Le lit, élé­ment pri­mor­dial dans la con­cep­tion d'un re­fuge

C’est notamment grâce à l’architecte et alpiniste Jakob Eschen­moser que les cabanes de haute montagne sont sorties du ­vernaculaire pour entrer, tardivement, dans une réflexion architecturale. Dans son travail, le lit est l’élément fondamental de la constitution d’un refuge.

Date de publication
18-12-2023
Estelle Lépine
architecte associée bureau Daris Lépine architectes. Elle a achevé en 2016 une thèse à l’EPFL intitulée Altitude. Architecture alpine et environnement de haute montagne.

Si la construction alpine n’est pas directement liée aux courants de pensée architecturale, les cabanes s’inscrivent néanmoins dans une longue tradition vernaculaire. Au 18e siècle, les refuges ont d’abord été, avec le développement du tourisme alpin et de l’alpinisme, de simples points d’appui aux ascensions, calés dans les anfractuosités du terrain et protégés des intempéries par des blocs de rocher. Par nécessité, les alpinistes vont, au fur et à mesure de l’évolution de la fréquentation des sommets, ériger de véritables constructions. La première cabane officielle du Club Alpin Suisse (CAS), la Grünhornhütte (1863), est initialement constituée de quatre murs en pierre surmontés d’une bâche amovible qu’il fallait plier et déplier. L’humidité et l’insalubrité de l’espace vont pousser les alpinistes à édifier une petite charpente en bois pour protéger l’intérieur. Commence alors une longue tradition de constructions pour permettre le repos lors de l’ascension des sommets1.

Les refuges initiaux découlent des capacités techniques et physiques des bâtisseurs de l’époque, comme les contraintes de portage et les connaissances en charpente, afin d’édifier les structures à des altitudes alors accessibles exclusivement par la marche. Dans un premier temps, parallèlement à la tradition de la construction du chalet et des fermes en vallée, des espaces uniques principalement érigés en bois se développent. Il est possible d’y manger, dormir, sans délimitation de volume et de fonction. Le premier arrivé est le premier servi. Les lits, lorsqu’ils existent, sont de simples planches, sans places déterminées, où les alpinistes s’entassent. Ils sont inclinés afin d’évacuer l’humidité provenant de l’accumulation de neige tombée des vêtements et des chaussures. Pour augmenter le confort, ces planches sont souvent recouvertes de fourrage provenant des alpages environnants. L’espace est peu propice au repos : trop d’alpinistes concentrés dans des pièces inconfortables, bruyantes et souvent insalubres2.

Ces constructions sont vulnérables aux intempéries et résistent peu aux conditions ainsi qu’aux sollicitations climatiques et géographiques de la haute montagne; elles sont régulièrement détruites et reconstruites. Pour pallier ces faiblesses, et sous l’influence du «style Heimatschutz»3, entre 1910 et 1960, un doublage en maçonnerie des structures en bois est généralisé pour pérenniser les bâtiments, augmentant leur étanchéité et donc leur résistance. Les cabanes d’origine sont conservées, ce qui confère aux intérieurs cet aspect bois si caractéristique et offre également une première isolation efficace contre les sollicitations thermiques d’altitude. Ces constructions vont développer un style architectural fort, reconnaissable par les dimensions des fenêtres et des embrasures, le toit à deux pans, la couleur des volets, la composition des façades, mais également par une organisation planimétrique simple et symétrique centrée sur l’entrée – souvent ouverte dans le pignon principal4.

Durant cette période, la fonctionnalité des espaces n’évolue que très peu. Les refuges sont agrandis, réhaussés et transformés uniquement sous la pression de besoins immédiats – notamment le nombre croissant d’alpinistes sur les ascensions déjà fameuses. L’espace unique, de taille réduite, est rendu insalubre par une concentration intermittente et intense de plusieurs fonctions. C’est avant tout pour améliorer le confort des refuges qu’une séparation fondamentale des fonctions, identifiable en plan, se produit, dès la fin du 19e siècle: le dortoir est le premier espace à être reconnu et dissocié de la pièce unique. Il est déplacé à l’étage supérieur ou isolé au rez-de-chaussée. Le repos gagne une place prépondérante et, peu à peu, le lit prend une importance toujours plus centrale dans la conception des refuges. Vient ensuite la reconnaissance du sas d’entrée et de la cuisine ; enfin la dissociation des espaces consacrés au gardiennage et au refuge d’hiver.

Jakob Eschenmoser, l’architecte des cabanes de haute montagne

Dès le début du 20e siècle, malgré la volonté du CAS d’engager une réflexion sur la conception des nouvelles constructions, l’augmentation permanente de la fréquentation des montagnes conduit à des agrandissements des bâtiments existants, souvent entrepris dans l’urgence. En l’absence d’une réflexion à long terme, les transformations conduisent à des aberrations techniques et architecturales, comme l’augmentation du nombre de couchages dans un même espace (sans augmenter la disponibilité linéaire de lits), ou encore la surélévation des bâtiments sans précaution particulière au niveau de l’isolation phonique, voire sans adaptation de la dimension des espaces communs… Cette situation aboutit à la naissance du «mythe» du refuge de haute montagne, où il est impossible de bien dormir par manque de place et de confort.

Jakob Eschenmoser (1908-1993) est aussi bien architecte, actif à Zurich, qu’alpiniste passionné. Ses deux activités lui permettent de tracer son chemin au sein du CAS jusqu’à devenir responsable des cabanes. Au cours de sa carrière, il intervient directement sur une quinzaine de projets, des agrandissements, des rénovations ou des constructions nouvelles, faisant de lui l’un des protagonistes les plus actifs dans les constructions alpines suisses5.

Excellent dessinateur, Eschenmoser illustre et publie ses voyages au travers des différents cantons du pays dans une série de journaux de bord, entre 1973 et 19886. Ses excursions, ses observations et surtout leurs retranscriptions vont profondément influencer sa vision et sa conception de la construction en haute montagne, notamment sur la question de l’intégration paysagère et de l’adaptation à l’environnement particulier que représente la montagne.

Dans l’ouvrage Von Bersteigen und Hüttenbauen (1973)7, Eschenmoser exprime ses impressions, doutes, réflexions et expériences durant les différents chantiers et projets qu’il élabore. L’intérêt de cet essai est la convergence d’une pensée d’architecte avec celle d’un alpiniste. Son attention pour les paysages alpins pose la question de l’implantation des bâtiments et concentre sa réflexion sur la sensibilité au lieu, l’intégration paysagère, l’utilisation des matériaux inhérents au site, la fonctionnalité du programme ou encore la rationalisation de l’espace.

Domhütte

Le premier projet architectural englobant simultanément l’espace, la fonctionnalité, la structure ainsi que l’intégration paysagère est la Domhütte (1956-1957). L’évolution du plan entre les deux variantes proposées démontre la capacité de Jakob Eschenmoser à intégrer l’élément essentiel du programme, le lit, dans une réflexion globale: «prévoir un maximum d’espace intérieur tout en maintenant une surface extérieure minimum», dans un souci d’efficacité constructive et d’économie. Il favorise ainsi une fonctionnalité optimale pour les alpinistes tout en assurant la pérennité des structures, en limitant la surface des façades, considérées comme les points faibles des constructions d’altitude. Pour trouver l’équilibre entre l’intérieur et l’extérieur, Eschenmoser redéfinit les dimensions du couchage au plus près des dimensions humaines: il réduit la largeur des couchettes au niveau des pieds (un espace qu’il considère comme perdu) et conserve 80 cm au niveau des épaules. En additionnant les couchettes, la forme obtenue produit le plan polygonal du dortoir. Cette figure impacte la forme générale du bâti et, avec beaucoup de finesse, toute la distribution intérieure, la structure et la morphologie. Cette réflexion exceptionnelle est fondatrice d’une ébauche de théorie et de typologie architecturale qui influence toujours les projets contemporains.

En développant les dortoirs, Eschenmoser concentre la structure et la distribution sur le centre du bâtiment ainsi que le foyer, repoussant les fonctions comme le réfectoire et la cuisine contre les façades, vers la lumière et la vue. Il gagne alors en efficacité planimétrique (espace et fonction) et volumétrique. La réflexion de l’architecte engendre des refuges de forme et de volume polygonaux qui s’implantent dans le paysage de manière respectueuse et en adéquation avec les éléments du lieu, grâce au mimétisme avec les rochers.

En remettant le lit au centre du projet d’architecture, Eschenmoser démontre par l’organisation des plans qu’il est un élément structurant, constructivement et spatialement, en plus d’être conceptuellement à l’origine de la définition même du type architectural qu’est la cabane de haute montagne : un refuge.

Pour comprendre l’impact sur le projet de la réflexion dimensionnelle sur le lit, il faut s’arrêter sur l’avant-projet présenté en 1956, en le comparant au projet effectivement construit de 1957. La grande qualité du plan présenté se situe clairement dans la continuité de la construction traditionnelle en pierre, avec des espaces fonctionnels: distribution centrale concentrée et efficace, espaces dotés d’une fonction bien définie (ils sont également indépendants et isolables pour améliorer les capacités thermiques du bâtiment en fonction de son utilisation hivernale ou estivale). Une attention particulière a été portée aux rangements et à l’espace des gardiens, qui démontre un souci et une connaissance de l’utilisation des refuges ainsi que de leurs principaux défauts de l’époque.

Ce projet introduit toutes les réflexions qui feront les qualités des projets d’Eschenmoser, sans pour autant encore proposer la morphologie polygonale caractéristique de son travail, qui aurait pu clairement heurter un comité de décision habitué à des constructions vernaculaires de type Heimatschutz. En revanche, le développé organique de la terrasse, qui accompagne le mouvement d’arrivée des alpinistes, dévoile timidement les prémices formelles de la réflexion de l’architecte.

Albert-Heim Hütte

Près d’une décennie plus tard, Eschenmoser signe une transformation-agrandissement de la cabane Albert-Heim, remarquable dans sa manière d’unifier un bâtiment rendu hétéroclite par les modifications successives. Initialement conçue par l’architecte Gustav Kruck en 1918 (architecte particulièrement actif durant la période du Heimatschutz 8), la Albert-Heim Hütte a d’abord été un mémorial pour le géologue du même nom avant de devenir une véritable cabane de montagne. Cette première partie répond formellement à certains principes Heimatstil appliqués aux cabanes: entrée sur le pignon principal, développement des espaces, symétrie des façades. Un premier agrandissement (Brähm, 1935) est rapidement conçu pour répondre au succès de fréquentation de la cabane. L’extension s’inscrit dans le prolongement de la longueur du premier bâtiment, légèrement incliné pour suivre la topographie du lieu. Les espaces sont ajoutés longitudinalement les uns à la suite des autres. Cette continuité présente un problème d’organisation et de distribution à l’intérieur de l’édifice qui incite le concepteur à le dédoubler et à déplacer l’entrée dans l’angle convexe formé entre la nouvelle et l’ancienne partie.

Mais cet agrandissement se révèle rapidement insuffisant et, dès 1970, Jakob Eschenmoser travaille sur un nouvel ajout. L’intention est de redonner une qualité fonctionnelle aux éléments constitutifs du refuge. En doublant les entrées, l’intervention de Brähm crée une confusion et nuit à la fonctionnalité du bâtiment et à la logique de distribution intérieure. Eschenmoser quant à lui cherche l’efficacité distributive en redimensionnant l’entrée, lui conférant un statut de sas, là où Brähm l’avait seulement déplacée. La fonction de chaque espace est simplifiée. Sans pour autant toucher l’harmonie des proportions de la composition de l’existant, Eschenmoser complète le coude formé par les deux étapes de construction par un volume polygonal. Il exploite l’angle pour centraliser et concentrer toute la distribution, en plan comme à la verticale, pour desservir le premier étage existant et le nouveau rez inférieur aménagé dans le creux du terrain. La première cabane prend la fonction de réfectoire, la première extension celle du refuge d’hiver. Dans son propre agrandissement, Eschenmoser conçoit au rez-de-chaussée un dortoir, la cuisine et l’espace gardien, intimement liés, et communiquant également directement avec le réfectoire principal. Cette nouvelle organisation démontre l’extrême efficacité et cohérence du plan, obtenu malgré l’intervention sur un existant disparate. La circulation, le redimensionnement des espaces, la simplification de leur utilisation, mais également leur distribution, démontrent la capacité de l’architecte à appliquer ses réflexions non seulement sur des projets de constructions neuves, mais aussi sur l’existant.

L’annexe d’Eschenmoser pour la Albert-Heim Hütte a été reconstruite en 2018 «avec le même esprit» (en bois cette fois-ci) par LeutwylerPartnerArchitekten.

Cabane de Bertol

Située sur la Haute Route reliant Chamonix à Zermatt, la cabane de Bertol (reconstruite en 1975 par Eschenmoser, rénovée avec soin en 2000 par Widmer de Montmollin) se situe sur une arête rocheuse suspendue à l’origine entre deux versants glaciaires [ndlr : le glacier versant ouest a aujourd’hui disparu, compliquant notablement l’accès]. L’édifice ne peut être rapporté à aucun courant architectural : il allie une qualité spatiale à une intégration paysagère particulièrement réussie.

Érigée en 1858 sur une partie plate de l’arête, une première cabane de bois défie la montagne depuis ce lieu étroit et difficilement accessible. Elle est successivement agrandie par diverses interventions difficilement compréhensibles en plan. Une première restructuration de l’ensemble des espaces (Thalmann, 1945) permet une organisation plus efficace malgré des déficiences distributives tant en plan qu’en coupe. Eschenmoser intervient en 1975 en reconstruisant entièrement la cabane. Il tire profit à la fois de la morphologie résultant des considérations sur les dortoirs et des contraintes du lieu d’implantation pour accentuer le résultat esthétique.

La cabane est conçue en deux parties: une première, plus traditionnelle, sur l’arête, reçoit la partie réservée aux gardiens et à la cuisine ; la seconde, polygonale, abrite le réfectoire et une série de dortoirs. L’architecte suit le terrain de l’arête et infléchit la seconde partie en fonction de la première. La déformation géométrique qui lie les deux parties du bâtiment absorbe les irrégularités sans faire défaut à la fonctionnalité des espaces, comme la distribution ou le local d’entrée. Cette distorsion intègre une dynamique dans le parcours d’accès et d’entrée au refuge et marque une transition entre l’extérieur et l’intérieur – passage obligé qui amplifie l’effet de surprise et de découverte de la vue dans la salle de réfectoire. Celle-ci, au-dessus de la série de dortoirs polygonaux, est une plateforme suspendue au-dessus du vide, projetant le visiteur dans le paysage. Cette impression et cette qualité sont soulignées par la présence d’un bandeau de fenêtres qui court en façade, radicalisant le rapport à l’extérieur et se démarquant ainsi des projets précédents d’Eschenmoser. Les dimensions toujours extrêmement contrôlées et mesurées protègent les alpinistes des éléments extérieurs tout en leur permettant de profiter visuellement de la situation géographique exceptionnelle du lieu.

Grâce à la dénivellation du terrain, les dortoirs sont placés sous la salle, avec une distribution centrale: la dimension de la couchette se lie à l’intégration de la vue dans l’aménagement du réfectoire. La cabane devient site. Eschenmoser inclut la notion de parcours intérieur, prolongeant celui, éprouvant, de l’ascension, afin d’exacerber les émotions ressenties.

Influences de la réflexion sur le couchage dans les refuges contemporains

Lors de la conception de la cabane du Vélan (reconstruction en 1992), Michel Troillet est l’un des premiers architectes à poursuivre la réflexion d’Eschenmoser sur le lit comme élément essentiel du programme du refuge de haute montagne. Le bâtiment est entièrement dimensionné à partir du développement des couchettes en éventail. Cette composition ovale libère le centre du bâtiment pour laisser place à la structure porteuse et la distribution. Les angles, plus compliqués à gérer en termes d’utilisation d’espace, abritent la distribution verticale, la cuisine et les sanitaires, en fonction de l’étage – de la même manière qu’Eschenmoser planifie dans la cabane de Bertol les éléments capables de supporter une déformation. Le réfectoire est obtenu en repoussant toutes les tables contre la façade et les ouvertures, offrant un rapport à l’extérieur et au paysage innovant par la dimension du bandeau de fenêtres. Si chez Eschenmoser les dortoirs découlaient du dimensionnement des couchettes, Troillet propose ici un aller-retour, se permettant de diminuer au minimum certaines largeurs de couches pour obtenir une ellipse parfaite en plan, rendant certains lits à la limite de l’utilisable.

Le résultat morphologique et spatial de la cabane du Vélan fait entrer les cabanes dans une aire de constructions modernes, innovantes du point de vue des structures, de la mise en œuvre, de l’utilisation des matériaux et de la conception de l’espace. Mais les évolutions ne vont pas toutes dans la même direction. Le développement des refuges est indéniablement lié à la notion de confort, notamment à travers le dimensionnement des dortoirs, la limitation du nombre de couchages par pièces, voire la privatisation des chambres. Cette tendance influence l’architecture et la perception même de la montagne, en démocratisant l’accès aux sommets et en rapprochant la cabane des standards de l’hôtellerie.

En observant les plans de la Topalihütte (Meyer & associés, 2003) et de la capanna Cristallina (Baserga et Mozetti, 2003), on constate ainsi l’influence de la démultiplication des dortoirs et des chambres individuelles. La largeur de la couchette – identique à celle d’un lit «urbain» – impose des dimensions conséquentes aux nouvelles constructions.

La Monte-Rosa Hütte (2009) a quant à elle été élaborée dans le cadre d’un projet pédagogique au sein de l’ETH Zurich, sous la direction des professeurs et architectes Bearth et Deplazes. Connaisseurs des projets d’Eschenmoser, ils ont retenu une recherche d’efficacité dans une forme limitant la surface des façades. Dans le projet, la forme idéale ambitionnée était la sphère – volume difficilement réalisable pour un bâtiment de cette taille et avec les contraintes constructives dues à l’altitude. Le projet a alors proposé de facetter les différentes façades, tout en gardant une structure rayonnante à l’image de celle d’une orange9. Ici s’arrête la comparaison avec les réflexions d’Eschenmoser: l’aménagement intérieur subit la recherche formelle générale, les lits se déforment en fonction de l’espace attribué au dortoir et non l’inverse. Et même si la structure est concentrique, la distribution verticale, repoussée contre la façade, entraîne une perte considérable d’espace, pour un résultat qui va à l’opposé des recherches de compacité menées par Eschenmoser. Si ce refuge, analysé pour lui-même, démontre des qualités conceptuelles indéniables, il marque en revanche, dans la continuité de l’analyse historique et dans la typologie du refuge de haute montagne, une évolution vers un type de bâtiment d’altitude qui n’est plus un « refuge » selon la définition préalablement annoncée. Par ses espaces et ses fonctions, ses dimensions et ses contraintes techniques, ce bâtiment ouvre une nouvelle ère de conception des refuges, pour en faire définitivement autre chose qu’un simple lieu de repos exclusif.

Comme l’a démontré Eschenmoser, la couchette est pourtant au centre de la définition même de la cabane de haute montagne. Sa conception et son aménagement sont conjointement capables d’impacter le plan d’un bâtiment, sa dimension, sa morphologie et, au-delà, l’expérience spatiale de manière générale. Le lit reste l’impulsion du projet, le cœur de la définition même du refuge de haute montagne et un catalyseur de la modification possible par la conception de l’architecture de la perception de l’environnement alpin.10

Notes

 

1 Roland Flückiger-Seiler, «150 ans d’implantation de cabanes dans les Alpes (1re partie). De l’abri de fortune à l’auberge solide» dans Les Alpes, 7/2009

 

2 Julius Becker-Becker, Les cabanes du Club Alpin Suisse, Genève, Wyss et Duchêne, 1892 [Traduction de A. Bernoud]

 

3 Ndlr: Heimatschutz est ici utilisé comme style de construction.

 

4 Gustav Kruck, Die Klubhütten des Sektion UTO, S.A.C, Zurich, édité par la Section UTO du CAS, 1922

 

5 Roland Flückiger-Seiler, «150 ans d’implantation de cabanes dans les Alpes (2e partie). Eschenmoser et les nouvelles expérimentations», Les Alpes, 8/2009

 

6 Ses journaux de voyage ont été publiés sous forme de livres. Voir par exemple: Jakob Eschenmoser, Von Bersteigen und Hüttenbauen, Zurich, Orell Füssli Verlag, 1973

 

7 Idem

 

8 Gustav Kruck, Die Klubhütten des Sektion UTO, S.A.C., Zurich, édité par la Section UTO du CAS, 1922

 

9 Nouvelle cabane du Mont Rose CAS. Un bâtiment en autarcie au cœur du massif alpin, édité par l’ETH Zurich, avec des contributions de Paul Knüsel, Marie-Anne Lerjen, Ákos Moravánszky, Adolph Stiller, Andrea Deplazes et David Gugerli, gta Verlag, 2010

 

10 Ce texte est une version traduite et raccourcie de celui paru in: Anja Fröhlich, Arne Winkelmann, Estelle Lépine, Tiago Borges, Vanessa Pointet, Studies on Types: Dormitories, Lausanne, EPFL Press, 2022

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