La nou­vel­le en­trée de la HEIG-VD à Yver­don-les-Bains par A&F ar­chi­tec­tes

La Haute école d’Ingénierie et de Gestion d’Yverdon-les-Bains renouvelle son image. Conçu par les architectes Aouabed & Figuccio architectes, ce projet d’identité visuelle conjugue dans l’architecture d’un seul mur en béton tous les principes d’une opération contemporaine d’animation artistique et d’espace public.

Publikationsdatum
09-10-2019

Conçue dans les années 1970 par l’architecte zurichois Claude Paillard, la Haute école d’Ingénierie et de Gestion du site de Cheseaux-Noréaz à Yverdon-les-Bains a longtemps bénéficié d’une identité visuelle dérivée de son architecture rationnelle. Composée d’une série de modules en béton préfabriqué, l’école est disposée en escalier et entièrement orientée au nord-ouest pour profiter de la pente et des vues sur le lac. Une implantation en faveur du paysage mais aussi une réponse directe à la réalité urbaine de l’époque. Sa position et son orientation cherchait à protéger le bâtiment des nuisances visuelles et sonores d’une infrastructure routière planifiée en bordure du périmètre mais dont le tracé d'origine ne verra finalement pas le jour : l’autoroute A1.

Fruit du succès des Hautes écoles Spécialisées (HES) et du besoin de nouveaux locaux, une extension du centre scolaire voit le jour en 2009. Cet agrandissement propose un prolongement des principes constructifs et volumétriques du bâtiment original. Son caractère cartésien et son implantation « mono-orientée » sont renforcés, ce qui pérennise l’expression introvertie, voire hermétique du bâtiment, notamment depuis son versant sud-oriental.

Révéler l’exception du bâtiment pour en faire sa nouvelle identité

En profitant des travaux de rénovation et d’assainissement énergétiques du bâtiment, lauréat du prix béton 19811, la direction de la HEIG-VD lance en 2013 un concours d’animation artistique destinée à requalifier les abords et à créer une nouvelle entrée principale pour l’ensemble du campus. La mission était de revaloriser l’image de la Haute École et de permettre une identification visuelle claire de son entrée.

Imaginé par les architectes Aouabed & Figuccio architectes en collaboration avec l’artiste parisienne Delphine Renault, le projet retenu profite de la seule exception morphologique du bâtiment, le volume semi-cylindrique de l’aula, pour prolonger sa géométrie circulaire et compléter son empreinte. Une seule ligne suffit aux architectes pour configurer un nouvel accès principal et rééquilibrer l’espace urbain du complexe scolaire. La nouvelle façade courbée est conçue comme une interface entre la ville et l’école existante. Au passage, elle révèle l’anomalie organique qui se trouve au sein de la structure rationnelle et modulaire originale pour générer naturellement la nouvelle identité contemporaine de l’institution de formation professionnelle vaudoise.

Une architecture-signalétique génératrice d’espace

Loin de tout formalisme, cette courbe en béton n’a rien d’aléatoire. Le mur se dessine dans le prolongement des proportions physiques de l’auditorium, dans un rayon de 15.70 m et une hauteur de 8.88 m, et profite d’une simple translation géométrique pour générer une nouvelle spatialité à ciel ouvert.

Plutôt que de se contenter d’un projet de signalétique « autoroutière », les architectes profitent de cette opération cosmétique pour revitaliser toute la dynamique des espaces extérieurs. Les différents flux d’accès au bâtiment sont canalisés dans ce lieu de rencontre, qui, d’une part, permet à l’aula de se doter d’un foyer extérieur adjacent, et, d’autre part, propose aux différents usagers de partager un même espace d’accueil. Collatéralement, l’ensemble de l’école bénéficie d’une agora à l’air libre au sein de laquelle tous types d’activités peuvent émerger.

Le projet d’image visuelle prend une dimension spatiale en proposant une aire d’expérimentation ouverte qui permet de rendre visible à l’extérieur l’une des principales activités de la HES : les unités de recherche appliquée et développement (Ra&D).

Une carte de visite à l’échelle territoriale

Contrairement au corps principal du bâtiment et son extension récente réalisés en béton préfabriqué, cette nouvelle paroi courbe est bétonnée sur place. Ici aussi, le choix n’est pas capricieux. Il prolonge l’exception de l’aula qui outre sa morphologie particulière propose une matérialité différenciée. À nouveau, l’exception vient contrebalancer la rationalité dominante du projet d’origine et renforcer sa nouvelle identité.

L’enveloppe minérale en béton, conçue sous l’expertise des ingénieurs Muttoni et Fernández, est composée d’une série de « pavés » carrés en béton enchâssés en bas-relief. De manière à ce que l’institution puisse projeter explicitement ses sigles en façade, des plaques de verre sont habilement disposées et encastrées dans les caissons en béton. Cette nouvelle enveloppe devient la carte de visite de la Haute École à l’échelle du territoire. Aussi, sans avoir à modifier la partie structurelle du mur-écran, la solution constructive adoptée par les concepteurs permet à la HEIG-VD de modifier et remplacer son acronyme si l’évolution de l’institution le requiert. Une transformation plutôt fréquente compte tenu des changements et regroupements actuels des Hautes Écoles.

Une opération d’acuponcture artistique de l’espace urbain

Pour renforcer le caractère géométrique de la proposition, une opération artistique vient compléter la promenade urbaine du projet. Dans le carré de la porte d’entrée du portique vient s’inscrire un disque bleu concentrique et coplanaire. Issu d’une perspective anamorphique, ce point de vue projette les passants dans une réalité bidimensionnelle et frontale où l’observateur se retrouve sans s’en apercevoir dans une allégorie de « l’Homme de Vitruve ». L’homme, le cercle et le carré sont la dernière composition géométrique de cette excursion artistique pour accéder au bâtiment.

> Article en lien: Résultats du concours d'animation artistique de la HEIG-VD

Si dans son plan AGGLO-Y, la ville d’Yverdon-les-Bains désigne la route de Cheseaux à l’est du site comme une nouvelle entrée dans la ville, le premier mur édifié par ce jeune bureau d’architecture se porte témoin de cette volonté territoriale. Non seulement la nouvelle entrée de la HEIG-VD est un modèle d’architecture-signalétique identitaire pour toute la région, mais il démontre qu’aujourd’hui le réaménagement de l’espace urbain peut se développer grâce à des opérations d’acuponcture artistique de ce type. Des interventions ponctuelles qui peuvent se montrer révélatrices des caractéristiques et des particularités physiques d’un fragment de patrimoine.

Cette action architecturale nous oblige à reconnaitre qu’au-delà de la jouissance superficielle d’une nouvelle image, A&F architectes ont œuvré pour qu’un simple trait structurel puisse redonner, après quarante ans d’activité, une nouvelle expérience spatiale à la dynamique extérieure d’un centre académique en pleine effervescence.

INFORMATION DU PROJET

A&F ARCHITECTES

A&F architectes est une agence d'architecture et d'urbanisme créée en 2018 à Genève par Mehdi AOUABED (1980) et Alberto FIGUCCIO (1981) pour prolonger et consolider l’activité de l’agence Fil Rouge Architecture qu’ils ont créée en 2010. Tous deux se sont rencontrés lors de leurs études à l’Académie d’Architecture de Mendrisio au Tessin. Lauréats à deux reprises du concours Europan Suisse, ils travaillent sur des plans d'éco-quartiers dans différentes villes des cantons de Vaud, Valais et Tessin, ainsi que sur des constructions de bâtiments publics et privés en Suisse et en France voisine, fruits d’une reconnaissance lors de leurs participations à de nombreux concours.