Le be­ur­re, l’ar­gent du be­ur­re et le souri­re de Nest­lé

Editorial paru dans Tracés n°09/2014

Publikationsdatum
27-05-2014
Revision
10-11-2015

La récente polémique sur le droit de regard de Nestlé sur le recrutement des enseignants aux deux chaires qu’elle cofinance est loin d’être terminée. Aux préoccupations légitimes des journalistes qui se demandaient si de tels partenariats ne porteraient pas atteinte à l’indépendance de la recherche à l’EPFL viennent s’ajouter des histoires de conflits, des rumeurs de plagiat, jusqu’à l’hypothèse qui fait trembler l’édifice : l’insatisfaction du client !

Le géant de l’agroalimentaire, las des querelles académiques, peinerait à distinguer le retour sur investissement. Les sommes dépensées n’auraient d’autre fonction que de consolider des positions académiques et d’entretenir des rivalités internes à l’EPFL.

Au lieu de tenter une ultime pirouette pour calmer les inquiétudes des actionnaires, ne serait-il pas préférable de reposer la question du bien-fondé de la stratégie suivie ? La logique entrepreneuriale est-elle vraiment compatible avec celle d’une école polytechnique ? Pourquoi devrait-on soumettre la recherche académique aux attentes du monde des affaires ?

Les conflits entre enseignants, contre-productifs dans une logique de gain immédiat, font partie de la polyphonie et du pluralisme qui garantissent la pertinence du projet académique dans son ensemble. 

Donc oui, l’EPFL est un mauvais investissement ; mais heureusement pour elle !

Est-ce le travail d’une entreprise générale d’enseigner la statique aux ingénieurs, d’un géant des télécommunications de piloter la recherche sur la nocivité des ondes ? Est-ce l’industrie pharmaceutique qui doit déterminer les priorités en matière de recherche médicale ? 

Certes non. Le monde de l’entreprise à des impératifs qui ne correspondent pas à ceux de la recherche académique. Au regard de ce constat, il serait bon de soupeser ce que l’école y gagne, et ce qu’elle y risque, à savoir sa crédibilité. 

L’université est née dans un élan d’autonomisation du savoir. Le développement de partenariats se fait précisément au nom de cette autonomie. Or la divergence d’intérêts entre l’entreprise et l’académie produit l’effet inverse et menace cette indépendance fondamentale. Les inquiétudes et autres rumeurs qui émergent ici ne sont que le symptôme de cette incompatibilité.

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