«L’un des avan­ta­ges de la co-pré­si­dence est qu’el­le nous pous­se au  com­pro­mis»

Alexa Bodammer et Paola di Romano, à la tête du Réseau femme et SIA, sont animées par la volonté de favoriser une coordination et des échanges plus étroits entre les groupes régionaux. Dans cet entretien croisé, les deux nouvelles co-présidentes nous éclairent sur les projets actuels et futurs du Réseau, avec sémillance et ambition.

Publikationsdatum
07-07-2022

Pouvez-vous vous présenter ?

Alexa Bodammer (AB): Je suis urbaniste de profession, spécialisée dans le développement communal, urbain et régional, la culture du bâti et la participation. J’enseigne à la Hochschule Luzern (HSLU). J’y dirige également des projets de recherche et consultatifs, dont l’un d’eux, en collaboration avec Patrimoine Suisse, qui porte sur les mécanismes de succès de la production d’une culture du bâti qualitative et sur l’importance de cette dernière pour le développement communal. Depuis 2013, je suis active dans le Réseau femme et SIA au sein du groupe régional Zurich – c’est un excellent moyen de réseauter, et pas seulement dans la région zurichoise. Pour preuve, j’ai ainsi obtenu mon poste actuel! Depuis 2020, j’ai rejoint le comité national, et aujourd’hui Paola et moi avons succédé à Beatrice Aebi comme co-présidentes. Nous formons désormais une co-présidence, parlant couramment l’allemand, le français et l’italien.

Paola di Romano (PR): Je suis architecte. J’ai effectué mes études supérieures à l’École polytechnique de Milan - je suis tessinoise d’origine -, avant de réaliser une formation postgrade à l’EPFL en économie de la construction. J’ai ensuite travaillé au Tessin, puis à Berne et à Thoune durant quatre ans, toujours dans l’architecture et l’architecture d’intérieur. Je suis installée à Genève depuis 2007. J’y ai d’ailleurs créé mon propre bureau, PdR architects. En parallèle, j’exerce une activité d’enseignement auprès de la Fédération des Architectes Indépendants (FAI) pour les dessinateur·rices en architecture. Je suis également experte et commissaire d’apprentissage pour cette même filière depuis 2009. Depuis 2020, j’occupe un mandat de conseillère municipale dans la commune de Collonge-Bellerive (GE). En 2015, j’ai rejoint le groupe régional Genève du Réseau femme et SIA et, en 2018, le comité national. J’ai candidaté à la présidence, car, vu l’augmentation des membres des groupes romands depuis quelques années, il me semble important que les intérêts des francophones soient encore mieux représentés.

Quels sont les avantages d’une co-présidence représentant plusieurs régions linguistiques de Suisse?

AB: Je suis arrivée au comité durant la période de Covid-19. En raison de la pandémie, Paola et moi avons multiplié les échanges en ligne. L’idée de la co-présidence nous est apparue évidente peu après avoir entendu Beatrice parler de se faire remplacer.

PR : Faire partie du comité exige une réflexion sur le développement d’une politique professionnelle/sociale à l’interface de l’association et du monde professionnel, sur le fonctionnement de la structure et le cadre des échanges avec la SIA. Très vite, j’ai saisi l’opportunité de mes déplacements réguliers au Tessin pour rencontrer le comité du groupe régional et percevoir ses besoins. Avoir un alter-ego comme Alexa à Zurich est très enrichissant.

AB: C’est vrai: Zurich ou, plus largement, la Suisse alémanique ne représente le Réseau ni dans sa globalité, ni dans la complexité ou la diversité des projets menés par nos membres en réponse aux enjeux de politique professionnelle régionale. L’un des avantages de la co-présidence est qu’elle nous pousse au compromis. Langues, expériences et contextes diffèrent selon les régions. Il est nécessaire de les prendre en compte. Être à deux est stimulant, dynamique. De plus, un avantage pratique bénéficie au comité national et aux groupes régionaux: atteindre une seule personne peut être compliqué. Enfin, le partage de ce mandat procure une plus grande disponibilité. D’autre part, notre co-présidence n’entraîne pas un besoin démesuré de coordination, les ressources étant partagées et l’échange aisé avec Paola. Enfin, lorsque l’on n’est pas certaines de la direction à prendre, nous en discutons. La décision qui en découle ne peut être que plus éclairée, plus consciente, mieux adaptée.

Quels sont les grands dossiers que Beatrice Aebi vous a-t-elle transmis, après 14 ans de présidence?

AB: La plateforme "SIA NOW ! Network of Women". Il s’agit d’un projet porté par le groupe Vaud, qui entend renforcer la représentation des femmes dans des milieux encore très masculins. Il permet de mettre en avant les compétences de nos membres et promouvoir les profils féminins dans nos milieux professionnels.

PR: Beatrice a également donné l’impulsion à la formalisation de notre structure. Nous venons d’ailleurs d’achever la mise à jour de tous nos règlements.

Sur quels aspects souhaitez-vous mettre l’accent durant votre présidence?

AB: Notre mission est de renforcer la notoriété de chacun des groupes régionaux, élément primordial pour dynamiser et étendre le Réseau. De plus, encourager la coordination et les échanges entre la Suisse occidentale, centrale et le Tessin est essentiel pour que les projets passent d’un groupe à l’autre et que l’action collective s’organise. Pour exemple, l’ouvrage jeune public Ingénieuse Eugénie (2015,) vise à encourager la relève féminine dans les carrières techniques et de la construction. À l’origine, il s’agit d’un projet du groupe Vaud, mais le livre s’est vu traduit en allemand et en italien moyennant le soutien de la SIA et de l'Académie suisse des sciences techniques (SATW). Il a donc eu une résonance sur l’ensemble du territoire. Il existe également d’autres enjeux de caractère national, qui sont initiés sur le plan régional, puis rapportés à une échelle plus large grâce au soutien de notre comité.

PR: Nous étions 400 lors de notre dernière assemblée générale – l’augmentation de nos membres est une réalité. Or, il n’y a que six groupes régionaux: Genève, Vaud, Berne, Bâle, Zurich et le Tessin. Se lier à des associations professionnelles féminines à l’international permet de nouvelles réponses à des enjeux partagés de politique sociale, ainsi que l’ouverture à de nouveaux marchés économiques. D’autre part, les membres d’autres structures professionnelles féminines avec lesquelles nous sommes en contact en Belgique, en Grande-Bretagne ou en Allemagne ont elles aussi des connaissances dans la branche en Suisse, que nous pouvons ensuite coopter dans l’un de nos groupes régionaux. Nous souhaitons aussi continuer à promouvoir les profils féminins, et, plus largement, développer les prestations offertes à nos membres.

PR: On souhaite notamment que les différents événements des groupes régionaux puissent être relayés par la presse régionale, puis transmis aux autres groupes.

AB: Je suis d’accord avec Paola. L’an passé, à l’occasion de FrauMünsterhof à Zurich, pour les 50 ans du suffrage féminin, le groupe Zurich a présenté pour la première fois un projet initié sous forme d’action sur les médias sociaux durant la pandémie: 50 portraits de ses membres et de leur expertise. Ce projet s’accompagnait d’un événement physique de réseautage avec du speed dating. De plus, avec d’autres représentantes d’associations professionnelles ou de l’académie, le Réseau a pris part à une table-ronde autour de la question «Que se passe-t-il lorsque les femmes façonnent la Suisse?». Un franc succès !

Enfin, quel est l’enjeu principal, ces prochaines années, pour les associations professionnelles féminines?

PR: La féminisation de nos professions et la promotion de nos profils auprès des acteurs publics et privés. À Genève, on avait fait élaborer des fiches par nos membres pour voir qui désirait figurer dans une base de données d’expertes destinée aux institutions, de manière à augmenter le nombre de femmes dans les jurys de concours, par exemple. C’est une question de culture. Au départ, nous étions très actif·ves, jusqu’au début de la pandémie. Nous avions partagé l’information avec le Canton de Vaud. On a amené le sujet au comité national en précisant notre souhait d’élargir cette thématique. Il nous a été indiqué que la priorité était de tester ce projet à l’échelle genevoise.

AB: Nous nous engageons à mieux faire connaître le rôle des femmes dans les professions libérales, dans l’économie, au sein de l’académie… Il s’agit d’un travail de sensibilisation, informel, principalement. Évidemment, nous gardons un œil attentif sur l’agenda politique lié à nos buts fondateurs.

PR: L’un des points forts du Réseau femme et SIA est sa gratuité pour les membres en ce moment. Certaines travaillent à mi-temps et ne peuvent se permettre le coût d’une cotisation SIA. Or, si elles sont membres, elles bénéficient des informations que l’on transmet. Simultanément, bien sûr, nous travaillons aussi de sorte que la SIA puisse compter en son sein plus de membres féminins.

AB: C’est vrai. Relevons aussi que nos membres incluent des personnes exerçant d’autres métiers créatifs dans le domaine des arts ou de l’histoire, qui ne peuvent pas devenir membres SIA. Notre Réseau travaille aussi de manière interdisciplinaire.

Pour conclure, qu’apporte l’appartenance aux associations professionnelles féminines?

AB : De nombreux avantages. Aux profils plus jeunes, on apprend à décrocher des mandats ou se mettre en réseau. Les femmes ont tendance à sous-estimer l’importance du réseau informel, faute de temps à y consacrer. On aide également certaines catégories moins visibles à être mieux représentées dans les milieux professionnels.

 PR: Faire du réseautage n’est pas donné ! Parfois, cela bloque, et il y a alors de la gêne. On remarque que les femmes sont moins actives sur ce plan à partir du moment où elles ont une famille.  Or le développement et l’entretien d’un carnet d’adresses professionnel n’est pas un mythe, cela fonctionne. On arrive à créer plein de choses ensemble. En réseautant, j’ai connu d’autres architectes, hommes et femmes dont je savais qu’ils enseignaient à Lausanne. Quand j’ai su que l’on cherchait à recruter pour les cours interentreprises de la FAI, j’ai naturellement privilégié mes contacts SIA.

AB: Le réseautage est un exercice continuel, qui n’est pas seulement ardu, mais aussi profitable, même avant d’avoir obtenu quelque chose de tangible.

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