ISS : cen­tre cul­tu­rel !

Ici est ailleurs

Eugène en orbite

Data di pubblicazione
20-10-2015
Revision
23-12-2015

Cent dix mètres de longueur, 74 de largeur et 30 de hauteur. Sans compter les panneaux solaires d’une superficie de 2500 m2. Cette structure de 400 tonnes est peut-être juste au-dessus de votre tête, au moment où vous lisez ces lignes. Je veux parler de la Station spatiale internationale (ISS), bien sûr. 

Ce fameux « plus grand objet artificiel placé en orbite terrestre » n’arrive pas à faire parler de lui. Jour après jour, les sept milliards de Terriens l’ignorent superbement.

Mais il y a du nouveau.

Cette année, une photo prise à l’intérieur de la station spatiale a été partagée des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. Qu’y voit-on ? Une mosaïque grande comme la main montrant un monstre de l’espace de couleur rouge. A travers le hublot, la planète bleue. Il s’agit d’une œuvre de Invader, l’un des rois du street art. L’artiste français a réalisé son rêve : envoyer un de ses « aliens » dans l’espace.

Depuis la fin du siècle dernier, Invader fixe ses petites mosaïques à New York, Tokyo, Paris ou… Lausanne. Son sujet de prédilection : les monstres échappés du vieux jeu vidéo Space Invader (1978), grand succès de la console Atari. Le traitement de l’image sous forme de mosaïque rend hommage au faible niveau de pixels des jeux Atari de l’époque. Année après année, Invader a envahi les interstices de nos rues : sous les ponts, au sommet d’un mur, au bord d’un toit. Fier et obsessionnel, Invader a publié des guides richement illustrés, notamment L’invasion de Paris 2.0, répertoriant ses 500 nouvelles interventions. 

Après de longues discussions avec l’European Space Agency, une mosaïque a été embarquée à bord de la fusée Ariane 5 qui ravitaillait l’ISS, en juillet 2014. La mosaïque a flotté pendant plusieurs mois en apesanteur, jusqu’au 12 mars 2015, lorsque la spationaute italienne Samantha Cristoforetti a posé un point de colle. Invader est désormais le premier artiste exposé au mur de l’ISS. « Je suis passé du street art au space art », résume l’artiste dans une interview du Télérama

Mais en matière d’art dans l’espace, Invader arrive à peine à la cheville de Chris Hadfield. En mai 2013, l’astronaute canadien, capitaine de l’ISS pendant six mois, a tourné le premier vidéo clip du cosmos ! Profitant de la présence d’une guitare à bord de la station spatiale, l’astronaute a repris Space Oddity de David Bowie. Et en plus, il chante juste.

A l’origine, la chanson fut diffusée en juillet 1969, quelques jours avant que l’homme ne marche sur la Lune. Posté sur YouTube, le clip a été vu plus de 25 millions de fois. C’est sans aucun doute une merveille : premier film de science-fiction réalisé… sans le moindre trucage ! Le chanteur flotte réellement en apesanteur ; les continents plongés dans une nuit trouée par le scintillement des mégapoles ne sont pas des images de synthèse. Et il y a un plan proprement génial. La guitare vole le long d’un corridor. Tout à coup, Chris Hadfield s’élance à sa poursuite, en apesanteur. Il la saisit, puis, d’une pichenette de ses talons contre une paroi, il change de direction et disparaît dans un autre module.

De la pop britannique des sixties, du street art : l’ISS est en train de se transformer en centre culturel. C’est la meilleure chose qui pouvait arriver à cette canette géante.

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