Le point sur la mi­se en con­cur­rence pour le choix d'un presta­tai­re: le choix d'u­ne si­gna­tu­re

Lorsque les projets n’ont pas l’envergure nécessaire pour un concours et sont trop exigeants pour un appel d’offres, les maîtres de l’ouvrage publics ont recours à la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire. Précisions apportées par Ursula Müller de l’Office des bâtiments de la ville de Zurich et David Vogt de l’Office des constructions du canton de Zurich.

Publikationsdatum
01-09-2016
Revision
01-09-2016

Pourquoi la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire?
David Vogt : Nous octroyons un grand nombre de mandats chaque année. Le choix de la procédure est fonction des caractéristiques de la mission. Nous nous basons sur trois types de procédures éprouvées: le concours de projets, central à nos yeux, les appels d’offres classiques, et la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire, que nous envisageons comme une articulation entre les deux autres procédures. Je tiens à souligner que cette forme de mise en concurrence ne constitue pas une version au rabais du concours de projets, mais bien une version plus élaborée de l’appel d’offres conventionnel.

Ursula Müller : Nous utilisons la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire depuis 15 ans, en ayant également à l’esprit de perfectionner l’appel d’offres. Nous invitons les bureaux à ébaucher une solution pour une composante représentative du projet. Nous disposons ainsi d’éléments de qualité pour une prise de décision fondée. Cette procédure se prête très bien aux mandats portant sur des bâtiments existants, qui laissent moins de marge de créativité que les nouvelles constructions. 

En quoi cette forme de mise en concurrence se distingue-t-elle de l’appel d’offres de prestations?
Vogt : Dans le cadre d’une mise en concurrence pour le choix d’un prestataire, des propositions concrètes nous sont soumises. Cela ne signifie pas pour autant que nous achetons un projet à bas prix. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir si les termes du mandat ont été compris et comment les travaux sur le bâtiment existant sont envisagés. 

Müller : Nous avons recours à l’appel d’offres lorsque l’amplitude créative est restreinte. Lorsque la marge de manœuvre est un peu plus grande et que le projet porte sur un bâtiment existant, nous préférons la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire – la procédure que nous employons le plus couramment. La qualité d’une prestation s’évalue plus efficacement sur la base d’esquisses concernant un ouvrage concret que sur la base de simples références. 

Quelle est la valeur ajoutée de cette procédure par rapport à l’appel d’offres assorti de références? 
Vogt : Lorsque nous lançons une mise en concurrence pour le choix d’un prestataire, nous voulons savoir comment le concepteur entend aborder concrètement le projet. Pour construire une médiathèque dans une école, le concours de projets me semble excessif. Il n’en reste pas moins que le projet peut s’envisager suivant tout un éventail d’approches techniques et architecturales. Les seules références ne sauraient me renseigner sur le respect accordé à l’existant, ni sur la manière dont le projet est appréhendé. En revanche, lorsque les composantes du projet sont principalement d’ordre technique nous optons pour un appel d’offres. 

Il s’agit donc d’une procédure fortement axée sur le projet? 
Müller: Oui – avec la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire, c’est la griffe des concepteurs que nous voulons découvrir, la manière dont ils pensent le projet sur le plan conceptuel. Par ces esquisses que nous soumettent les concepteurs, nous en apprenons beaucoup sur la manière dont ils entendent intervenir sur le bâtiment. Dans la phase de préqualification, nous nous appuyons sur les portfolios d’architectes afin de sélectionner les cinq candidats qui nous paraîtront les plus adaptés et prometteurs sur la base de leurs projets, qu’ils soient réalisés ou non. 

La procédure présente-t-elle -également des inconvénients?
Müller : Nous n’en voyons pas. Dans le pire des cas, cela pourrait mener à un certain rétrécissement de la sélection, dans la mesure où l’évaluation de l’aptitude repose dans un premier temps sur des références. Nous évitons cela en laissant de la marge. Nous attendons que les références présentent une complexité similaire à celle du projet de construction, mais pas nécessairement qu’elles soient du même type – si j’en reviens à notre exemple, les écoles. Cela nous permet de déterminer l’aptitude des concepteurs avec justesse. 

Vogt: Je ne vois pas d’inconvénients, je parlerais plutôt de défis. Je pense par exemple au fait que nous assurons la transparence aux concepteurs. Un architecte externe siège toujours à notre comité de sélection, c’est à la fois une garantie et un signal que nous envoyons à l’extérieur: il n’y a pas d’arrangements en interne au sein de notre administration. Nous n’hésitons pas à inviter des profils critiques. Ces architectes externes se montrent toujours impressionnés par l’ouverture et le professionnalisme des processus. Il nous tient à cœur que ces jurés indépendants apportent leurs compétences sur le sujet. Le rapport sur la procédure revêt également une grande importance à nos yeux. Cela représente certes du travail, c’est un défi, une tâche supplémentaire, mais non un inconvénient.

Müller : Pour l’évaluation, nous constituons un comité interne, composé de personnes en charge du développement et de la réalisation du projet, ainsi que des mandants internes et, le cas échéant, de représentants de la conservation du patrimoine. Nous allons en outre introduire l’établissement systématique d’un rapport, car cela souligne la transparence. Jusqu’à présent, nous avons rassemblé les contributions pour en faire une petite exposition. 

Comment lance-t-on une mise en concurrence pour le choix d’un prestataire? 
Müller: La charge de travail ne doit pas être trop élevée pour les soumissionnaires. Le principal défi consiste à dégager une problématique claire et représentative à laquelle il s’agit de fournir une réponse à la fois sur le plan conceptuel et architectural. Nous tenons à ce que le projet puisse être présenté de manière concise et tienne sur deux pages A3. 

Quel a été l’écho de la part des concepteurs? 
Müller: Positif dans l’ensemble, la procédure et nos décisions sont accueillies favorablement. Seule la manière dont la décision du comité est communiquée a fait l’objet de quelques critiques. Avec le nouveau rapport, nous comptons remédier à ce point.

Vogt: Les retours sont très bons. Nous offrons aux candidats non retenus la possibilité d’en savoir plus sur les motifs du refus dans le cadre d’un entretien. Jusqu’à présent, tous les concepteurs ont pu comprendre en quoi notre décision était justifiée. Cette transparence est fort appréciée. 

Que répondez-vous aux voix critiques qui accusent la mise en concurrence pour le choix d’un prestataire d’être avant tout un moyen d’économie?
Vogt : Je n’ai jamais été confronté à cette critique. Il me paraît évident que la qualité est au cœur de nos préoccupations, nous n’essayons pas d’obtenir des prestations gratuites de manière détournée.

Müller: Ces reproches me laissent perplexe. Ce qui nous intéresse, c’est l’adéquation entre projet et procédure. Plus la composante créative du projet est importante, plus nous tendons vers le concours de projets. Rétrospectivement, le seul projet pour lequel une autre procédure aurait été plus adaptée est la réfection du Kongresshaus (palais des congrès) et de la Tonhalle (salle de concert) de Zurich. En effet, à la base, nous étions partis du principe qu’il s’agirait principalement d’une remise à niveau technique et d’un réaménagement du foyer. C’est pourquoi nous avions à l’époque opté pour la mise en concurrence en vue du choix d’un prestataire. Plus tard, il est apparu que l’envergure du projet aurait pleinement justifié un concours de projets. 

La mise en concurrence pour le choix d’un prestataire constitue-t-elle également une bonne option pour les administrations moins expérimentées?
Müller: C’est une procédure qui a le mérite d’être à la fois facile à comprendre et à mettre en œuvre. Je leur conseillerais toutefois d’en confier l’exécution à des conseillers externes.

Souhaiteriez-vous que la SIA édicte un règlement pour encadrer la procédure?
Müller: Cela n’est pas nécessaire, l’Ordonnance cantonale sur les soumissions du canton de Zurich est suffisante. En outre, nous sommes constamment en dialogue avec d’autres commanditaires publics et disposons du savoir-faire nécessaire. Pour les plus petites communes, moins rompues à l’exercice, un guide ou une directive pragmatique et facile à appliquer pourrait être une bonne chose.

Vogt: La procédure est décrite dans notre directive interne dédiée à l’octroi de mandats d’études. Je serais toutefois très favorable à une telle initiative. La SIA devrait soutenir cette procédure et définir des règles du jeu, comme elle le fait pour les concours. Il serait intéressant que nous – la ville, le canton et d’autres acteurs – puissions collaborer avec la SIA afin de développer des principes pour encadrer la procédure. 

Pourquoi la ville ne dédommage-t-elle pas les participants?
Müller: La mise en concurrence pour le choix d’un prestataire doit être clairement différenciée de la procédure de concours, il ne s’agit pas d’un «concours light». Nous fixons délibérément des limites étroites aux concepteurs : nous voulons les évaluer sur leur manière d’interpréter le projet, et ce uniquement sur la base de deux pages A3. Contrairement à ce qui est fait pour un concours, nous ne leur demandons pas de présenter un projet dans son intégralité. En conséquence, il n’y a pas de dédommagement.

David Vogt est architecte EPF SIA et a exercé comme architecte indépendant pendant 16 ans à Zurich. Il est membre de la direction de l’Office des constructions du canton de Zurich depuis 2009. En cette qualité, il a entre autres contribué au développement de la procédure de mise en concurrence pour le choix d’un prestataire. 

Ursula Müller est architecte EPF SIA. Elle a travaillé pendant sept ans en tant qu’architecte, entre autres chez Herzog & de Meuron et dans l’enseignement (chaire de Marques & Zurkirchen, ETH Zurich) avant de rejoindre, en 2001, l’Office des bâtiments de la ville de Zurich. Elle y est membre de la direction et responsable du développement de projets depuis 2007.

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