Grève des ma­çons: des ar­chi­tectes so­li­daires

Éditorial du numéro de décembre de la revue TRACÉS

Date de publication
03-12-2022

En voyant les maçons défiler dans les villes suisses ces dernières semaines, j’ai demandé à des architectes autour de moi s’ils se sentaient concernés par cette grève. Réponse: «Et nous, alors?». Ce n’était pas vraiment la question, mais cela donne le ton. «Nous sommes tous dans la boucle », m’a dit d’emblée Stéphane Michlig. Cet associé-fondateur d’une entreprise spécialisée dans la direction de travaux observe un environnement professionnel qui se dégrade à tous les niveaux – depuis des années et pas seulement en lien avec les récents problèmes d’approvisionnement, une raison souvent invoquée qui en cache d’autres, selon lui. Certains maîtres d’ouvrage continuent d’adjuger sur la base du meilleur marché; par effet domino, cette pression sur les coûts se répercute sur les mandataires, les entreprises traditionnelles, les entreprises générales et, en bout de chaîne, les sous-traitants, parfois avec des dégâts humains à la clé. Faut-il préciser qu’ils ont aussi un coût?

Qu’on soit maçon ou architecte, les burn-out ont la même origine: des délais intenables. Les architectes ne devraient pas seulement être solidaires des maçons, dit Stéphane Michlig, ils devraient aussi s’en inspirer. «Si la profession se défendait comme le font les maçons, on n’en serait pas là». La construction n’est plus qu’une affaire financière ou juridique, regrette-t-il, appelant de ses vœux plus d’architecture dans la construction – et donc plus de construction dans l’architecture. Et surtout, «plus d’humanité»: du respect dans les demandes, de l’écoute, de l’attention.

C’est précisément pour établir un cadre plus respectueux que l’association L’Espace Chantier (LEC) a été mandatée sur l’un des chantiers que Théo Bellmann a dirigé à Meyrin. Pour cet architecte, la meilleure manière de garantir de bonnes conditions sur le chantier, c'est encore l'anticipation, et des demandes formulée avec respect. L’Espace Chantier établit un cadre qui permet de nouer le dialogue entre tous les acteurs du chantier, d’une part, et avec l’extérieur, de l’autre. Une petite initiative qui aurait un gros impact, explique Théo Bellmann: des repas de midi, de la médiation culturelle, un container de plus, une douche de qualité… «quelques mesures attentionnées qui favorisent le dialogue, la coordination, et, finalement, la qualité du bâti».

Les maîtres d’ouvrage, les mandataires et les entreprises ont tout à gagner à renforcer ce lien, estime l’architecte. Pourtant, il se désole: quand on parle de Culture du bâti, la question du chantier n’est jamais abordée.

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