Un pa­ra­doxe sti­mu­lant

Date de publication
24-07-2014
Revision
10-11-2015
Cedric van der Poel
Codirecteur d'espazium.ch, espace numérique des éditions pour la culture du bâti

En juin dernier s’est ouverte la 14e Biennale d’architecture de Venise. A sa tête, l’une des plus grandes figures de l’architecture contemporaine, reconnue mondialement autant pour ses réalisations que pour ses apports théorique et critique: Rem Koolhaas. 

Comme on pouvait s’y attendre, l’édition 2014 est à la hauteur de son curateur: paradoxale dans sa cohérence et stimulante dans le regard parfois drôle et cynique que Rem Koolhaas porte sur l’évolution de l’architecture. Il l’avait annoncé dès le début: cette édition ne portera pas sur les architectes, mais sur l’architecture. Un retour à la discipline qui a été une des conditions posées par le Néerlandais pour accepter de diriger la biennale : il choisira la thématique que devront traiter les 65 pavillons nationaux présents à Venise: Absorbing Modernity 1914-2014

Les articles de ce numéro montrent la diversité des réponses données par les différents pays. Du non-pavillon suisse portant sur deux figures marquantes et radicales de cette époque – Cedric Price et Lucius Burckhardt – à l’analyse politique de l’aménagement du territoire au pavillon israélien, en passant par l’éloge de la banalité au pavillon belge et  la portée symbolique de l’architecture au pavillon allemand, tous participent à l’émergence d’un leitmotiv qui enrichit la visite.  

Si la démarche est cohérente, la question est, à l’image de celui qui la pose, ambiguë, voire paradoxale. Comme le souligne Reinhold Martin dans un article paru sur le site de The design observer, en inscrivant la modernité dans une période temporelle précise, de 1914 à 2014, Rem Koolhaas en donne une définition étroite, celle d’une phase de changement où l’architecture nationale cherche un «unique langage moderne» tout en gardant des «façons cachées de rester nationale». Il soulève la question de l’ambition et de la doctrine du mouvement moderne: l’universalisme de l’architecture. L’architecte transnational, qui a tant de fois mis en scène sa pratique mondiale de l’architecture, parle tout autant des interprétations régionales du modernisme que de globalisation. Par cette approche historique, renforcée par les deux autres expositions, Fundamentals et Monditalia, la 14e Biennale d’architecture entraîne très habilement le visiteur au-delà des questions actuelles qui occupent maladroitement la pratique. De plus, elle amène à poser un méta-regard sur la manifestation: à l’ère de la globalisation avancée, quel est l’avenir d’une biennale organisée en pavillons nationaux?

Le pavillon suisse est un bel exemple, puisque c'est Hans-Ulrich Obrist, curateur international, qui l’a conçu mettant en scène Burckhardt le Suisse et Price l'Anglais autour d’une installation de l’atelier d’architecture japonais Bow-Wow. Le tout pourrait constituer un beau sujet de thèse en anthropologie, avançant une approche postmoderne de l’identité helvétique.

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