SIA: Con­jonc­ture et marche des af­faires : les con­sé­quences du « choc du franc »

La politique monétaire a connu un séisme le 15 janvier à 10?h?30. A la surprise générale, la Banque nationale suisse (BNS) a mis fin au cours plancher de l’euro par rapport au franc – une mauvaise surprise pour certaines branches économiques. Où va désormais la conjoncture ? Que signifie cette rupture pour les bureaux d’études ?

Date de publication
08-04-2015
Revision
05-11-2015

L’appréciation massive du franc va très vraisemblablement entraîner un ralentissement de la croissance économique de la Suisse. Le Centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ (KOF) prévoit même une brève récession durant le semestre d’été 2015. Comme le reconnaît le KOF, des chocs violents comme cette revalorisation monétaire de 20 % dégradent toutefois la qualité de prévision des modèles conjoncturels. Pour les prévisionnistes, le scénario sera le suivant en Suisse : les exportations devraient fortement diminuer au premier semestre et la valeur ajoutée réelle baisser dans le tourisme et les services financiers internationaux. En revanche, les entreprises ne réagiront pas tout de suite à la baisse de la demande, mais produiront d’abord sur stock. Le KOF s’attend à un fléchissement de la demande de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur public et à des suppressions de postes dans le secteur privé. Le taux de chômage pourrait atteindre 3,4 % au cours de l’année (contre 3,2 % en 2014) et 4,1 % en 2016. Cette détérioration freinera également la progression des salaires et provoquera une stagnation de l’ensemble des revenus des employés l’année prochaine. Pour les prévisionnistes, il est clair qu’en dépit de la baisse des prix, les ménages se montreront de plus en plus frileux à consommer. Après le recul du PIB en 2015, le KOF prévoit une stagnation en 2016.

D’autres sons de cloche se font cependant entendre : les auteurs du Manuel des branches du Credit Suisse (CS)1, qui paraît tous les ans en janvier, brossent un tableau moins sombre de la situation et jugent le risque de récession, voire de spirale déflationniste, peu probable. 

Les investissements dans les équipements souffrent


Dans tous les cas, on s’attend à une grande frilosité des investissements en matière d’équipements (dans les machines ou les ateliers de production par exemple). Les enquêtes trimestrielles du KOF concernant le secteur des bureaux d’études ont, au cours des derniers mois, clairement montré que les investissements dans les biens immobiliers spécifiques au commerce et à l’industrie ne sont pas relancés. Dans la construction à usage industriel, ils devraient par conséquent reculer en 2015.

Boom immobilier : bienvenue en périphérie


La majorité des prévisionnistes s’accordent sur le fait que les taux en Europe, et par conséquent en Suisse, resteront faibles pendant une durée indéterminée. Le problème des taux bas et des risques qui y sont associés dans le secteur immobilier persiste. 

D’après une étude du KOF, les mesures actuelles de régulation ne semblent pas, dans l’ensemble, avoir freiné l’octroi de prêts hypothécaires. On a constaté un déplacement du prêt hypothécaire, des utilisateurs privés aux investisseurs professionnels. En examinant régulièrement les demandes et les permis de construire publiés dans Batimag, on note une certaine effervescence des planifications dans les zones situées en périphérie. Si l’on se rend sur place, on constate de visu que les projets de constructions sont effectivement légion. Il s’agit assez souvent de grands complexes pour des logements locatifs. Pour l’année en cours, Batimag prévoit cependant un fléchissement de la dynamique dans le secteur du logement.

Un carnet de commandes toujours bien rempli


Le Manuel des branches publié par le Credit Suisse table sur un carnet de commandes encore bien rempli en 2015 en dépit de la décision de la BNS. Cela est dû en grande partie au niveau faible des taux, qui stimuleront, cette année aussi, les investissements. Une hypothèse plausible puisque les biens immobiliers restent attractifs face à la pression persistante des investisseurs institutionnels. En 2015 aussi, les capitaux devraient affluer en nombre sur les marchés immobiliers. En revanche, le CS ne prévoit pas pour cette année de forte croissance dans la branche et ne détecte guère d’impulsions, en particulier pour l’emploi. 

L’enquête trimestrielle réalisée par le KOF en janvier 2015, en partie avant la décision de la BNS, a révélé que près de 20 % des architectes évoquent une baisse des commandes et un peu plus de 20 %, en revanche, une augmentation. Pour les ingénieurs, la part de ceux qui déplorent une demande insuffisante est, en l’espace d’un an, passée de moins 10 % à plus de 20 %. La prochaine enquête trimestrielle du KOF clarifiera les estimations des bureaux d’études sur cette nouvelle donne. C’est pourquoi nous renonçons ici à un exposé complet des résultats en partie dépassés. 

Les honoraires toujours sous pression


La pression exercée par la concurrence dans le secteur des bureaux d’études est -élevée. Les auteurs du Manuel des branches du CS en imputent notamment la responsabilité au fait que le titre d’« architecte » n’est pas une appellation professionnelle protégée. Les barrières à l’entrée de la profession sont par conséquent limitées. En d’autres termes, toute personne qui se sent la vocation d’architecte peut littéralement proposer ses services. 

Dans ce contexte, il est clair que les honoraires sont soumis à pression. Depuis des années, le KOF en fait le constat régulier dans ses études trimestrielles. Enquête après enquête, les formulations sont analogues : « Les bureaux d’études n’attendent aucune modification des honoraires, une partie des cabinets interrogés table sur une stagnation. Occasionnellement, on entend même certains prévoir une diminution des honoraires. » L’enquête trimestrielle du KOF de l’hiver 2014 rapporte que près de 35 % de l’ensemble des bureaux d’ingénieurs civils interrogés prévoient une baisse des honoraires. Dans le contexte actuel, la problématique des honoraires bas changera peu. Au contraire, le sujet gagnera en acuité. On s’attend par exemple à ce que, comme dans d’autres branches, le versement des salaires des frontaliers se fasse de plus en plus en euros dans les sociétés d’architectes et d’ingénieurs.

 

Note

1 Manuel des branches 2015 du Credit Suisse – Structures et perspectives

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