Liai­son Gri­mentz-Zi­nal

Les domaines skiables de Zinal et de Grimentz existent depuis près de 50 ans. Ils seront prochainement réunis par un téléphérique reliant le village de Grimentz au domaine de Sorebois. Retour sur l’évolution de ces deux stations.

Date de publication
12-11-2013
Revision
01-09-2015
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

A Zinal, l’année 1966 voit à la fois la fondation de la Société des remontées mécaniques de Zinal et la construction du téléphérique Zinal-Sorebois – cabine de 80 places – et de trois téléskis desservant le domaine skiable de Sorebois jusqu’à une altitude de 2900 mètres, des installations qui sont accompagnées de l’ouverture d’un restaurant d’altitude. Ces aménagements constituent alors un défi important pour une station de montagne qui ignore presque tout du développement du tourisme d’hiver : jusqu’à cette date, Zinal était avant tout une station d’été et d’alpinisme, située au pied du Weisshorn, du Zinalrothorn, de l’Obergabelhorn et du Bisshorn, quatre sommets culminant à plus de 4000 mètres.
Une année plus tard, c’est la Société des remontées mécaniques de Grimentz qui voit le jour, un évènement suivi de peu par la construction d’un télésiège (deux places à pinces fixes) qui emmène les skieurs de Grimentz à Bendolla, où trois téléskis sont mis en service pour desservir le domaine skiable du même nom.
A partir des années 1970, les domaines skiables des deux stations ne cessent de se développer. Dans un premier temps par la construction de nouvelles installations (téléskis et télésièges), puis par le remplacement progressif des anciennes installations par des équipements plus modernes (télésièges débrayables de quatre et six places). L’offre en matière de restauration est aussi accrue par la construction et les agrandissements des restaurants d’altitude (cinq restaurants et buvettes gérés par les sociétés de remontées mécaniques).

Projets de liaison entre stations


Dès le milieu des années 1990, les Remontées mécaniques de Grimentz étudient la possibilité d’une connexion avec le domaine skiable de Vercorin, situé au nord de celui de Grimentz. Si, techniquement, la liaison entre les deux stations est relativement facile à réaliser, en revanche le projet se heurte à des difficultés du point de vue environnemental et est vite combattu par les associations de protection de la nature.
Parallèlement, dans le cadre des projets de remplacement des anciennes installations, les organisations écologiques (WWF et Pro Natura) exigent une planification des domaines skiables à 15 ans. Cette étude est réalisée tant du côté de Grimentz, de Zinal que de Vercorin. Après plusieurs années de discussions, les plans sont mis à l’enquête publique et finalement homologués par le Conseil d’Etat du Canton du Valais. Le WWF et Pro Natura renoncent à faire opposition, pour autant que la liaison avec Vercorin soit définitivement abandonnée.
La possibilité de rejoindre en ski Grimentz à partir du domaine de Sorebois existe depuis de nombreuses années, en empruntant la splendide piste du Chamois. En revanche, le retour en direction de Zinal ne peut alors se faire qu’en bus, avec tous les désagréments que cela implique en termes de temps et de confort. A partir de 2005, l’idée d’une liaison plus efficace entre les domaines skiables de Grimentz et Zinal fait son chemin. Les assemblées générales des deux sociétés sont mises au courant d’un éventuel rapprochement et les deux conseils d’administration se rencontrent à plusieurs reprises.

Un nouveau téléphérique avec des mesures de compensation


Les premières études techniques ont pour objectif de définir le tracé et le type d’installations. Compte tenu des conditions topographiques, de la présence de la forêt sur le tracé envisagé et des difficultés qu’il y aurait pour obtenir des autorisations de défrichement, la mise en place d’un téléphérique à va-et-vient apparaît rapidement être la solution optimale. En effet, les autres installations envisagées, comme un télésiège ou une télécabine, se révèlent assez vite inadaptées pour diverses raisons (longueur excessive du tracé, proximité avec le sol qui nécessiterait un déboisement important, difficultés liées au sauvetage des usagers dans une forte pente peu accessible en hiver, etc.).
La solution du téléphérique résout la plupart des inconvénients, puisqu’elle permet à la fois de franchir de longues portées et de rester à une grande hauteur par rapport au sol, évitant ainsi d’avoir à intervenir brutalement dans la forêt. De plus, l’organisation du sauvetage en cas de panne est bien plus simple, puisque tous les usagers se trouvent réunis uniquement dans deux cabines : le rapatriement en gare est donc possible avec des moteurs de secours.
Une fois ce choix arrêté, il s’agissait de faire en sorte que le point de départ de la nouvelle liaison soit le plus proche possible de la station de départ de la télécabine de Grimentz, ceci à la fois pour des raisons de gestion (caisses communes, proximité du parking pour 600 voitures, etc.) et de confort des usagers. A l’autre extrémité, le point d’arrivée à Sorebois – situé au sommet du téléski du Tsarmettaz – devait être choisi de façon à ce qu’un maximum de skieurs puissent rejoindre le domaine skiable de Zinal en toute sécurité, c’est-à-dire sans avoir à emprunter une piste trop difficile. Partant de ces deux considérations, le tracé s’est pratiquement imposé de lui-même. Il correspond à un parcours de plus de 3.5 km ponctué de trois pylônes d’une hauteur variant de 35 à 55 mètres.
Les discussions sont alors entamées avec les associations de protection de la nature qui, de prime abord, ne veulent pas entendre parler de la construction d’une nouvelle installation, mais finissent néanmoins par entrer en matière pour autant que des mesures de compensation puissent être trouvées. Le réaménagement de la plaine de la Lé est ainsi entériné (voir encadré). De plus, il est imposé qu’aucune nouvelle piste de ski ne soit aménagée pour rejoindre Grimentz : la liaison à ski depuis Sorebois se fera uniquement par la piste des Chamois, déjà ouverte au public.
En 2010, les assemblées générales des deux sociétés acceptent le projet de construction du téléphérique et le principe de la fusion des deux sociétés pour donner naissance aux Remontées mécaniques de Grimentz-Zinal SA (www.rma.ch) : le projet est déposé à l’enquête publique en 2011, la fusion aura finalement lieu le 15 septembre 2012. La concession pour la construction du téléphérique est délivrée en août 2012 : les travaux peuvent débuter.
Parallèlement, les ingénieurs établissent le cahier des charges pour la mise en soumission des travaux de la partie électro-mécanique, qui seront attribués à la société Garaventa spécialisée dans la construction de téléphériques. Une fois les grandes lignes du projet fixées, le dossier de génie civil est élaboré entre la fin 2011 et le printemps 2012, pour aboutir, en juin de la même année, à l’adjudication des travaux sous réserve de l’octroi de la concession. 

Ingénieur civil, Simon Crettaz est président du conseil d’administration des Remontées mécaniques Grimentz-Zinal SA.

 

 

Architecture

Combiner l’aménagement du site de la télécabine Grimentz-Bendolla et la conception du futur téléphérique Grimentz-Sorebois tout en respectant le caractère pittoresque du vieux village valaisan. Tel était l’objectif du concours sur invitation remporté par le bureau neuchâtelois Geninasca Delefortrie Architectes en 2008.
Selon les architectes, « l’enjeu du projet n’est paradoxalement pas lié à l’installation technique du téléphérique, mais relève plutôt de la nécessité de repenser qualitativement l’espace public et subsidiairement les bâtiments qui le définissent ». C’est justement l’intégration équilibrée des infrastructures de transport au sein du village de Grimentz qui a su convaincre le jury. 
Tout d’abord, le remodelage du terrain existant. La silhouette projetée confère au site un caractère « naturel » dans lequel les piétons sont privilégiés. En effet, le stationnement public, à l’exception des places-minute liées aux commerces, est relégué à quelques dizaines de mètres dans un parking de délestage jusqu’alors sous-utilisé. Cette modification de l’espace public permet de rapprocher la piste du village ; une plus-value non négligeable pour les skieurs. 
Si les enjeux urbains ont bel et bien primé, le traitement architectural n’a pas été laissé-pour-compte. Les architectes ont effectivement pris le parti de donner une identité commune aux deux installations, induisant ainsi la refonte de la télécabine existante – laquelle dérogeait aux normes techniques et sécuritaires en vigueur. Le geste adopté joue sur un double registre ; d’une part, les volumes horizontaux dont la hauteur a été calibrée au strict minima – environ 5 mètres – pour faire écho au bâti avoisinant, d’autre part, la technique. L’opalescence du verre industriel qui orne l’ensemble des façades produit une translucidité dévoilant l’ossature métallique qui structure le projet. Au-dessus, l’imposante carcasse d’acier d’où jaillissent les câbles menant dans les cimes alpines.

 

Mesures de compensation

La compensation écologique, inscrite dans la législation fédérale depuis la fin des années 1980, a pour objectif de lutter contre l’appauvrissement des paysages et la disparition des espèces animales et végétales. Pour la liaison téléphérique entre les domaines skiables de Grimentz et Zinal, différentes mesures de compensation seront mises en place cet hiver et l’année prochaine.
La principale de ces mesures concerne la plaine alluviale de la Lé vers Zinal, sise à moins de 2 km de l’installation projetée. Il est prévu de rétablir la dynamique alluviale, de reconnecter les milieux aquatiques avec les rives du cours d’eau et d’améliorer l’habitat pour la faune piscicole sur une longueur d’environ 1 km, afin d’atteindre une classe écomorphologique « naturel ». Les moyens pour y parvenir ne sont pas encore arrêtés. Deux possibilités sont évoquées pour redonner de l’espace au cours d’eau: mettre en place des amorces pour que le cours d’eau érode les rives et/ou les digues aménagées par le passé de manière « naturelle » ou excaver les rives pour accélérer le processus et garantir la réalisation des objectifs écologiques fixés. Son élargissement doit permettre à la rivière de retrouver sa taille et son tressage initiaux, c’est-à-dire d’avant les années 1970, période des premiers aménagements du cours d’eau.
Une autre mesure consiste à limiter le trafic routier dans ce site touristique prisé des promeneurs, des cyclistes et des skieurs de fond: seuls les secours et les propriétaires de terrains ou de cabanes pourront y avoir accès avec leur véhicule motorisé ; les barrières et la règlementation relative sont d’ores et déjà en place. D’autre part, pour favoriser l’accueil des promeneurs et conserver l’itinéraire de promenade et de ski de fond en boucle, un nouveau pont à arc d’une portée de 40 m va enjamber la Navisence. Il devrait être construit en bois, sur des culées de béton habillées de pierre sèche, ceci pour une meilleure intégration dans le paysage.

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