Des tra­vaux à une échelle hors norme

Les travaux pour excaver la gigantesque caverne des machines de Nant de Drance ont nécessité la mise en œuvre de moyens mécaniques et logistiques spectaculaires

Date de publication
16-09-2015
Revision
22-10-2015

Les travaux d’excavation de la caverne des machines ont été exécutés à l’explosif, en neuf étapes du haut vers le bas. Chaque étape était divisée en trois ou quatre sections partielles, avec profilage soigneux des parements (postdécoupage au cordeau détonant, trous resserrés).

Ils ont débuté en août 2011 depuis la galerie d’accès en calotte, à partir de l’attaque secondaire installée au bord du lac d’Emosson et de la galerie descendante longue de 2 km. L’accès principal depuis le Châtelard était alors encore en cours de forage par le tunnelier, ce lien logistique avec la vallée n’était pas disponible avant août 2012 (image 1 et 2).

A cause du danger d’avalanches menaçant les routes d’accès, l’attaque depuis Emosson devait être interrompue pendant l’hiver. Il n’a donc pas été possible de terminer la première étape d’excavation de la caverne en 2011. L’avancement a repris en avril 2012, avec une cadence moyenne de plus de 500 m3 de roche abattue chaque jour. Le forage des trous de mine était réalisé par un jumbo à deux bras de forage et une nacelle. Les matériaux, abattus par volées de 4 m de longueur, étaient chargés sur des camions qui les remontaient jusqu’à la place d’installation du collecteur ouest.

Le soutènement immédiat des parois de la caverne était constitué de béton projeté fibré, renforcé d’un boulonnage et de béton projeté armé réalisés en temps masqué, à l’arrière des fronts. Les parois provisoires des sections centrales (cœur) étaient laissées nues. Les travaux s’effectuaient en postes, 24h/24 et 7j/7.

Une fois l’excavation de l’étape A2 réalisée sur 160 m de longueur (photo), les travaux de bétonnage de la voûte suspendue ont été réalisés entre l’automne 2012 et le printemps 2013. Ils se sont déroulés parallèlement au forage, à l’injection et à la mise en tension des 380 ancrages de suspension de la longrine en béton armé sur laquelle repose la voûte (longrine ancrée visible au premier plan de la photo). Le tunnelier étant arrêté en attente de son démontage quelques mètres en dessous du niveau de l’étape A2 du côté opposé à l’accès de la calotte, les longrines ancrées ont été réalisées jusqu’à ce point, l’excavation des derniers 35 m de roche de l’étape A2 se faisant pendant que le bétonnage de la voûte commençait depuis l’autre bout de la caverne. 

Il était possible d’avoir en action simultanément les ferrailleurs préparant des cages d’armature pour la voûte et la longrine, les ateliers de coffrage et de bétonnage de la longrine, le forage et le scellement des ancrages précontraints, le coffrage et le bétonnage de la voûte (photo). Les cages d’armature de la voûte et de la longrine étaient suspendues au soutènement dès qu’elles étaient prêtes. Le coffrage de la voûte couvrait 288 m2, pour une quantité moyenne de 300 m3 de béton par étape de 10 m. Celui-ci était livré par camions en empruntant les 6 km de galerie à 12 % de pente. La hauteur d’étayage maximale était de 12,6 m.

Dès le mois de mars 2013, la voûte étant bétonnée sur la moitié de la longueur de la caverne, l’approfondissement a repris, en réalisant en une seule fois les étapes A3 et A4 grâce à la bonne qualité du rocher. Les cadences d’abattage ont augmenté pour atteindre une moyenne de 650 m3 par jour. Le tunnel d’accès principal étant terminé en août 2012, le tapis roulant utilisé par le tunnelier lors du percement a été transformé pour descendre les matériaux jusqu’au Châtelard, les transports par camion se limitant alors à de courtes rotations jusqu’à un stock tampon souterrain.

Les forages des trous de mine de la partie centrale des étapes ont été réalisés par des foreuses de carrière dès l’étape A3, pour un abattage en gradins (rangée de trous verticaux de gros diamètre fortement chargés), le jumbo étant affecté au minage des parements (trous horizontaux de petit diamètre faiblement chargés) et le soutènement.

Dès la 5e étape, tirant profit de l’excavation de la galerie des eaux basses (SDR) qui débouche au point le plus bas de la caverne, un puits vertical a été miné pour relier le plan de travail de l’étape d’excavation et une chambre excavée au débouché de cette galerie dans la caverne. Les déblais ont dès lors été poussés dans ce puits pour être repris dans la galerie SDR, raccourcissant encore le chemin de marinage (photo). La Sainte-Barbe 2013 a permis de rassembler dans la caverne ayant atteint le niveau A7 plus de 600 personnes, le chantier étant par ailleurs le plus gros consommateur d’explosifs en Suisse cette année-là. Le dernier des 235 000 m3 de la caverne a été abattu en mars 2014.

Méthode observationnelle et optimisation des travaux 


Une surveillance rapprochée des mouvements du massif et un contrôle régulier des hypothèses de base du dimensionnement ont été mis en œuvre, conformément aux principes de la méthode observationnelle. Les seuils d’alarme et d’alerte ont été déterminés sur la base des calculs aux éléments finis.

Cinq profils de contrôle ont été instrumentés afin de suivre les déformations, constitués chacun de douze cibles pour mesures optiques. Trois d’entre eux ont de plus été équipés de sept extensomètres mesurant la déformation à 4, 8, 12 et 16 m de profondeur. La tension dans les ancrages de suspension de la voûte est également surveillée sur 18 têtes spécialement équipées. 

Les informations récoltées lors de l’avancement sur les caractéristiques du rocher et de ses discontinuités ainsi que son comportement à l’excavation ont été systématiquement intégrées au projet d’exécution. Les résultats des mesures ont été exploités pour recaler les paramètres utilisés dans les calculs et adapter ainsi le modèle à la réalité du massif, permettant d’optimiser le soutènement. Les relevés de front des géologues ont également été intégrés dans l’analyse, conduisant notamment à une adaptation locale du boulonnage pour prendre en compte une nouvelle famille de fracture et la présence de joints graphiteux.

L’excavation terminée, on a pu constater que les déformations, limitées à 40 mm, ce qui est faible compte tenu des dimensions de l’ouvrage, correspondaient aux pronostics des calculs.

Etienne Garin et Nima Nilipour, ing. EPFL génie civil, BG Ingénieurs Conseils SA, Lausanne
Gérard Seingre, ing. EPFL génie civil, Nant de Drance SA, Martigny

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