Place à la thé­o­rie

Editorial TRACÉS 15-16/2015

Publikationsdatum
19-08-2015
Revision
10-11-2015

La tendance qui consiste à écarter les textes longs ou trop théoriques des revues d’architecture relève de la doxa : la dictature de l’opinion. Elle s’appuie sur une supposée incapacité des lecteurs à se concentrer sur des textes exigeants, leur préférant des flux quotidiens de dépêches courtes et d’images stimulantes : au texte théorique critique se substitue progressivement un nouveau régime de l’information qui présuppose, à tort, qu’à chaque instant quelque chose se passe et qui finit, faute d’actualités chaudes et palpitantes, à ne produire que de la glose autour de ceux qui gesticulent.

A ce paysage médiatique de plus en plus contraignant et auquel TRACÉS n’échappe pas, nous choisissons de répondre par deux textes théoriques de grande pertinence. Une lettre de Yona Friedman adressée à son biographe Manuel Orazi à l’occasion de la sortie du catalogue qui lui est consacré chez Park Books et Archizoom, et un article sur Cedric Price de Pier Vittorio Aureli, enseignant à la London School of Architecture.

Le texte de Friedman éclaire de façon inattendue le sens de la radicalité architecturale. Sur ce point, il fait écho au texte de Pier Vittorio Aureli que nous publions avec l’aimable accord de son auteur, de son éditeur, la revue anglophone Log, et surtout d’Olivier Peyricot, qui l’a édité pour la première fois en langue française pour le compte de la Cité du design de Saint-Etienne. 

De quoi s’agit-il ? Rien de moins que de revenir sur un important projet architectural radical des années 1960 : l’indépassable Potteries Thinkbelt de Cedric Price. Le texte d’Aureli prend le temps de relire et d’éclairer un objet que nous avons trop uniment appris à considérer comme un grand moment d’ouverture et de libéralisation de la réflexion architecturale. Aureli ose confronter cette perception tapissée de bonnes intentions avec la situation actuelle de l’enseignement supérieur en prise avec le dogme néolibéral des vingt dernières années. 

Par quel retournement paradoxal le geste mobilisateur de Price en est-il venu à incarner rétrospectivement la conversion de l’université à l’économie de marché ? C’est un peu le fil rouge de ce texte que nous publions aujourd’hui. Cela non par esprit de contradiction, mais tout simplement pour tenter d’aller au-delà de l’encensement canonique et inhibant des avant-gardes des années 1960. 

Quant à TRACÉS, le principe de textes théoriques longs y sera reconduit. Deux ou trois fois par an, nous prendrons le temps et la place qu’il faut pour laisser se déployer des propos critiques exigeants. Pour terminer, nous souhaitons remercier, outre les contributeurs déjà cités, le CCA de Montréal qui nous a fourni gracieusement les illustrations qui accompagnent le texte sur Cedric Price.

Bonne lecture.

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