Quand le terre à terre in­vi­te à rê­ver

Le programme et les demandes écologiques auxquels devait répondre les MEP pour la nouvelle maison de quartier des Plaines-du-Loup à Lausanne étaient particulièrement exigeants. Au terme de la procédure, c’est l’équipe menée par Joud Vergély Beaudoin Architectes qui l’emporte en proposant une solution en ossature bois comprenant un remplissage en terre et en chanvre banché.

Publikationsdatum
22-02-2022

Dans le crépuscule hivernal, toute personne arrivant à Lausanne par la sortie d’autoroute de la Blécherette se sent bien peu de chose face aux grues tentaculaires qui défient l’horizon noir. La première étape (PPA1) du quartier des Plaines-du-Loup est en chantier. Une forêt de gabarits hérissés sur la plaine fait office de comité d’accueil.

Le spectacle est fascinant, certes, mais tout de même un peu angoissant. Il faut bien reconnaître que l’on oscille entre l’excitation et l’inquiétude face à la haute densité affichée du quartier1, issu d’un concours d’urbanisme remporté en 2010 par Tribu architecture : 8000 habitants, 3000 postes de travail, sur une surface de 30 hectares. Sur le plan masse, si le PPA1 des Plaines-du-Loup est un plein, sa maison de quartier s’inscrit dans un vide, son parc.

Une maison dans un parc

«Le projet est avant tout un parc qui intègre une maison de quartier», explique Nicole Christe, architecte de la Ville de Lausanne et membre professionnelle du jury. Le périmètre d’intervention du projet, tel que mentionné par les mandats d’étude parallèles (MEP) se situe en effet au sud de la première étape de l’opération, en lien avec le parc du Loup et celui du Bois-Gentil. La procédure en deux phases a vu s’affronter quatre équipes, dont une jeune agence, afin de permettre à la relève de participer. C’est finalement le projet des Cabanes du Loup qui a su convaincre le jury, composé de professionnel·les de la conception et d’un groupe d’expert·es d’usage. En effet, si le bâtiment fait partie du développement des Plaines-du-Loup, il s’adresse aussi de manière plus vaste aux résident·es déjà présent·es dans le quartier. Quelques habitant·es ont d’ailleurs été impliqué·es dans la procédure, par le biais d’une démarche participative initiée en 2016 pour définir le programme de la future maison, puis, pour les plus motivé·es, en participant au jury, après un tirage au sort. Cette collaboration avec le voisinage sera d’ailleurs renouvelée lors de la réalisation du projet, puisque les habitant·es seront invité·es à y participer pendant les différentes phases de chantier autorisant l’autoconstruction, comme le propose le projet lauréat.

Une fine analyse du programme

Ce qui distingue cette proposition de celle des concurrentes, c’est la compréhension précise du programme, mais aussi la représentativité attendue. «Les membres de l’équipe se sont intéressés à ce qu’était vraiment une maison de quartier», souligne Nicole Christe.

Le projet lauréat inscrit son plan orthogonal et non directionnel comme un pivot entre la partie fortement urbanisée des Plaines-du-Loup et le parc. Le volume profite de la pente pour adopter une position en surplomb, offrant ainsi des gradins inscrits dans la topographie. Il est composé de quatre maisons détachées sur deux niveaux, qui accueillent chacune une partie du programme, liées entre elles par un espace interstitiel public en relation avec le paysage. Ce concept spatial de «maisons dans la maison» permet ainsi d’accueillir une salle de spectacle, un atelier polyvalent, une cafétéria et, enfin, des locaux de service – cuisine et bureaux. Chaque entité peut être aisément privatisée grâce à un système de fermetures mobiles qui donne un maximum de flexibilité aux usager·ères. Les doubles hauteurs conférées par les maisons offrent une belle générosité aux espaces.

Le choix de matériaux écologiques

L’autre atout indéniable de la solution proposée par le projet lauréat réside dans ses matériaux : une structure porteuse hors-sol en ossature bois comprenant un remplissage en terre pour les parties intérieures et en chanvre banché pour les parties extérieures. Si cette équipe n’a certes pas été la seule à proposer d’utiliser des matériaux géo- et biosourcés – après tout Localarchitecture suggérait l’utilisation de briques de terre compactée, et tous les groupements basaient leur projet sur une ossature bois –, il est néanmoins plaisant de constater le degré élevé des réflexions constructives des Cabanes du Loup, en particulier en ce qui concerne l’autoconstruction. Le projet distingue trois phases accessibles à la population, entre les travaux effectués par les professionnel·les : la préparation d’un mélange pour le pisé à partir des terres d’excavation; le montage de la façade avec le remplissage non porteur en chanvre banché, via la fixation des banchages rampants aux montants en bois de l’ossature ; et, enfin, la réutilisation de la terre sous forme de pisé et de briques de terre compressée.

Et si certaines inquiétudes ont été émises au sujet des grandes surfaces vitrées de l’espace interstitiel, il n’en reste pas moins que la matérialité du projet a été largement appréciée, tant du point de vue de l’atmosphère que du développement durable. Elle aura belle allure, cette petite maison bâtie par la population, courageusement campée en vitrine. Mais ce projet peut-il à lui seul servir de compensation face à l’énergie grise  employée pour les autres constructions du PPA1? Ou n’est-il qu’un symbole, un arbre (en terre) qui cache la forêt (en béton) de l’«écoquartier» qui s’achève?

 

Note

 

1. 308 hab+empl/Ha selon le site densité.ch, alors qu’à titre de comparaison le Flon possède une densité humaine brute (DHB) de 153 hab+empl/Ha.

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