Com­ment se fa­brique une bien­nale ?

Editorial paru dans Tracés n°20/2012

Date de publication
15-10-2012
Revision
19-08-2015

C’est une sensation de tournis. Une exposition gigantesque, un parcours de plusieurs kilomètres pour le seul Arsenal. Un thème, Common Ground, décliné par 119 équipes provenant de 69 pays différents pour l’exposition internationale. 53 pays représentés dans les pavillons nationaux des Giardini et ailleurs dans Venise. Deux jours de visite frénétiques. Tentatives d’engranger un maximum, questions qui se font de plus en plus pressantes : que retenir ? Quel bilan pour cette édition ? Une synthèse est-elle possible, ou n’est-ce même pas le but de l’expérience ? Et si chaque Biennale d’architecture n’est effectivement qu’un feu d’artifice, plus ou moins haut en couleurs suivant l’édition, quelles seraient ses raisons d’être à moyen ou à long terme ?

Présenter une telle exposition, en écartant le plus longtemps possible l’inévitable effet de saturation, est sans doute un art en soi, comme l’a noté avec justesse notre collègue de TEC21 Judit Solt. Mais au-delà de ce constat, au-delà aussi de la simple jouissance de se promener dans cet énorme parc d’attractions architecturales et de se laisser bercer par la sensation « d’en être », deux envies ont guidé l’élaboration du présent dossier. Tout d’abord, celle d’essayer de comprendre malgré tout ce qu’il en est du thème, de ce common ground proposé par le commissaire général, de ce terrain d’entente entre les architectes et la société. Ensuite, celle d’enquêter ne serait-ce qu’un petit peu sur le fait de savoir comment se fabrique une édition de la Biennale de Venise. Qui sélectionne qui ? Et dans quel but ?

Quant au thème, il était prometteur. Un peu vague certes, mais sciemment tourné vers le dehors de la profession. Vers les non spécialistes, les utilisateurs, le public, les médias. En amont de la manifestation, David Chipperfield s’est même laissé aller à une sorte de mea-culpa collectif : oui, les architectes peuvent à raison être accusés d’avoir encouragé le star system. Et il est temps de susciter le réveil de la profession (voir p. 6). Des propos politiquement corrects, mais sans doute caricaturaux (un architecte star n’est pas nécessairement un être narcissique qui ne penserait qu’à créer des édifices sculpturaux). Les réponses des exposants, il fallait s’y attendre, sont des plus diversifiées, voire contradictoires. On ne peut forcément en présenter qu’une sélection réduite1.

Pour ce qui est de la fabrication d’un tel événement, il fallait se limiter au cas de la Suisse. Nous avons interrogé à ce sujet l’architecte Philippe Rahm, président du jury en charge de la sélection des représentants de notre pays pour les biennales de Venise et du Caire (voir p. 12). Constitué par la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, ce groupe de sept membres a un mandat de quatre ans et s’occupe – particularité helvétique – à la fois des biennales d’art et d’architecture. Philippe Rahm explique les raisons qui ont mené aux choix de Miroslav Šik, curateur de l’exposition qui est actuellement visible au pavillon suisse (voir p. 14). Les arguments, solides, suscitent la curiosité quant au choix qui sera fait pour la Biennale de Venise de 2014. L’architecte en question va être sélectionné cet hiver.

 

Notes

 

Les lecteurs intéressés trouveront des sujets complémentaires dans le n° 42-43 de notre revue sœur TEC21, également consacré à la Biennale, ainsi que sur le site internet commun www.espazium.ch  

 

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