pRA­DE­ma­tique ge­ne­voise

Lancé en novembre 2016, le concours d’idées pour l’aménagement de la rade de Genève a rendu son verdict : un palmarès stratégique et un projet lauréat pragmatique.

Date de publication
18-05-2017
Revision
14-08-2017

Initiative du maire de Genève Guillaume Barrazzone (lire l’entretien ici), ce concours d’idées proposait aux participants d’ima-giner de nouveaux principes d’aména-gements pour la rade de Genève sur un périmètre s’étendant du pont du Mont-Blanc jusqu’à la future plage publique des Eaux-Vives sur la rive gauche, et au parc de La Perle du Lac sur la rive droite. Les objectifs étaient de faire émerger des visions alternatives, novatrices et différenciées, de susciter le débat et de stimuler la réflexion, et enfin d’élaborer une image directrice sur la base de laquelle serait lancée une grande consultation publique.
Le jury international a eu la lourde tâche d’évaluer et de choisir les projets lauréats parmi 70 propositions conçues par des architectes, des architectes-paysagistes et des étudiants en master.
A ce jeu, le jury a choisi de récompenser un nombre restreint de projets (quatre), qui proposent des stratégies différentes et des aires d’intervention distinctes.

Le projet évidence

Si les deux premiers prix s’appuient sur la même charpente patrimoniale: le mur du quai qui file tout le long de la rade, le premier s’attache à réinventer l’espace et la friche urbaine, située entre ce mur et le lac, alors que le second développe des stratégies de relation et de cohésion entre la ville et le lac.
Œuvre du bureau genevois Pierre-Alain Dupraz Architecte, Au ras de l’eau s’impose par sa simplicité et une certaine forme d’évidence. Il propose une promenade « à fleur de l’eau » organisée en séquences distinctes. Sur la rive droite, les empierrements du quai Wilson, entre La Perle du Lac et les Bains des Pâquis, laissent la place à des emmarchements et des plages de galets. Le quai du Mont-Blanc est revalorisé par une « plateforme lacustre de détente », à l’image du Seebad Enge à Zurich, et par un nouveau débarcadère pour les bateaux de la Compagnie générale de navigation (CGN). La promenade se prolonge sur la rive gauche, accessible par la future passerelle piétonne également remportée par Pierre-Alain Dupraz Architecte en 2012. Le quai de la rive gauche se déploie en une grande esplanade bordée en partie par un épais mur habité qui abrite les différents programmes (guinguettes, toilettes, hangars, locations de pédalos, etc.).
Le projet met en valeur les qualités de l’architecture de Pierre-Alain Dupraz : une sobriété précise, une «architecture topographique» (lire l’article « Une topographie ludique ») que soulignent le travail sur les seuils très finement pensés entre la rue et le quai et entre le quai et l’eau. Le réalisme de ce projet permet aux autorités d’imaginer une suite concrète et rapide à ce concours d’idées.

Le projet cohésion

Développé par Maxime Lecuyer et Ljirim Seljimi, deux étudiants de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (hepia), Convergences se déploie au-delà des limites de la rade, entre le mur historique et la ville. Dans une représentation graphique de l’espace public, les auteurs du projet se sont appliqués à repenser tout particulièrement le lien entre la ville et l’eau. Ce travail de confluences se base sur un concept de maillage d’une grande force conceptuelle. Par leur situation unique vis-à-vis de la rade, neuf rues sont réorganisées selon une série d’interventions, dont la suppression de la circulation motorisée et du stationnement, et un travail d’unification par le revêtement du sol et les matériaux. Ces rues menant à la rade deviennent ainsi des « lieux d’animation, de représentation, d’échanges et de dialogues ».

Le projet symbole

Le troisième prix, Jean-Jacques, du bureau lausannois Tribu Architecture, propose comme élément phare de son intervention une nouvelle attraction sur le lac, un nouveau symbole pour la rade. Un immense anneau relié directement à la future passerelle du Mont-Blanc vient compléter le chapelet des îles situées en aval du pont et donne une interprétation contemporaine et désenclavée de l’Ile Rousseau. Au-delà du « geste spectaculaire mais respectueux », pour reprendre les termes du président du jury Patrick Devanthéry, Jean-Jacques imagine une nouvelle appropriation de la rade et une relation à
l’eau inédite.

Le projet manifeste

Appliquant à la lettre l’une des données du programme – l’encombrement du site par les bateaux – le bureau zurichois Dürig répond par un projet radical, aux limites du sarcasme et de l’ironie. Un immense port situé au centre de la rade et reposant sur un système complexe d’écluses fait disparaître les bateaux. Comme le souligne le rapport du jury, la dimension utopique de ce projet «rappelle les critiques émises par Superstudio dans les années 1970». Elle confère à la rade, par un nettoyage en règle des quais et du lac, soutenu par une série d’espaces publics plantés, une identité diamétralement opposée à celle – chaotique – d’aujourd’hui, basée sur un mélange de loisirs et d’activités artisanales.

Une vision pragmatique pour l’avenir de la rade


En couronnant un projet et non des idées – comme le soulignait l’intitulé du concours – le jury s’inscrit dans un pragmatisme qui caractérise ces dernières années la production architecturale et urbaine à Genève. En choisissant de récompenser des projets intensément complémentaires et non concurrentiels, notamment pour les deux premiers prix, le jury a préféré la faisabilité et le consensus au débat. Isabelle Charollais, directrice du Département des constructions et de l’aménagement de la Ville de Genève l’a souligné lors de la conférence de presse: «le concours d’idées a l’avantage de pouvoir construire sur la base de plusieurs projets». Au ras de l’eau et Convergences, dont on imagine aisément qu’ils puissent être réalisés conjointement, proposent des aménagements rassurants et réalistes.
Ce choix confirme une politique de la ville qui, si elle peut parfois sembler austère, se veut surtout pragmatique, continuiste et d’une grande exigence formelle, et dont l’architecture de Pierre-Alain Dupraz, lauréat des deux projets les plus emblématiques de Genève – le quartier de l’Etoile du grand projet urbain Praille Accacias Vernets et le réaménagement de la rade – semble être la digne représentation. 

 

Palmarès

1er rang/1er prix (100 000.–) « AU RAS DE L’EAU »
Pierre-Alain Dupraz Architecte, Genève

 

2e rang/2e prix (90 000.–) « CONVERGENCE »
Maxime Lecuyer et Ljirim Seljimi, Petit-Lancy

 

3e rang/3e prix (50 000.–) « JEAN-JACQUES » 
TRIBU Architecture SA, Lausanne

 

4e rang/4e prix (10 000.–) « LA RADE PUBLIQUE»
Dürig AG, Zurich

 

Membres du jury

Membres du jury (professionnels)
Patrick Devanthéry, architecte, Genève (président)
Isabelle Charollais, Ville de Genève
Christelle Pally, Ville de Genève
Francesco Della Casa, Canton de Genève
Alexandre Wisard, Canton de Genève
François de Marignac, architecte, Genève
François Chaslin, critique d’architecture, Paris
Suzannah Drake, architecte, New-York
Jan Ammundsen, architecte, Copenhague
David Zahle, architecte, Copenhague
Elmar Lederberger, historien et économiste, ancien maire de la Ville de Zurich
Pia Durisch architecte, Lugano
Marie-Claude Bétrix, architecte, Zurich
Jean-Pierre Stefani, architecte, Genève
Thomas Lebedinsky, Ville de Genève (suppléant)
Bénédicte Montant, architecte, Genève (suppléante)
Pierre Bonnet, architecte, Genève (suppléant)

 

Informations

EXPOSITIONS
Les projets lauréats sont exposés jusqu’au 28 juin 2017 sur les quais Gustave Ador, Général-Guisan et Wilson.
L’ensemble des projets est également à découvrir au Forum Faubourg, jusqu’au 19 mai 2017 (du lundi au samedi, de 11:00–18:00).

APPLICATION MOBILE «LA RADE»
Disponible gratuitement sur l’App Store (iOS) et Google play (Android), l’application «La rade» vous invite à faire une visite 360° de la rade et des projets lauréats. Cette application a été réalisée en partenariat avec le studio genevois Apelab.

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