Une ar­chi­tec­ture do­mes­tique en bois

Au Creusot, en lisière de ville, Patrice Mottini a réalisé un ensemble de 31 logements sociaux. Dans une cité imprégnée par son passé industriel, l’architecte interroge les modèles de l’architecture domestique et fait un usage pragmatique du bois. 

Date de publication
08-11-2018
Revision
17-11-2018

Le projet est situé dans un environnement urbain hétérogène. Au sud, des zones d’activités desservies par une série de ronds-points décorés ont remplacé une ancienne forêt. Au nord, un quartier de maisons ouvrières délimite la ville dite «constituée». Entre les deux, de petits ensembles de logements collectifs sont disséminés sous un dense couvert végétal. Au milieu de ce paysage ordinaire d’entrée de ville, sur un terrain en longueur et en pente, 31 maisons de dif­férentes hauteurs, revêtues de bois et ­couvertes par des toitures débordantes, constituent un nouvel ensemble urbain, à la fois prolongation de la ville domestique et nouvelle limite face à la ville franchisée. Les choix d’implantation, de typologies et de méthodes constructives se découvrent d’abord à la lumière de l’histoire urbaine du lieu. 

Du logement ouvrier… 

Au Creusot, l’organisation urbaine, les architectures et l’atmosphère sont fortement marquées par le passé industriel. ­La ville telle qu’elle se présente à nous aujourd’hui est presque entièrement l’œuvre de la famille Schneider qui y a implanté au milieu du XIXe siècle le fleuron français de la métallurgie et de la sidérurgie. Depuis la route départementale, qui traverse en surplomb l’usine au cœur de la ville, se dévoile un lexique architectural issu du monde de la manufacture. De massifs murs marquent des limites entre le domaine privé et public. Ici et là, des cheminées émergent des grands volumes austères construits avec des matériaux simples. Les quartiers de maisons ouvrières s’organisent autour de l’immense enclave industrielle. Les toitures et appentis débordent sur les jardins privatifs abondamment arborés. Ici, il n’y a rien d’ostentatoire ; juste une architecture modeste mais domestique. 

… au logement social 

Grâce à la mise en place de subtils dispositifs typologiques et morphologiques, le projet de Mottini entre en résonance avec ces cités ouvrières. Une allée-jardin longitudinale divise le site en deux fines bandes de terrain. A l’est, 16 maisons sont regroupées en quatre groupes appelés «villas». A l’ouest, 15 maisons-jardins s’installent sur des parcelles le long de ­l’allée-jardin. Enfin, une rue et deux impasses traversent perpendiculairement le site. Au sein de cette « cité-jardin», les maisons s’ouvrent toutes plein sud et ­comprennent entre deux et cinq pièces. Mais, à chaque fois, une pièce supplémentaire complexifie le programme initial en ­décuplant les possibilités d’appropriation. Elle sert de bureau, de salle de jeux, de second séjour ou encore de chambre. Ainsi, dans une maison, une pièce additionnelle située au rez-de-chaussée tient lieu de ­salon accessible pour un enfant ayant un handicap physique. Le dispositif typologique s’ajuste à la situation familiale et non l’inverse. En continuité du tissu ­urbain situé au nord, la majorité des maisons ont un ou deux niveaux. La présence de quelques maisons de trois niveaux, appelées « maisons-tours» par les habitants, rappelle la cité Frugès, construite près de Bordeaux au XXe siècle par Le Corbusier. Coïncidence ou authentique résonance? Toujours est-il que le projet de Mottini ­indique que les cités ouvrières – et celles du Creusot en sont de beaux exemples – peuvent encore servir de modèles, notamment dans les territoires périurbains. 

«Le dispositif typologique s‘ajuste à la situation familiale et non l‘inverse.»

Le bois, d’abord un choix constructif 

Par-delà ces variations morphologiques, l’unité de l’opération est aussi obtenue par l’emploi d’un matériau unique pour les façades et les toitures. Pourtant, plus qu’une recherche d’uniformité épidermique de l’ensemble, le bois est utilisé pour ses propriétés constructives. Les murs rideaux des façades sud sont en ossature bois ­lamellé-collé. Les murs porteurs sont construits en maçonnerie, isolés par l’extérieur et revêtus de bardage bois. Les toitures sont constituées de caissons bois préfabriqués et posés ensuite sur les murs porteurs. Le choix de la construction bois avait plusieurs vertus. D’abord, la préfa­brication en usine a permis un montage à sec. Ensuite, pendant le chantier, le choix d’un système d’enveloppe constitué par couches successives a minimisé les détails de raccords. Enfin, la concomitance des interventions des différentes entreprises a sensiblement réduit le temps du chantier. 

L’économie expressive et le pragmatisme dans le choix des procédés constructifs démontrent que le bois, au-delà de ses qualités sensorielles, peut aussi être uti­lisé comme un matériau de construction ordinaire pour du logement social de ­qualité. L’architecture domestique a donc encore à y gagner. 

 

Informations générales

Participants au projet
Maître de l’ouvrage: OPAC, Saône-et-Loire
Architecture: Agence Patrice Mottini Architecte, Urbaniste, Paris 
Statique: A. VAL Consultants, Soisy-sur-Ecole
Charpente bois: SMJM, Replonges
Bardage bois: Boulicault, Farges-lès-Chalon
Menuiseries intérieures: Labillie Menuiserie, Chalon-sur-Saône

Bâtiment
Surface: 3339 m2 et 578 m2 garages/celliers
Appartements: 31
Label: BBC (Bâtiment de Basse Consommation) 

Bois et construction 
Façade en bardage: épicéa
Toiture/chevrons: sapin
Sous-faces: OSB
Ossature: lamellé-collé 

Dates
Livraison: juillet 2015

Coûts
Coûts: 4.2 Mio EUR

 

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