Es­prit d’en­tre­prise

Date de publication
16-09-2015
Revision
10-11-2015
Jacques Perret
Ingénieur en génie civil EPFL, Dr ès sc. EPFL et correspondant pour TRACÉS.

Le 26 juin dernier, dans la rubrique « Débats » du quotidien Le Temps, Philippe Thalmann, professeur d’économie à l’EPFL, posait la question suivante : « Qu’attendons-nous pour nous affranchir du pétrole et ses dérivés ? » Pour appuyer sa démonstration des avantages que la Suisse aurait à « trouver le moyen de favoriser l’électricité renouvelable » pour alimenter en énergie le trafic routier, il prenait pour exemple la décision politique radicale qui fut prise, dans la première moitié du 20e siècle, d’électrifier notre réseau de chemin de fer, soulignant l’enthousiasme et la créativité dont firent preuve les ingénieurs et les entreprises suisses pour y parvenir. S’il est probable qu’un projet comme celui de Nant de Drance pourra jouer un rôle essentiel pour faire évoluer la production d’électricité vers le renouvelable, aborder cette impressionnante entreprise nous offre aussi l’occasion d’observer quelques vestiges de l’esprit de pionnier qui animait notre pays et ses ingénieurs il n’y a pas si longtemps.

Commençons par rappeler que l’installation de pompage-turbinage de Nant de Drance constitue la quatrième étape du développement d’un site qui vit successivement la construction des barrages de Barberine en 1925, du Vieux-Emosson trente ans plus tard, puis d’Emosson entre 1969 et 1975. Toujours plus grand, toujours plus puissant : Nant de Drance est, de ce point de vue, le descendant naturel d’une belle lignée de réalisations ambitieuses.

Malheureusement pour les personnes à l’origine du projet qui comptaient sur une forte valorisation de l’énergie dite « de pointe », le monde des réalités humaines évoluant toujours plus vite, il est chaque jour plus difficile à anticiper. Dans le cas présent, victime impuissante de l’incroyable complexité du marché de l’énergie, le pompage-turbinage ne générera peut-être pas les gains escomptés. Avec un peu de volonté politique, Nant de Drance devrait toutefois facilement trouver sa place dans le futur paysage énergétique de notre pays. En effet, quelle que soit l’évolution du marché de l’énergie, la future centrale présentera toujours l’atout majeur de pouvoir fonctionner à la fois comme une batterie à même de stocker la surproduction électrique (plutôt que d’avoir à l’éliminer). Elle pourra aussi participer à la régulation du réseau en étant capable d’y injecter quasi instantanément une quantité considérable d’électricité.

Finalement, le pari de Nant de Drance est sans doute risqué, mais une telle prise de risque est réjouissante. D’abord parce qu’elle montre que la capacité d’entreprendre des projets à la limite du raisonnable – comme celui de créer une gigantesque cavité au cœur de nos montagnes – n’est pas morte dans notre pays et, qu’aujourd’hui aussi, nous sommes en mesure d’affronter les importants défis qui nous attendent. Ensuite, par le sain enthousiasme que les travaux de Nant de Drance génèrent auprès de toutes les personnes que nous avons rencontrées dans le cadre de la préparation de ce dossier.

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