Roms, la quête in­fa­ti­gable du Pa­ra­dis

Cinq ans d’histoire de vie de la minorité la plus discriminée d’Europe

Date de publication
17-06-2015
Revision
22-10-2015

Roms, Gitans, Tsiganes d’Europe centrale ont occupé largement l’objectif des photographes. En 2013, les Rencontres d’Arles avaient montré une importante série de photographies de Josef Koudelka, datant de 1975. De la contemplation de ces images, je me souviens avoir retiré l’impression pénible que l’auteur n’aimait pas son sujet. Il ne s’en dégageait aucune empathie. La même année, toujours à Arles, on pouvait voir une exposition du Finlandais Pentti Sammallahti, centrée sur la nature sauvage et les paysages ; elle comprenait une image de nomades tsiganes, dont se dégageait le sentiment du regard bienveillant, de l’amour du photographe pour son sujet. 

La photographie a cette capacité saisissante de nous impliquer au premier coup d’œil, de solliciter nos émotions et de mettre à l’épreuve notre raison. Ce préambule explique le regard avec lequel j’ai abordé l’exposition lausannoise Roms : la quête infatigable du Paradis et le catalogue d’Yves Leresche. La qualité des images, la justesse de la mise en page et l’intelligence des textes ont ainsi fondu sur moi, mettant à mal une solide épaisseur de préjugés dont je n’avais pas vraiment conscience. L’idéologie dépose ses séquelles dans nos esprits ; il arrive qu’on en découvre les effets sous les couches denses de la bonne conscience dont nous savons nous réclamer.

Le travail du photographe rédacteur est lucide, pour ainsi dire anthropologique, et ne laisse aucun doute sur la conscience qu’il a des conditions dans lesquelles se noue la tragédie des Roms qu’il côtoie. La mendicité à laquelle se livrent sans joie ces familles dans nos villes est improductive et sujette à un véritable racket dont profitent les sociétés qui affrètent les bus sur la ligne Bucarest-Genève, les instituts de transfert d’argent et les polices municipales qui font du chiffre sous la pression des partis d’extrême droite, affairés à désigner des boucs émissaires.

Ingénieurs et architectes auront intérêt à considérer les conditions et le prix de ce nomadisme causé par l’effondrement du socialisme réel et le remplacement de son misérable filet social par l’implacable loi des marchés. Ils mesureront les conditions de la mobilité locale et continentale de cette population, la précarité du logement en Roumanie, mais aussi dans et autour des villes suisses et ses conséquences sur la vie, en particulier des enfants.

Aux Prés-de-Vidy, les maisonnettes occupées une saison par des familles n’ont pas eu l’heur d’émouvoir ou d’intéresser l’école d’architecture de l’EPFL. Sous d’autres cieux, des circonstances voisines ont pourtant mobilisé étudiants et enseignants dans des actions de solidarité tout à fait intéressantes. Sur cette question, les travaux du collectif Perou méritent le détour. (www.perou-paris.org)

L’exposition itinérante Roms : la quête infatigable du Paradis, était à voir jusqu’au 23 mai. Reste le catalogue publié aux éditions Infolio.

 

Roms, la quête infatigable du Paradis

Yves Leresche, Infolio éditions, Gollion, 2015 / CHF 54

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