Acous­tique nu­mé­rique pour un au­di­toire à Neu­châ­tel

La salle de concerts et de conférences du bâtiment Campus Arc1 se veut performante à la fois pour la musique et la parole

Date de publication
17-08-2012
Revision
19-08-2015

Inauguré en 2009, le bâtiment Campus Arc1 de Bauart Architectes et Urbanistes SA,
sur le plateau de la gare de Neuchâtel, abrite une salle partagée entre le Conservatoire de musique neuchâtelois, l’antenne neuchâteloise de la Haute école de musique et la Haute école de gestion Arc. Cet auditoire sert à la fois de salle de conférences et de concerts, et la parole tout comme la musique doivent pouvoir y rencontrer des conditions optimales. L’équipement classique (murs, plafond et sièges conçus en fonction de l’acoustique) ne suffisant pas à satisfaire cette double exigence, la salle a été équipée après coup d’un système d’acoustique numérique unique en Suisse.
Une soirée festive à l’occasion du jubilé des 175 ans de la SIA, en mai dernier, a permis de mettre en évidence les caractéristiques particulières du nouvel auditoire. Une flûtiste entre en scène après les allocutions officielles ? Un temps de réverbération trop court empêche que le son de l’instrument se propage comme elle le désire. Trop « claire », l’acoustique ne satisfait visiblement pas l’interprète, qui s’en va manipuler un écran d’ordinateur. Retour au jeu, le son a l’air plus doux, moins sec. Qu’est-ce qui s’est passé ? Un dispositif informatique lui a permis de modifier le temps de réverbération en direct, grâce à 16 microphones et 33 haut-parleurs disséminés dans la salle, et reliés à un ordinateur en coulisse. Le système propose quatre niveaux de réverbération préprogrammés : un temps de réverbération « naturelle » de 8 dixièmes de seconde (système désactivé) pour la parole, et des retours « artificiels » (le son passe par les micros et les hauts-parleurs) de 12, 14 ou 15 dixièmes de seconde pour la musique.
La salle neuchâteloise est la première en Suisse à bénéficier de ce type d’installation. Elle vient se greffer sur un équipement « réel » mis en place par les architectes de Bauart, en étroite collaboration avec l’acousticien Urs Petermann. « Pour réaliser une salle la plus équilibrée possible, explique la Revue Musicale Suisse de janvier 2011, il fallut d’abord niveler la résonance au niveau de réverbération le plus bas, afin que le plus grand nombre d’utilisateurs puisse l’utiliser. » Y contribuent des éléments réfléchissants ou absorbants sur l’arrière et sur les bords de la salle, trois réflecteurs orientables qui surplombent la scène (notamment pour assurer une bonne écoute aussi sous la galerie) ainsi que les sièges, qui doivent être exactement aussi absorbants et réfléchissants qu’une personne humaine et qui ont été conçus spécifiquement pour ce projet par une entreprise allemande. Ainsi la salle conjugue des dispositifs acoustiques naturels et virtuels, et peut également servir de studio d’enregistrement.
Quel est le but d’une telle opération ? C’est d’abord l’occasion de mettre en avant l’intensité du travail interdisciplinaire, qui a d’ailleurs aussi joué son rôle du côté du génie civil. En effet, le bureau d’ingénieurs GVH a développé une structure directement inspirée de la technologie des ponts, ce qui a permis d’accrocher le volume de l’auditoire en un porte-à-faux de 15 mètres à un corps de bâtiment de seulement 14 mètres de large. Ensuite, il va sans dire que la ville et la région bénéficient ainsi d’une nouvelle salle de capacité moyenne (200 personnes) très performante et, avant tout, absolument polyvalente. Mais c’est justement de cette polyvalence, certes requise dans le cas d’un bâtiment qui réunit des étudiants en musique et en gestion, que découle également un certain malaise. Quitte à vouloir créer les conditions parfaites pour des usages divergents, ne perd-on pas un peu de l’âme d’une salle de concerts ? Un son redistribué en temps réel par des micros et des enceintes n’est-il pas peut-être trop parfait ?

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