Com­ment la po­li­tique dé­tourne les con­cours: ex­emp­les

Statler et Waldorf: la chronique critique de Pierre Frey qui n’engage que lui

Publikationsdatum
10-03-2016
Revision
11-03-2016

L’analyse des procédures de passation de marchés publics étudie et commente les critères d’adjudication, mais le cadre de son analyse ne s’étend pas en amont. Le domaine du détournement, à des fins politiques partisanes, de procédures de concours lui échappe et c’est regrettable. Preuve par l’exemple de trois cas dans la commune vaudoise de La Tour-de-Peilz.

En tant que « pouvoir adjudicateur », la commune de La Tour-de-Peilz vient de lancer deux procédures de concours d’architecture et un appel d’offre pour des prestations d’architecte ; il n’y aurait en principe rien d’anormal à cela. Sauf si l’on considère que la Municipalité sortante – très contestée – a lancé ces procédures à la hâte, en toute fin de législature après quatre années de sommeil. Au lendemain du premier tour des élections municipales, les enjeux apparaissent dans toute leur clarté:

  • Premièrement, le concours lancé pour la restauration du château de La Tour-de-Peilz. Estimée à 8 millions, cette opération semble être totalement disproportionnée. Le programme du concours risque plus de dénaturer l’objet restauré très soigneusement dans les dernières décennies du 20e siècle et d’apporter des fausses réponses à des problèmes mal posés. Un entretien soutenu tant extérieur qu’intérieur – remplacement de quelques sols et tapis, amélioration des performances énergétiques par la pose de vitrages isolants dans les fenêtre existantes –, un programme allégé et un concept muséographique qui se développe intelligemment dans l’ensemble du bâtiment existant permettraient de réduire la facture de manière drastique.
  • Deuxièmement, le Collège Courbet à La Tour-de-Peilz. Fort bien construit en 1954 par l’architecte Eugène Mamin, il fait l’objet d’un concours de démolition-reconstruction, estimée à 30 millions. S’il nécessite des travaux d’entretien réels et une amélioration de ses performances énergétiques, des solutions autres que la simple destruction existent, moins coûteuses et surtout plus respectueuses de notre patrimoine architectural. Preuve en est le dossier du présent numéro de Tracés.
  • Enfin, l’appel d’offre pour le temple St-Théodule semble tout aussi disproportionné. La dernière intervention importante remonte à 1991 et tout ce qui est requis est une politique d’entretien bien comprise.

Il est incontestable que l’observation des marchés publics doit s’en tenir à des critères techniques, rigoureusement appliqués et qu’elle ne peut se lancer dans des interprétations subjectives. Il n’en reste pas moins que les mandataires, les bureaux d’architecture en particulier, devraient aiguiser leur flair politique, se méfier par principe des périodes de fin de législature, de leur cortège de ruses et de roueries et se lancer avec moins de naïveté dans des concours organisés par des gens surtout soucieux de leur (éventuelle) réélection. En tous les cas, les participants aux concours lancés récemment dans des conditions discutables à La Tour-de-Peilz seront inspirés avant de vitupérer les auteurs des probables référendums contre des projets formulés dans des conditions qui choquent le citoyen.

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