CEM Ka­ma­nar, un col­lège en voûtes BTC

Date de publication
06-06-2022

La plupart des projets médiatisés au Sénégal émanent d’agences occidentales qui ont été sollicitées pour réaliser un programme scolaire, social ou culturel avec l’aide d’une fondation dédiée au développement1. Ces projets, exemplaires a bien des égards, soulèvent d’évidentes questions sur l’importation de nouveaux modèles étrangers, dans un pays qui manque d’architectes formés et cherche à développer son propre vocabulaire. En évitant les pastiches, le Collège d’enseignement moyen (CEM) Kamanar trouve dans ce débat une voie intéressante.

À l’origine, le CEM Kamanar, situé dans la ville de Tionck Essyl en Casamance, est le projet de fin d’études de l’architecte espagnole Aina Tugores. Une fois son diplôme obtenu, l’ambition de réaliser ce programme grandit et trouve un écho auprès de l’agence catalane Daw Office, où elle collabore. Depuis leur bureau à Barcelone, tout est alors mis en œuvre pour lancer la construction du bâtiment: une fondation est montée et les fonds sont réunis petit à petit. Au même moment, les partenariats se constituent sur place avec l’État, le ministère de l’Éducation et les habitants de Tionk Essyl.

En Casamance, la terre crue est encore le moyen de construction le plus répandu mais le savoir-faire se perd et se concentre surtout sur les techniques traditionnelles de type banco (brique de terre moulée du même type que l’adobe). La ressource terre est donc disponible mais la construction en BTC prévue pour le projet présentait un vrai défi technique en même temps qu’une opportunité de développement économique. Sur place, une équipe technique a été constituée, Espagnols et Sénégalais ont travaillé ensemble pour mettre en place tous les outils du projet: fabrication des BTC, transformation et mise en œuvre des autres matériaux constituants, mise au point programmatique et typologique, exploitation et développement futur. Au-delà de la question du choix et de la mise en œuvre des matériaux, une réflexion approfondie a été menée sur ce que pouvait être un collège en Casamance en 2020. Plutôt que d’importer un modèle occidental, le travail a consisté à proposer une typologie et une organisation mieux adaptées aux réalités climatiques, sociales et économiques de la région. Le collège est réparti dans plus d’une vingtaine de pavillons en voûtes qui reprennent la forme des arcs en chaînette renversée à la manière des antiques voûtes nubiennes ou des bâtiments du catalan Gaudi. Fermés par de simples claustras de bois sur les pignons, les espaces sont naturellement rafraîchis. Les pavillons sont connectés les uns aux autres par de larges espaces extérieurs arborés qui permettront de possibles extensions et adaptations.

C’est à cela que tient la réussite du projet: loin de pasticher l’architecture traditionnelle locale (ou l’image que les Occidentaux peuvent s’en faire), les architectes ont su exploiter les ressources disponibles, qu’elles soient matérielles ou immatérielles, avec ingéniosité, et en tirer profit pour réaliser un projet d’une grande qualité architecturale. Mais à quelle condition atteint-on cette esthétique impeccable? Par exemple, est-il approprié d’utiliser du bois dans une région en proie au trafic illégal? Sans inculper les architectes qui ne sauraient être tenus responsables de la qualité des filières d’approvisionnement, cette question nous prouve qu’il n’existe pas de solution miracle pour la transition écologique. Chaque outil doit être éprouvé et mesuré localement et c’est bien là le défi d’une approche durable cohérente.

CEM Kamanar

 

Maîtrise d’ouvrage
Foundawtion, Barcelone / État du Sénégal

 

Maîtrise d’œuvre
Aina Tugores / Daw Office, Barcelone

 

Surface totale
1900 m2

 

Coût
350 000 €

 

Conception
2014-2016

 

Réalisation
2016-2021

Note

 

1 Citons, entre autres: le centre pour femmes de Rufisque par les architectes finlandaises Hollmén Reuter Sandman Architects (2016), le centre socio-culturel Thread de Toshiko Mori Architects à Fass (2019) ou encore la maternité de l’hôpital de Tambacounda de Manuel Herz Architekten (2020).

Magazine

Sur ce sujet