison pour laquelle la SIA a mis sur pied un groupe d’experts pour déterminer la suite des opérations. Ce dernier est constitué de représentants du comité et du bureau de la SIA, d’un statisticien de la Haute école des sciences appliquées de Zurich, de représentants de la branche des bureaux d’études et du président et des membres de la commission centrale des règlements (SIA 102, 103, 105 et 108). La présence d’une multitude de disciplines en son sein y est ainsi garantie.

Sur quoi ce groupe d’experts travaille-t-il actuellement?
Il travaille sur différents projets qui seront intégrés dans le remaniement des RPH sur le plan conceptuel. La question est de savoir quels indices du projet influencent en fin de compte les honoraires. Le fameux modèle de calcul des honoraires est un outil très simplifié qui mentionne les coûts de l’ouvrage comme seule dimension de référence. Nous examinons maintenant les autres facteurs d’influence quantitatifs et qualitatifs qui sont déterminants. D’autre part, nous étudions la pratique courante à l’étranger. Nous nous sommes informés sur la détermination et la convention des honoraires dans neuf autres pays. Nous avons constaté que certains pays (par exemple l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie) utilisaient également des modèles reposant sur les coûts de l’ouvrage tandis que de nombreux autres n’avaient pas de modèles concrets ou les avaient retirés (par exemple l’Espagne, la France et la Finlande). Ils négocient donc les honoraires et se basent sur différentes valeurs de référence.

Que peut-on d’ores et déjà dire sur les facteurs d’influence qualitatifs et quantitatifs?
Nous avons constaté que ce sont des facteurs quantitatifs (comme les indices liés à la surface ou aux coûts) et des facteurs qualitatifs (comme l’organisation du projet, le contexte politique ou le facteur temps) qui étaient déterminants pour le travail d’étude et de conception. Ces dimensions n’ont jusqu’à présent quasiment pas été prises en compte dans le modèle de calcul des honoraires connu.

Comment se présente la suite de la feuille de route pour le remaniement des RPH?
Le groupe d’experts collecte les informations résultant des travaux en cours. Les résultats seront synthétisés d’ici à la fin 2019. Le groupe d’experts informera sur la suite des opérations à la fin 2019. Nous sommes conscients du fait qu’il y aura un vide pendant deux à trois ans jusqu’au développement d’une nouvelle aide concernant les honoraires. Le calcul des honoraires ne constitue cependant qu’une partie des RPH. Les descriptifs des prestations sont également vérifiés en parallèle. Les normes et règlements sont régulièrement contrôlés (au moins tous les cinq ans) par les commissions responsables pour veiller à ce que l’ouvrage normatif de la SIA soit toujours à jour. Les règlements SIA 102, 103, 105 et 108 ainsi que les deux modèles SIA 111 et 112 ont été publiés en 2014. Les commissions responsables se penchent actuellement sur les besoins potentiels en matière de révision.

Cela signifie donc qu’il n’y aura pas d’outil de calcul pendant longtemps?
En effet, il faudra un certain temps avant que la SIA puisse proposer à ses membres un support pour le calcul des honoraires sous la forme d’aides au calcul. Dans ce contexte, il est aussi important de dire que les articles 1 à 6 des règlements publiés à partir du 1er mai 2019 seront valides.

Quels changements par rapport aux RPH actuels faut-il escompter suite aux remaniements?
Comme déjà évoqué, le modèle connu de calcul des honoraires semble être trop réduit aux seuls coûts de l’ouvrage. C’est en partie dû au fait que l’obtention des bases du modèle a demandé énormément de travail à l’époque. Un modèle aussi simplifié peut certes entraîner certains avantages dans les phases de projet précoces mais ne peut représenter que de manière insuffisante les spécificités du projet. Depuis longtemps, on critiquait le fait que différentes circonstances, comme les prestations d’innovation, l’optimisation des coûts d’entretien du bâtiment ou le type de maître d’ouvrage, n’étaient pas prises en compte. La COMCO ne serait en principe pas opposée à une formule. Par contre, il est crucial de disposer d’une base de données robuste et représentative. La SIA n’a pas réussi à fournir ces deux éléments au cours de ces 14 dernières années. C’est la raison pour laquelle le groupe d’experts discute actuellement d’alternatives.

Comment ces alternatives pourraient-elles se présenter?
Une alternative possible consiste à instaurer une base de données de référence. La pratique étrangère des valeurs de référence (Benchmarking) mentionnée précédemment va dans ce sens.

Comment imaginer une telle base de données de référence?
Une base de données de référence pourrait saisir et traiter des projets construits avec les indices du projet qui en découlent et les propriétés de classification.
On crée ainsi une base qui permet de comparer son propre projet avec des projets similaires (par exemple pour estimer le travail nécessaire), d’interpréter les valeurs et de vérifier sa propre estimation. Le type d’informations que doit fournir une telle base de données n’est pas encore défini.

Comment les données requises vont-elles être générées?
Dans un premier temps, il est important d’identifier les indices du projet pertinents pour les honoraires abordés précédemment afin de pouvoir les déterminer par catégorisation à partir d’un jeu de données de projets le plus vaste qui soit dans un deuxième temps. La SIA estime qu’il faudrait faire participer le plus possible de membres et de partenaires stratégiques tels que la KBOB1 et le CRB2 pour collecter et partager des données de référence.

Quel est le rôle de la numérisation?
La numérisation va d’une part changer les processus d’étude et de conception. D’autre part, dans l’optique d’une telle base de données de référence, nous espérons que le transfert des indices des projets dans la base de données sera facilité à l’avenir.

Comment sera organisé le délai transitoire jusqu’à la publication des RPH remaniés?
Dans un premier temps, lors de l’assemblée des délégués du 12 avril 2019, le comité de la SIA demandera la republication ordinaire des articles 1 à 6 de SIA 102, 103, 105 et 108. Cela signifie que les membres auront à nouveau accès à un RPH conforme au droit de la concurrence et ayant fait ses preuves à partir du 1er mai 2019. Cela revient donc à dire que la SIA, en sa qualité d’association nationale, ne pourra plus donner de directive concernant un modèle relatif au volume d’heures nécessaires. Les commissions auront encore besoin de plus de temps pour réviser tous les RPH.

Que va faire la branche d’étude et de conception entre le retrait des aides au calcul et l’arrivée d’une nouvelle solution durable?
Suite au retrait, nos membres devront davantage se reposer sur leurs propres valeurs d’expérience. Une pensée entrepreneuriale sera donc saluée comme un effet secondaire bienvenu. En fin de compte cela s’accorde également bien avec l’idée d’un modèle de données de référence fournissant simplement aux concepteurs des informations statistiques complémentaires sur l’estimation du volume de travail nécessaire et qui permettent ainsi sa vérification.

Qu’en est-il de l’application de l’ancien modèle de calcul des honoraires?
Selon la COMCO, il n’est pas possible de donner de directives aux mandants. Ces derniers peuvent toujours se référer au modèle de calcul des honoraires des RPH de 2014 et même le convenir par contrat. Par contre, les mandataires ne pourront plus exiger ce modèle en se référant aux RPH.

Selon vous, quels défis entraînera cette autonomie croissante pour les bureaux?
Pour les bureaux qui effectuent de toute façon en permanence de nouveaux calculs sur leurs projets et qui ont ainsi conscience du volume de travail et des coûts internes d’un projet donné, aucun défi de taille n’est à escompter. Dans un tel cas, la disponibilité ou non d’une formule n’a aucune importance. Le retrait de la formule peut aussi constituer une opportunité de simplification de l’estimation du volume de travail nécessaire. Il est important que le bureau ait conscience des facteurs poussant le volume de travail nécessaire à la hausse dans un projet.
Les concepteurs doivent apprendre à agir de manière autonome et à argumenter pour leur volume de prestations. Diriger un bureau implique d’assumer une responsabilité entrepreneuriale. Il faut aussi être en mesure de calculer les taux d’honoraires à partir des frais salariaux et généraux. Comme évoqué, cet affranchissement des directives doit être considéré comme l’opportunité de développer une réflexion entrepreneuriale.

Faut-il attendre de la SIA un soutien pour le développement de cette réflexion entrepreneuriale?
L’objectif de la SIA est d’inciter ses membres à agir en faisant preuve d’autonomie. Pour la plupart, les membres disposent de l’expérience requise pour ce faire. Mais la SIA propose aussi une série Form consacrée au thème Développement de compétences entrepreneuriales (voir encadré). On peut aussi imaginer que la branche apporte elle-même son aide, par exemple avec un transfert de connaissances des bureaux expérimentés vers les membres relativement moins expérimentés.

Propos recueillis par Ulrich Stüssi, rédacteur génie civil à TEC21.

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