Cons­truire dans l’eau

Article de cadrage du dossier thématique de la revue TRACÉS du mois de décembre

Date de publication
02-12-2022

La Terre est recouverte à 70% d’eau. Si l’immense majorité de cette surface est vide d’habitants et d’infrastructures, 60% de la population mondiale vit dans une zone côtière. Jusqu’au début du 20e siècle, la crédibilité des empires coloniaux reposait sur leur capacité à maîtriser et dominer les mers. Aujourd’hui encore, des États aux velléités impérialistes déploient leurs pions, de l’océan Arctique à la mer de Chine méridionale, pour contrôler les voies maritimes et l’accès aux ressources naturelles. Les flux de marchandises, d’énergie et d’information indispensables à notre économie mondialisée dépendent d’infrastructures – ports, gazoducs, câbles – se déployant sous la surface des flots. Le récent sabotage des gazoducs Nordstream 1 et 2 en mer Baltique démontre à la fois la fragilité et la vulnérabilité de ces infrastructures.

Vulnérables et fragiles, elles le sont d’autant plus que construire – ou réparer – sous l’eau n’a rien d’une sinécure, et ce même à des profondeurs loin d’être abyssales. Pression, température, luminosité, corrosion, flottabilité, difficultés d’accès et de mouvements sont autant de facteurs qui font de la construction subaquatique une aventure à part.

Devant l’obligation de procéder à un virage énergétique devenu urgent, les producteurs d’énergie partent aujourd’hui à nouveau à la conquête des flots. Forts de leur expérience de l’extraction des hydrocarbures, ils vont récolter le vent là où il souffle sans obstacle, en créant des parcs d’éoliennes offshore, parfois situés à plusieurs dizaines de kilomètres des côtes. TRACÉS s’est donc intéressé aux différents types de fondations, fixes ou flottantes, qui permettent de déployer cette technologie à grande échelle. Les approches constructives sont d’ailleurs assez proches de celles utilisées pour réaliser le Monolithe de l’arteplage de Morat (FR) lors d’Expo 02. Conçu il y a exactement vingt ans, ce projet reste à ce jour la plus grande structure flottante réalisée en Suisse. Si l’éolien offshore n’est pas (encore?) d’actualité sur les lacs helvétiques (le seul projet étant resté au stade d’un poisson d’avril publié par 24 Heures en 2018), n’oublions pas qu’une plateforme flottante couverte de 2240 m2 de panneaux photovoltaïques produit 800 MWh/an depuis fin 2019 sur le lac des Toules (VS) (lire l'article Sur nos monts quand le so­leil dans TRACÉS 3/2020).

Les plans d’eau sont également des espaces de détente que les Suisses se sont largement réappropriés, encore plus depuis que le Covid est venu perturber leurs envies d’évasion. Ces usages nécessitent eux aussi la construction d’infrastructures. Si le lac de Neuchâtel n’a que peu à voir avec les rigueurs de l’Atlantique Nord, la rénovation du port de Chevroux (VD), plus grand port en eaux fermées d’Europe, a tout de même nécessité d’étudier les courants et les vagues pour le protéger de l’ensablement. Une manière de démontrer que la construction subaquatique, quelle que soit son échelle, requiert un surplus de réflexion et d’ingéniosité.

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