L'avenir du Grand Genève en débat
Dans le cadre de sa série «Utopies Durables», la Fondation Braillard a réuni, le 27 avril 2016, Adrien Besson, Alain Léveillé, Michèle Tranda-Pittion et Paola Viganò, autour de l’avenir du territoire genevois. œuvre ouverte?
De ces échanges fructueux, on retiendra surtout l’urgence, pointée par Paola Viganò et Michèle Tranda-Pittion, de décrire et penser le territoire autrement. Si le projet d’agglomération franco-valdo-genevois est une tentative de prendre en compte et d’accompagner la réalité transfrontalière, Michèle Tranda-Pittion regrette l’approche fonctionnelle et rationnelle qui a jusqu’à présent guidé les réflexions (objectifs de construction de logements, infrastructures de transports en commun…). Une approche nécessaire, mais pas suffisante pour comprendre le territoire, qui passe outre la question fondamentale de son identité. Les résultats de l’enquête «Grand Genève, sa population et son désir de vivre ensemble»1, qui viennent d’être publiés, révèlent un sentiment d’appartenance moyen des habitants au territoire (5,4/10). Comment alors construire un projet commun et donner du sens aux flux et aux échanges générés par cette situation de bordure ? Alors que les disparités sociales et culturelles du territoire (pas toujours visibles comme le souligne Alain Léveillé, qui rappelle le paradoxe de la Suisse, où les «cités» sont propres et bien entretenues, le gazon tondu ras), sont de potentielles bombes à retardement, Michèle Tranda-Pittion invite à ouvrir les yeux et à considérer avec bienveillance cette réalité transfrontalière.
Paola Viganò ne dit pas autre chose quand elle parle d’une ville « figée dans des images trop étroites, depuis trop longtemps », dont le caractère très exclusif construit en sous-main une situation de conflit. Genève peine à regarder en face les crises – environnementale, sociale, migratoire – qui la guettent. A plusieurs reprises, pour parler de la manière dont se pense le territoire genevois, elle dit avec une forme d’urgence : «ça ne peut plus durer». Au-delà de la densification et des objectifs de construction de logements, elle appelle comme Michèle Tranda-Pittion à regarder le territoire autrement. Comment a-t-on envie de vivre ensemble autour de cette frontière, dont l’un des côtés est toujours considéré comme un espace de rang inférieur?
Pour Paola Viganò, un nouveau cycle s’amorce dans l’histoire des villes. Il est temps de se poser la question, forcément brutale, du futur, et d’envisager ce moment de réflexion prospective comme une richesse, sans peur. Les villes ont besoin qu’on pose sur elles un nouveau regard, qu’on les «lise» autrement. Celle qui « se sent à l’étroit dans une réflexion qui n’accepterait que quelques dimensions de l’espace », évoque les travaux qu’elle a menés avec ses équipes sur les grandes métropoles européennes: Paris, Bruxelles, Moscou. Elle propose, pour entrer dans cette nouvelle ère, de sortir des lieux communs, de changer les mots et les images pour décrire les villes et de se doter de nouveaux outils de compréhension pour définir de nouvelles structures spatiales.
Dans ce processus, l’utopie, puisque c’est l’entrée choisie par la Fondation Braillard pour ce cycle de conférences, joue son rôle. Paola Viganò l’envisage comme une action critique, un instrument de réflexion, miroir tendu aux territoires, pour décrire autrement les situations urbaines. Pourquoi ne pas faire usage de cet outil critique à Genève, qu’elle voit comme «une ville qui se cherche, pleine de latences qui restent à interpréter»? L’on se plaît à imaginer, comme Alain Léveillé l’a suggéré, qu’elle les interprète pour nous avec la force révélatrice de son regard neuf. Dans le cadre d’une consultation ouverte sur le «Grand Genève»?
Information
Série utopies durables 2016
Fondation Braillard Architectes, Genève, www.braillard.ch