Ca­co­pho­nie ur­baine

Exposition «Napoli Super Modern»

La ville de Naples, de par sa situation au bord de la Méditerranée et en contrebas du Vésuve, toujours menaçant, est un lieu unique. Le Musée suisse d’architecture S AM à Bâle documente 18 bâtiments modernes qui y ont été construits entre 1930 et 1960.

Date de publication
27-06-2022

Ces bâtiments et le contexte urbain sont documentés dans quatre salles thématiques, avec des images, des plans et des textes explicatifs. L’exposition «Napoli Super Modern» est organisée par le bureau LAN Paris (Benoit Jallon et Umberto Napolitano) et par Andreas Kofler, directeur artistiques adjoint du S AM. Elle regroupe cinq thématiques: la pérennité de la ville en termes de forme, de langage, de limites, de fonction et de nature. Ces critères permettent d’identifier les aspects essentiels et les points communs des projets sélectionnés.

Une construction par stratification

La stratification complexe de la ville de Naples, qui s’étend sur les pentes du Vésuve (la dernière éruption remontant à 1944) rend difficile l’identification et la compréhension de ses phases de croissance presque inextricables. Les rues de Spaccanapoli laissent deviner ces stratifications complexes. Officiellement, aucune rue ne porte ce nom. Il s’agit de sept rues qui se suivent et qui, partant des Quarteri Spagnioli en direction de la gare, séparent en ligne droite la vieille ville en deux parties.

Et lorsque l’on sait que Naples, construite sur du tuf poreux, possède un vaste système de grottes dans son sous-sol, les bâtiments modernes insérés dans cette cacophonie urbaine étonnent d’autant plus: un tohu-bohu de rues, de maisons, d’escaliers et de passages, de bâtiments modernes insérés qui semblent si différents de l’existant et qui se sont pourtant fondus dans leur environnement comme une évidence.

Une promenade dans la ville

La première salle de l’exposition, qui se tiendra jusqu’au 21 août, retrace l’histoire de la ville de 1930 à 1960 et présente l'évolution architecturale de cette époque en s’appuyant sur une grande carte de la ville. Un extrait du film en noir et blanc «Le mani sulla città» (Les mains sur la ville) de Francesco Rosi (1963) rend palpable la corruption politique et l’activité spéculative d’un magnat de la construction dans l’après-guerre. Le film a reçu le Lion d’or à Venise en 1963.

Les salles deux et trois documentent les projets sélectionnés entre 1930 et 1960, qui ont été analysés par LAN et mis en valeur sous la forme d’un atlas des bâtiments. Caractéristique commune de ces bâtiments: ils s’affirment en tant que nouvelles constructions dans le tissu urbain tout en s’intégrant tout naturellement dans le contexte donné. Dans un modèle urbain blanc abstrait, les nouveaux bâtiments sont placés avec discrétion, voire dissimulés, sous forme de minuscules maquettes conçues avec soin. «Toutes ces œuvres partagent le désir de se référer avant tout à la ville, en formulant la notion de contexte non plus comme une toile de fond immobile pour l’action de l’architecture, mais plutôt comme une réécriture des éléments qui la caractérisent», selon les mots d’Umberto Napolitano de LAN.

Avec ses clichés, le photographe Cyrille Weiner immortalise de manière impressionnante cette intégration des nouvelles constructions dans le tissu urbain existant. Ils montrent les bâtiments sans fioritures et visuellement fondus dans leur environnement hétérogène. Les 18 architectures concernées sont documentées en détail dans la publication jointe. Des plans spécialement redessinés indiquent l’emplacement et les structures des bâtiments et fournissent des informations sur leurs architectes et ingénieurs et en partie sur l’histoire de leur construction.

Des éléments textiles suspendus avec des impressions d’images de la ville de Naples divisent les pièces du S AM et créent ainsi une ambiance presque méditerranéenne. Les portes qui y sont découpées relient visuellement les parties de l’exposition et créent une enfilade semblable aux successions de pièces dans un palazzo napolitain. Les photographies sont sobrement encadrées et accrochées aux murs, des documentations détaillées sur les bâtiments sont posées sur des tables.

Un documentaire impressionnant

Dans la quatrième et dernière salle, la cacophonie urbaine prend tout son sens. Le documentaire «Homo Urbanus Neapolitanus» du duo français Ila Bêka et Louise Lemoine commence sur le front de mer de Naples et remonte les ruelles étroites jusqu’au Vésuve. L’action se commente elle-même par l’image et les sons, parfois le brouhaha, mais aussi le silence, et donne un aperçu saisissant de l’atmosphère bouillonnante, acoustiquement et visuellement déroutante de cette ville incomparable. Il part de la Piazza del Plebiscito, passe par la Via Toledo et les Quarteri Spagnoli, passe par la Piazza del Duomo et remonte le Spaccanapoli jusqu’au cratère du Vésuve, d’un calme presque inquiétant.

Les projets et les thèmes exposés se présentent sous un jour différent et inédit, sous une autre perspective. Il ne manque que les impressions olfactives des cafétérias, des pizzerias et des pots d’échappement des scooters et des taxis qui font la course. L’exposition «Napoli Super Modern» est recommandée à tous ceux qui s’intéressent à l’architecture et à l’urbanisme, mais aussi à ceux qui souhaitent avoir une compréhension plus approfondie de Naples, cette ville d’Italie si différente et si fascinante.

NAPOLI SUPER MODERN

Jusqu'au 21.08.2022

S AM SCHWEIZERISCHES ARCHITEKTURMUSEUM

Steinenberg 7, Basel

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