Mar­ché im­mo­bi­lier: Quid de l'ha­bi­tat se­nior en Suisse?

À mesure que la société vieillit, les exigences posées en matière d’habitat évoluent. Les Suisses sont une majorité à vouloir passer leurs vieux jours à leur domicile. En se penchant sur notre parc immobilier, on mesure toutefois l’ampleur de l’écart entre désirs et réalité.

Date de publication
13-09-2018
Revision
21-11-2018

Le boom du bâtiment a entraîné l’émergence d’un nouveau type de logements qui se caractérisent par des surfaces généreuses, de grandes fenêtres, d’excellentes finitions et qui disposent d’un balcon et de deux salles d’eau. En dépit de prix en constante hausse, la demande n’a pas faibli des années durant. Pour les promoteurs immobiliers, la tâche était facile. Pourtant, des signes précurseurs ont assez tôt laissé paraître que la branche ne cible pas les besoins du marché. Depuis des années, le nombre de logements vacants augmente. Actuellement, de nombreux villages affichent des taux pouvant atteindre les 4 % dans la région du Plateau. Si l’offre est suffisante, est-elle vraiment pertinente?

Des tendances démographiques ignorées


Dans l’euphorie du moment, des évolutions sociales fondamentales ont été oubliées – dont le vieillissement croissant de la population. Si ce fait n’est pas inédit, la vitesse de cette progression est en revanche surprenante : il n’aura fallu que 200 ans pour que l’espérance de vie double dans les pays occidentaux. D’après l’Office fédéral de la statistique (OFS), la tranche d’âge des 65 à 79 ans passera de 960 000 personnes aujourd’hui à presque 1,5 million en 2030. Dans le même temps, le nombre des plus de 80 ans aura presque doublé. Les exigences en matière d’habitat changent. Bien que médiatisés, les nouveaux modes d’habitat tels que les logements intergénérationnels ou les appartements pour le troisième âge ne constituent que des marchés de niche. Les personnes âgées vieillissent majoritairement à domicile, ce jusqu’à des âges très avancés. Aujourd’hui déjà, aging in place (vieillir à domicile) est une réalité.

Seniors et logement : statu quo


Les logements adaptés font défaut, que ce soit dans les zones rurales ou les agglomérations. Les statistiques de l’OFS font état d’une sévère pénurie au niveau de l’offre des deux et trois pièces de standing correct mais modeste. Or, de nombreuses personnes âgées sont demandeuses de logements peu coûteux – donc moins grands, moins luxueux. Bon nombre de personnes âgées de plus de 64 ans vivent actuellement dans des appartements construits dans les années d’après-guerre, entre 1946 et 1970 – et qui, avec leurs pièces relativement petites, leur qualité moindre, sont abordables. Ces immeubles sont cependant rarement adaptés aux besoins des personnes âgées, que ce soit faute d’ascenseurs, ou en raison d’une mauvaise accessibilité, de l’étroitesse des salles d’eau et des dangers qu’elles recèlent. Les logements bon marché faisant défaut, l’incitation à déménager est faible. Ce cas de figure se rencontre principalement dans les agglomérations, précisément là où le phénomène de vieillissement ira en s’accentuant fortement. Etant donné que le taux de renouvellement du parc immobilier est insuffisant, les bâtiments existants doivent être adaptés aux nouveaux besoins.

Nouvelles pistes pour l’avenir


Le parc immobilier suisse présente un potentiel d’aménagement énorme. Une étude de la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse menée dans le canton de Bâle-Ville montre notamment que les bâtiments datant des années 1960 à 2000 peuvent être réhabilités sans interventions en profondeur. La norme SIA 500 Constructions sans obstacles devrait d’ailleurs être également applicable aux assainissements dans l’existant. Pour les concepteurs, l’élaboration de solutions permettant de faire évoluer le bâti en fonction des besoins et assurer la transition de la vie familiale et professionnelle à la phase de vie dite fragile dans les meilleures conditions offre de nouvelles opportunités. Si aujourd’hui la conception et la construction adaptées aux seniors ne constituent pas des préoccupations majeures au même titre que les questions de l’énergie ou de la densification, ne serait-il pas le moment de revoir nos priorités ? En effet, la vieillesse n’épargne personne et ce sujet nous concernera tous tôt au tard.

David Fässler, avocat, MBA/SIA, responsable du service SIA/propriétaire de la société FRED GmbH – Stratégies et concepts autour de l’habitat senior, David.faessler [at] sia.ch

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