La BIG 2025: bien­na­le in­tré­pi­de

La Biennale Intrépide des espaces d'art de Genève a eu lieu fin août au Bois de la Bâtie, où ont été construites des infrastructures aux allures de bivouac.

Data di pubblicazione
31-08-2025

La BIG 2025 s'est tenue du 21 au 31 août au Bois de la Bâtie, où elle a accueilli 95 espaces d'art et collectifs d'artistes sur le thème de l'intrépidité. Gratuite, sans sélection des participant·es, la biennale a principalement occupé l'esplanade qui surplombe le quartier de la Jonction. Sur cette pelouse en pente a été construit le projet Rusticage du Collectif Bambi, composé de tentes triangulaires bigarrées, reliées entre elles par une passerelle métallique surélevée.

L'art indépendant genevois

En 2015 se tenait la première Biennale des espaces d'art indépendants (BIG). Les containers maritimes bleus, disposés au centre de la plaine de Plainpalais, formaient une version métallique de Stonehenge, bientôt investie par 35 espaces d'art et collectifs d'artistes. La BIG remplaçait en quelque sorte la Manifestation d'art contemporain (MAC), qui s'était arrêtée soudainement en 2011 après trois éditions seulement. Dès sa création, la biennale se voulait fédératrice; elle souhaitait rassembler la scène alternative et indépendante genevoise, affaiblie dans les années 2000 par la disparition des squats, autrefois de véritables espaces de création1. Avec la BIG, une place est donnée à celles et ceux qui ne conçoivent pas l'art comme une marchandise et qui ne se reconnaissent pas dans le circuit institutionnel.

Depuis, les éditions se sont succédé. En 2017, la plaine de Plainpalais accueillait à nouveau des containers, transformés cette fois en une cité-jardin utopique. Deux ans plus tard, en 2019, la BIG s’installait sur un chantier des Charmilles avec une infrastructure composée de tunnels de maraîchage. En 2021, c’est l’Île Rousseau qui, durant un mois, se voyait habitée par une structure en bois. Enfin, en 2023, la biennale prenait ses quartiers à la Perle du Lac avec une installation à la fois terrestre et lacustre. 

BIG 2025, un parcours intrépide

Pour ses dix ans, la BIG 2025 a choisi de s'implanter dans le Bois de la Bâtie, en confiant au Collectif Bambi le soin de réaliser les infrastructures. Le projet Rusticage a été conçu comme «un parcours, une randonnée où l'on rencontre des espaces d'art le long d'un sentier», nous dit Thomas Robert, l'un des 6 membres du collectif. À l'origine, Rusticage aurait dû être construit dans la forêt, parmi les arbres. La création d'une passerelle surélevée permettait ainsi d'éviter le piétinement des racines; quant aux espaces d'exposition, ils évoquent un bivouac. Mais, un mois seulement avant le début du chantier, la Ville de Genève a fait volte face, jugeant la forêt trop dangereuse pour une manifestation telle que la BIG. Le Collectif Bambi a donc adapté son projet à la pente de l'esplanade, tout en restant fidèle à ses premières intentions, et au lien qui unit Rusticage à l'univers de la forêt.

De forme triangulaire, et recouverts de tissus colorés, les espaces d'exposition de la BIG 2025 s'opposent à l'habituelle white box muséale. Une opposition assumée par le Collectif Bambi, qui souhaitait rompre avec la sobriété de mise dans le monde institutionnel. La présence d'une artiste et d'un architecte paysagiste dans le collectif a été décisive, selon Thomas Robert: «Si on avait été que des architectes, on aurait jamais fait un tel projet.» Heureusement, le collectif peut compter sur des membres aux profils variés, provenant de l'architecture, mais aussi des mondes de l'art, de l'architecture paysagère, ou de la scénographie.

D'autres infrastructures ont été réalisées pour la BIG 2025. L'événement comprenait également un forum, un accueil, ou encore un dortoir, conçus par différents collectifs. L'ensemble de ces constructions a été réalisé lors d'un chantier participatif de quatre semaines, où s'est relayée une quarantaine de bénévoles. Depuis 2023 au moins, le chantier de la BIG est «revendiqué comme un acte culturel, qui fait partie intégrante de l'événement et correspond aux valeurs de la biennale.», souligne Mara Usai, autre membre du Collectif Bambi.

Des obstacles de plus en plus nombreux

L'esplanade n'avait pas accueilli un tel événement culturel depuis la fin des années 1970, quand le Festival du Bois de la Bâtie avait attiré 25 000 personnes sur cette pente herbeuse. À l'époque, comédien·nes et musicien·nes alternatif·ves genevois avaient voulu s'éloigner de la ville et de ses institutions. Aujourd'hui, et malgré les différences évidentes entre les deux manifestations, une filiation existe. «On avait envie de s'inscrire dans cette histoire, d'occuper l'espace public de manière festive et culturelle», nous dit Eva Briffod, l'une des six coordinateur·ices de la BIG 2025. «La question de l'espace public est centrale dans la diffusion de la culture, ajoute-t-elle, ainsi que celle de l'accès à des lieux qui ne sont pas pensés à l'origine pour ce genre d'événement.» 

Toutefois, le chemin a été semé d'embûches. L'époque où l'on occupait l'espace public sans autorisation – a-t-elle au moins existé? – semble révolue. «C'est peut-être l'une des dernières fois où un événement de ce genre peut se dérouler au Bois de la Bâtie», confie Ophélie Pinto, également coordinatrice de la BIG. C'est que la Ville de Genève tient à préserver cette forêt urbaine. Est-ce toutefois une raison suffisante pour interdire toute manifestation culturelle? Les autorités pourraient s'inspirer du projet Rusticage, et de la BIG 2025 dans son ensemble, qui ont su trouver une myriade de solutions ingénieuses afin d'allier la culture à la préservation du site.

Notes

 

1. À ce sujet, voir le texte de Luca Pattaroni et Mischa Piraud, publié à l'occasion de la première édition de la BIG: «Genève s'étouffe: les mondes de l'art aux prises avec la ville capitaliste», juin 2015.

Coordination de la BIG 2025

 

Apolline Aymon, Aymon Barrio, Eva Briffod, Alice Hoggett, Thaïs Juillerat, Ophélie Pinto

 

Constructions

 

Collectif Bambi (Marie-Laure Bourquin, Coline Davaud, Maryse Kalonji, Thomas Robert, Mara Usai et Adrian Ziehli) - Conception générale du projet d'infrastructure
Société des Monteurs et Laboratoire Atmosphérique - Construction du forum
MMM, Milena Kuster et Stefania Malangone - Construction du dortoir
Yakafocon - Construction du bar
Primadelus - Construction de la scène de la lisière
Collectif KLIC KLAC - Construction de la structure d'accueil
Alu'It Echafaudages SA - Construction des échafaudages