Voyage en Pé­da­go­gie

Date de publication
16-04-2023

Les professionnel·les n’entendent que des échos lointains de ce qui se trame dans les contrées pédagogiques. De ce continent étrange, nous recevons en général de belles publications, fruits du labeur intense d’étudiant·es discipliné·es. Mais depuis quelque temps, l’activité de construction qu’on leur enseigne est tenue pour responsable du réchauffement climatique et de la destruction d’écosystèmes. On assiste à des soulèvements: des potentats sont renversés, l’ordre établi est contesté! La pandémie, particulièrement éprouvante sur le continent pédagogique, aurait révélé la fragilité, non pas tant des étudiant·es, que d’un système et de ses rituels (charrettes, critiques, compétition). Depuis lors, on organise des cercles de parole, on travaille en collectifs, on se préoccupe des heures de travail, on prend soin les un·es des autres…

Pour comprendre ce qui se passe dans les écoles, il faut varier les perspectives. Nous avons donc lancé un appel à contribution sur le thème de «l’inéduquation» au mois de décembre 2022. L’éducation actuelle des architectes et des ingénieur·es est-elle en adéquation avec les besoins actuels, et surtout futurs? Trente missives nous sont parvenues, d’étudiant·es, de professionnel·les, d’enseignant·es et même de professeurs à la retraite. Ces témoignages nous confirment que les rapports entre «enseignant·es» et «enseigné·es» ont changé, mais de manière pacifique. «C’est un peu comme 1968, mais sans les pavés», résume Jeffrey Huang, directeur de l’Institut d’architecture de l’EPFL. Il décrit une génération d’étudiant·es très impliqué·es dans la réforme de leurs écoles. Avec l’évolution rapide des questions écologiques, sociales et technologiques, la recherche, l’enseignement et l’innovation tendent à se confondre toujours plus : étudiant·es, chercheur·euses et enseignant·es y participent collectivement et on ne sait parfois plus qui apprend de qui, de l’aveu de quelques enseignant·es. Les catégories se brouillent: en Pédagogie, il n’est pas aisé d’opposer les fronts, que ce soit entre générations, entre orientations politiques, entre «progressistes» et «conservateurs», pas même entre étudiant·es et institutions. La situation actuelle ressemble au récit livré dans l’introduction à Radical Pedagogies, dont nous livrons une traduction inédite: comme jadis sous la pression des crises écologiques et énergétiques, émergent des revendications multiples et parfois contradictoires, que les écoles ont rapidement absorbées dans leurs cursus, spontanément, ou lors d’une réforme en profondeur.

Dans les contrées pédagogiques, les frontières et les points de vue évoluent rapidement. Dresser une carte ressemble à un travail d’explorateur dont les récits finissent par disséminer des fables farfelues. Certes, nous avons arpenté quelques régions, entre ­l’Utopie et la Pragmatie (celles du «faire», celles de la participation, celles où l’on ne construit même plus…). Mais pour se faire une idée précise, il vaut mieux consulter les personnes intéressées: les 30 textes que nous avons reçus sont publiés en ligne, sur ­espazium.ch.

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