Va­ria­tions sur le thème de la com­plexité à grande échelle

Objets hybrides de grande envergure intégrant des fonctions multiples et dont l’échelle se situe à mi-chemin entre le fragment d’une ville et celle du bâtiment: tels sont les attributs des projets complexes qui suscitent aujourd’hui de nouveaux débats sur le thème de la complexité en architecture. Regard ciblé sur le projet de reconversion de l’entrepôt Macdonald à Paris.

Date de publication
02-04-2014
Revision
14-10-2015

Que ce soit dans les nouveaux pôles de l’économie globalisée ou dans une Europe en perte de vitesse, nous assistons aujourd’hui à la prolifération d’une multitude de bâtiments d’échelle colossale. Ces nouveaux totems, objets architecturaux de formes génériques et iconiques, occupent les colonnes de la presse spécialisée autour des sujets de la grande échelle, la Bigness et la complexité1. Il s’agit généralement de bâtiments multifonctionnels complexes – des «villes dans la ville» – dont la conception implique un processus de complexité maximale.

Différentes interprétations de la complexité en architecture


La notion de complexité revient aujourd’hui dans le discours architectural comme un leitmotiv, ayant déjà fait l’objet de plusieurs redéfinitions.
Dans la seconde moitié du 20e siècle, la complexité fut un des concepts clés de la critique du modernisme fonctionnaliste. Elle exprimait le rejet du principe de séparation totale des fonctions – principe inhérent à l’urbanisme moderne, tel qu’il se préfigure dans la Charte d’Athènes. Le Team X a joué un rôle prépondérant dans cette définition de la complexité, stipulant clairement la nécessité d’une hybridation entre l’architecture et l’urbanisme, afin de transposer dans les bâtiments de logements (qui avaient tendance à évoluer selon une logique hygiéniste orthogonale) la complexité relationnelle des milieux urbains, et plus particulièrement de la rue2. Dans plusieurs projets et essais, «les architectes reprennent les principes de l’Unité d’habitation de Le Corbusier, en réinterprétant le principe de la rue intérieure, un lien intrinsèque qui continue à lier les domaines de l’architecture et de l’urbanisme.»3
Une autre forme de complexité, associée à la grande échelle et aux difficultés de conception qui en résultent, sera développée dans les années 1990 par Rem Koolhaas dans le célèbre manifeste sur Bigness4, publié dans l’ouvrage S, M, L, XL (voir encadré ci-dessous). En prenant comme point de départ la construction du projet Euralille, Koolhaas définit comme Bigness «la seule architecture qui puisse arbitrer une prolifération hétérogène d’événements à l’intérieur d’un seul contenant»5
Dans cette nouvelle configuration d’extrême densité, les fonctions – que les plans de zoning planifient à l’horizontale – se trouvent condensées à l’intérieur de contenants de dimension et de typologie exceptionnelles. La complexité inhérente à la condition de Bigness implique l’établissement d’un système logique de stratégies qui organisent simultanément l’interdépendance et l’indépendance des différents programmes, et dont la symbiose définit le fonctionnement du grand dispositif. De ce fait, seule «Bigness incite le régime de la complexité qui mobilise l’intelligence complète de l’architecture et de ses domaines connexes.»6
Aujourd’hui, la nouvelle génération de très grands projets invite à repenser le thème de la complexité, notamment dans son rapport au processus. Si dans les années 1960 et 1970 les projets étaient souvent financés par le secteur public, les grands projets actuels font preuve d’une grande complexité dans les montages financiers qui les rendent possibles. Le recours systématique aux partenariats public-privé (PPP) constitue à lui seul un facteur de complexification des procédures de production et de gestion. 
Cela ne va pas sans affecter les conditions dans lesquelles l’architecture peut être produite. La multiplication des acteurs impliqués dans les projets complexes semble en effet induire une diminution des responsabilités de l’architecte. Souvent, ce sont les promoteurs qui définissent eux-mêmes l’avant-projet, augmentant ainsi considérablement leur pouvoir décisionnel dans la planification et la construction. Dans cette configuration, le rôle de l’architecte se limite à coordonner les différents acteurs et se charge de diffuser les intérêts des particuliers ou des sociétés. Force est de constater que, même en prenant soin de maintenir les valeurs de base et les ambitions de ce que l’architecture peut fabriquer pour le bien commun, l’émergence de cette nouvelle forme de complexité contraint radicalement le rôle de l’architecte.7

La reconversion de l’entrepôt Macdonald: un paradigme de complexité 


Si l’on devait dresser la liste des projets complexes de grande échelle, il serait difficile d’ignorer la reconversion de l’entrepôt Macdonald. De par ses dimensions hors normes, le contexte urbain en pleine mutation dans lequel il s’insère et sa complexité programmatique à laquelle s’ajoute la complexité technique inhérente à une reconversion, le projet parisien renferme un modèle insolite de complexités.
Pour avoir fait de la grande échelle un de ses thèmes de prédilection, l’agence OMA a été retenue par la Ville de Paris en 2007 pour l’élaboration d’un plan directeur capable de définir à la fois la reconversion et la densification de cet imposant bâtiment datant du début des années 1970. 
Situé dans le 19e arrondissement de Paris, près de la porte de la Chapelle, l’entrepôt Macdonald est placé au cœur du grand projet de Renouvellement Urbain du secteur Paris Nord-Est. Le potentiel de cette «cité radieuse» du début du 21e siècle sera d’intégrer, dans les limites du bâti existant, un programme mixte à l’échelle d’un quartier, capable d’accueillir des logements, des bureaux, des commerces, des activités, des équipements publics et une infrastructure de transport (lire Reconversion de l'entrepôt Macdonal: contextualisation et présentation générale). 
La ville se construit ainsi sur elle-même dans une logique de densification, rapprochant l’échelle du quartier à celle d’un bâtiment. Ce rapprochement entre les domaines de l’architecture et de l’urbanisme crée une nouvelle forme de complexité relative au statut du bâtiment; ce dernier devient en effet un modèle complexe d’hybridité, dont il n’est pas toujours évident de comprendre le cadre réglementaire – urbanistique et juridique – dans lequel il s’inscrit. L’entrepôt Macdonald, bien qu’il s’agisse d’un projet a priori conçu à l’intérieur d’un bâtiment existant, n’échappe pas aux réglementations du plan local d’urbanisme (PLU) qui façonnent l’ensemble des opérations parisiennes.
En termes de desserte, la position stratégique de l’entrepôt (à quelques dizaines de mètres de la plus récente ligne RER du réseau francilien) en faisait un candidat idéal pour un projet de densification. Compte tenu du passé industriel du terrain mais également des problèmes de dépollution qu’aurait généré la démolition intégrale du bâti existant, l’idée de conserver la quasi-totalité de l’édifice s’imposa dès le début. De plus, d’un point de vue réglementaire, une reconversion permettait de densifier davantage qu’une nouvelle opération. Il a donc été prévu par l’équipe de l’OMA que la structure existante serve de support à la construction d’un ensemble de nouveaux bâtiments.
Cette densification de l’entrepôt ajoute au projet deux niveaux supplémentaires de complexité: technique d’une part, puisque les enjeux constructifs liés à la surélévation du bâti existant engendrent des défis structurel, économique et sécuritaire audacieux; procédurale d’autre part, du fait de l’intégration d’une infrastructure de transport – passage du tramway au milieu du bâtiment et connexion à la future gare du RER E Rosa Parks – dans le programme mixte.
Cette complexité procédurale génère une sophistication du montage financier de l’opération. Les financements sont en effet de sources multiples et imbriqués selon diverses cessions de droit à bâtir qui impliquent des ajustements financiers et juridiques. La Semavip et ses deux partenaires – la Caisse des Dépôts et Icade (regroupés au sein de la Société par actions simplifiées ParisNordEST) – pilotent la gestion d’une «dynamique d’enfer»8 à la hauteur de ce projet gigantesque. Gérer cette pluralité d’acteurs qui prolifère tant au niveau de la maîtrise d’ouvrage que de la maîtrise d’œuvre plurielle constitue sans aucun doute un véritable défi.
Ce paquebot d’une longueur supérieure à 600 mètres (presque aussi grand que l’île Saint-Louis) incarne un objet d’une grandeur exceptionnelle de 165 000 m2 et fait à la fois écho à la grande échelle caractéristique du secteur Paris Nord-Est et à la théorie de Bigness9 qui associe «l’énormité de l’objet» à l’idée d’icône et de monumentalité. D’une apparence unitaire, marquante et identifiable, ce projet a pour vocation de constituer un pôle déterminant pour la régénération du nord-est parisien. Si, d’un côté, le concept du grand objet – contenant – est clair et s’exprime par une accumulation iconique et extraordinaire, une question de base émanant des mégastructures10 se pose: quelle sorte de système s’établit à l’intérieur de cette grandeur apparente ?

Des modèles de densification opposés: ville verticale vs ville horizontale


Tandis que le gros-œuvre du futur projet de l’entrepôt Macdonald touche à sa fin, un autre bâtiment signé OMA fait sensation dans les médias et la presse spécialisée. Situé dans une ancienne zone portuaire en plein renouvellement urbain de la ville à laquelle il doit son nom, le projet De Rotterdam (fig. 5) semble en effet ouvrir un nouveau débat sur la Bigness11.
Terminé peu de temps après la CCTV à Pékin et juste avant la Stock Exchange à Shenzen, De Rotterdam semble appartenir à cette famille de projets qui, comme l’énonce le manifeste, produit un «nouveau type d’architecture». Tous trois présentent des caractéristiques communes telles que l’échelle hors norme, la verticalité ou encore le langage architectural générique et indépendant du contexte. 
De prime abord, l’opération de l’entrepôt Macdonald présente plusieurs attributs qui la rapprochent de ce projet néerlandais. Situées dans des métropoles européennes de forte densité, toutes deux affichent une échelle hors norme avoisinant les 160 000 m2, un programme mixte et s’insèrent dans des plans de renouvellement urbain d’anciennes zones industrielles. 
Sous ces apparentes similitudes se cachent néanmoins des différences fondamentales de conception, rendant ainsi ces deux projets distincts. Tenter de les comparer permet de mieux cerner la lecture de l’entrepôt Macdonald et d’interroger le caractère de son architecture dans un contexte global.
Tout d’abord, ces deux opérations représentent des modèles de densification opposés. De Rotterdam – objet formé par quatre tours combinées s’élevant depuis un podium – s’appuie sur le modèle de la congestion américaine et le potentiel de l’organisation en hauteur. Il propose ainsi une «cité verticale» autonome incorporée dans un volume qui, comme la majorité des Big Buildings, cherche un «sentiment d’uniformité»12. Le projet de l’entrepôt Macdonald, telle une tour couchée sur son flanc, explore au contraire l’horizontalité en déployant dans sa longueur une succession de tranches programmatiques (activités, bureaux et logement). Cette disposition rappelle la tour couchée caricaturée par Madelon Vriesendorp dans le film d’animation «Flagrant Délit» (fig. 6), cherchant une humanisation sarcastique de l’architecture.
Par ailleurs, l’entrepôt Macdonald se démarque des autres projets de très grande échelle du fait de son caractère social accentué. A l’importante quantité d’équipements publics s’ajoute un nombre impressionnant de logements de typologies variées – dont une moitié de logements sociaux (location par un bailleur public à prix contrôlé). A l’inverse, en tant qu’ouvrage de promoteurs privés, De Rotterdam s’organise dans un esprit plus homogène d’appartements de standing.

Rien ne se connecte


Le concept de base du projet Macdonald élaboré par OMA et Floris Alkemade prévoyait à la fois la préservation et la valorisation du modernisme austère et horizontal qui caractérise le bâtiment industriel préexistant, en ajoutant un nouveau volume «simplement conçu comme un doublement du volume existant»13. Ce concept intitulé «double mac» proposait à la Ville de Paris une tentative de réconciliation avec l’aspect formel d’un modernisme qui avait «généré partout des difficultés, comme s’il était l’antithèse de la ville conviviale.»14
Pourtant défendu par les concepteurs, ce projet a été rejeté par les promoteurs et aménageurs. De toute évidence, le contexte général de la production des opérations urbaines en France semble être déterminé par le rejet du modernisme des années 1960. En élaborant une analyse générale du contexte de production des grandes et récentes opérations urbaines françaises dans son livre Où va la ville aujourd’hui? Formes urbaines et mixités, Jacques Lucan constate que «le fantôme du ‹grand ensemble› n’en finit pas de hanter les esprits: il apparaît aussitôt qu’un bâtiment fait plus de 30 mètres de long, que quelques fenêtres sont régulièrement alignées, que des balcons filants se profilent»15. Cette condition intrinsèque – en totale opposition à la «monotonie» moderniste – paraît justifier «l’approche sculpturale de l’architecture propre au contexte français ou parisien» telle qu’exposée dans le – soi-disant exceptionnel – projet de l’entrepôt Macdonald. 
Afin de garantir et promouvoir cette diversité architecturale qui s’exhibe partout dans les ZAC, la Ville de Paris a mandaté 15 bureaux d’architectes pour le projet de l’entrepôt Macdonald. L’ensemble a donc été divisé en tranches horizontales que chaque architecte a développées indépendamment.
Paradoxalement, l’équipe de coordination dirigée par Floris Alkemade et Xaveer de Geyter a fait le maximum pour résister à toutes les volontés menaçant d’éroder la simplicité et l’uniformité de l’architecture existante. Pour maintenir l’aspect unitaire du bâtiment, les architectes coordinateurs ont imposé aux 15 équipes un certain nombre de règles. Parmi elles, la conservation de la façade existante, laquelle ayant finalement été déposée puis reconstruite à l’identique est devenue un élément purement ornemental ajouté à la nouvelle construction.
Ces efforts pourraient éventuellement rapprocher le projet Macdonald au concept de Bigness qui préconise la scission de l’intérieur et l’extérieur en deux éléments distincts. Dans ce schéma, l’extérieur agit comme agent de désinformation – offrant à la ville la stabilité apparente d’un objet – et l’intérieur relève de l’instabilité d’une organisation dynamique avec des résultats imprévisibles, où «tous les occupants sont connectés de multiples façons, avec l’ascenseur comme un catalyseur»17.
Cependant, rien dans l’entrepôt Macdonald ne traduit à ce schéma. Bien que les programmes soient variés et que la mixité typologique18 permette, dans certains cas, d’instaurer de la mixité sociale, les parties du bâtiment restent déconnectées les unes des autres. L’édifice devient un ensemble de bâtiments indépendants juxtaposés, chacun possédant son accès individuel depuis la rue. Les efforts des architectes pour favoriser la vie sociale et les interactions entre les habitants sont restés vains. La cour intérieure qui aurait pu devenir un formidable jardin suspendu reliant les édifices distincts ne sera pas accessible. Malgré les nombreux débats, le plus intéressant des espaces praticables de l’ensemble a été tout simplement interdit par les opérateurs que n’y ont vu qu’un surcoût d’entretien et une source de problèmes.
S’il demeure peu probable que De Rotterdam devienne l’organisation sauvage et dynamique que Koolhaas prédit dans le manifeste de Bigness, l’entrepôt Macdonald ne semble pas plus à même d’y parvenir. Ce projet qui visait pourtant une véritable mixité de programmes, de logique sociale et de relation de voisinage est finalement en train de devenir un quartier similaire à une opération de macro-lot « à la française », avec une privatisation accrue des espaces partagés et dans lequel seule la rue, à l’extérieur du projet, fonctionne comme un espace de rencontre. 

L’entrepôt Macdonald: projet complexe ou projet compliqué ?


Si la complexité se définit comme «un tissu de constituants hétérogènes inséparablement associés»19, cette logique de connectivité et de flux ne semble pas avoir été accomplie dans la nouvelle architecture produite à l’intérieur de l’ancien entrepôt Macdonald. 
Ce qui aurait pu devenir un bâtiment multifonctionnel de grandeur exceptionnelle ne sera finalement pas plus qu’une juxtaposition d’édifices conventionnels indépendants, un collage de langages architecturaux divers, liés artificiellement par le vestige d’un passé révolu. Malgré l’échelle globale du projet qui pourrait incarner cette «nouvelle sorte d’architecture» définie par le manifeste de Bigness, le conservatisme de ses promoteurs semble capable de lui avoir enlevé les éléments qui auraient pu en faire un catalyseur social. 
Ce qui reste au final, c’est cette autre complexité qui émane du processus de production. Même si les valeurs de base et les ambitions de ce que l’architecture peut faire en tant que créatrice de complexité relationnelle et d’innovation se maintiennent, la complexité du processus semble empêcher sa mise en œuvre, menant à des solutions simplistes. L’architecture de l’entrepôt Macdonald, tout en aspirant à trop d’ambitions, n’arrive pas à générer de la complexité à l’intérieur de son contenant; elle reste juxtaposée, hétérogène et compliquée.

Marta Brandão est assistante et doctorante au LTH2 (EPFL) et participe au programme ComplexDesign dirigé par le LAMU.

 

 

Notes:

1. Le numéro de la revue Architectural Record, intitulé « The Big Issue », paru en mars 2014, consacre la plupart des articles au sujet de Bigness.
2. Fayolle-Lusac B. & Papillault R., Team X et le logement collectif à grande échelle en Europe : un retour critique des pratiques vers la théorie, MSHA, Pessac, 2004, p. 80
3. Op. Cit., p. 217
4. Le thème de la Bigness est implicite dans le premier livre de Rem Koolhaas, New York Délire, 1978, évoquant la congestion urbaine qui le fascine en particulier dans l’univers fantaisiste de Manhattan.
5. Menu I., Vermandel F., « Entretien avec Rem Koolhaas » in Euralille, poser, s’exposer, SEM Euralille, 1995
6. Rem Koolhaas, « Bigness or the problem of Large », in Rem Koolhaas & Bruce Mau, S, M, L, XL, Rotterdam-New York : 010 Publishers/Monacelli Press, 1995, pp. 494-516.
7. Mackenzie A., « Batik, Biennale and the death of the skyscraper – Interview with Rem Koolhaas », in Architectural Review, février 2014
8. Jean-Paul Baietto, client OMA, en conversation avec Rem Koolhaas à propos du projet Euralille.
9. Rem Koolhaas, « Bigness or the problem of Large », in Rem Koolhaas, & Bruce Mau, S, M, L, XL, Rotterdam-New York : 010 Publishers/Monacelli Press, 1995, pp. 494-516.
10. Reyner Banham, Megastructure–Urban Futures of the Recent Past, Thames and Hudson, London, 1976
11. Une photo du bâtiment De Rotterdam fait la couverture du numéro de mars 2014 de la revue Architectural Record, intitulé « The Big Issue ». Des revues comme Domus, Wallpaper, Architectural Review ou même des périodiques comme The Guardian ont publié des articles sur ce projet, mettant en question des sujets comme l’échelle, la forme générique ou l’influence du Manhatanism sur la conception de cette ville verticale.
12. Mackenzie A., « Batik, Biennale and the death of the skyscraper – Interview with Rem Koolhaas », in Architectural Review, février 2014
13. Entretien avec Floris Alkemade, février 2014
14. ParisNordEst, La reconversion de l’entrepôt Macdonald - Dossier de Presse, 2009, p. 41
15. Jacques L., Où va la ville aujourd’hui ? : Formes urbaines et mixités, Editions de La Villette, Paris, 2012, p. 59
16. Ibid.
17. Lootsma, B., « Blank account : De Rotterdam, by OMA in Rotterdam, Netherlands », in Architectural Review, février 2014
18. Le stéréotype du grand ensemble habité par des populations homogènes et toutes en situation précaire a motivé la récente imposition d’un mélange de programmes et de différents types de logement au cœur de chaque nouvelle opération.
19. Morin E., Introduction à la pensée complexe, Editions du Seuil, Paris, 2005, p. 21

 

Rem Koolhass, Bigness, ou le problème de la grande taille, 1994 (extrait)

Initialement alimentée par l’énergie irréfléchie du pur quantitatif, la Bigness a été durant près d’un siècle une condition presque sans penseurs, une révolution sans programme. New York délire en contenait une «théorie» latente basée sur cinq théorèmes. 
1. Au-delà d’une certaine masse critique, un bâtiment devient un Gros Bâtiment. Une telle masse ne peut plus être contrôlée par un seul geste architectural, ou même par aucune combinaison de gestes architecturaux. Cette impossibilité déclenche l’autonomie de ses parties, ce qui n’est pas la même chose que la fragmentation : les parties restent soumises au tout.
2. L’ascenseur – par sa capacité à établir des connexions mécaniques plutôt qu’architecturales – et la famille d’inventions qui lui sont liées, ont annulé le répertoire classique de l’architecture. Les problèmes de composition, d’échelle, de proportion, de détail sont désormais caducs. L’« art » de l’architecture est inutile dans la Bigness.
3. Dans la Bigness, la distance entre le noyau et l’enveloppe augmente à un point tel que la façade ne peut plus révéler ce qui se passe au dedans. L’« honnêteté » attendue des humanistes est condamnée : les architectures intérieure et extérieure deviennent des projets séparés, l’une traitant de l’instabilité des besoins programmatiques et iconographiques, l’autre – l’agent de désinformation – offrant à la ville la stabilité apparente d’un objet. Alors que l’architecture révèle, la Bigness brouille; elle transforme le résumé de certitudes qu’est la ville en accumulation de mystères. Ce que l’on voit n’est plus ce que l’on a. 
4. Par leur seule taille, ces bâtiments entrent dans le domaine amoral, par-delà le bien et le mal. Leur impact est indépendant de leur qualité. 
5. Conjointement, toutes ces ruptures – avec l’échelle, avec la composition architecturale, avec la tradition, avec la transparence, avec l’éthique – impliquent la rupture finale la plus radicale : la Bigness n’appartient plus à aucun tissu urbain. Elle existe ; au plus, elle coexiste. Son message implicite est « nique le contexte » (Its subtext is fuck context). 
Rem Koolhaas & Bruce Mau, S,M,L,XL, Rotterdam-New York, 010 Publishers/Monacelli Press, 1995
Traduction de Françoise Fromonot parue dans le 1er numéro de la revue criticat, en janvier 2008. 

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