Mon­des ara­bes

Editorial du numéro 21/2019

Data di pubblicazione
07-11-2019

Derrière l’appellation générique «monde arabe» se cachent souvent des représentations tranchées, inexactes. En passant en revue les textes qui ont été publiés ces dernières années sur la question, l’aspect patrimonial semble se tailler la part du lion. Chez beaucoup d’historiens de l’architecture, les biais orientalistes ont la vie dure. Trop souvent, architecture et ville arabes se résument à la maison à patio et à la médina. Cela fait pourtant bien un siècle que l’immense majorité des populations de Rabat, de Tunis et du Caire ne vit plus dans ces modèles caducs.

Depuis les «printemps arabes», une autre perception a émergé. Les sociologues de l’urbain y ont vu le retour de l’espace public comme lieu d’expression des luttes politiques. Les scènes aux parfums de révolte et de liesse populaire sur la place Tahrir ou encore aujourd’hui à Beyrouth inondent les médias. Les revues d’architectures ont repris ces thèmes. Mais il ne faut pas oublier que l’espace public est le théâtre des luttes palestiniennes depuis bien longtemps.

Aux côtés de cet Orient tantôt fantasmé, tantôt craint, pour beaucoup d’architectes, les villes des pays du Golfe fonctionnent comme des anti-modèles immoraux. Alors qu’en Occident, la décroissance est au goût du jour, l’artifice et la démesure de Dubaï ou d’Abou Dhabi choquent. Or, ces villes ne font pas exception, elles poursuivent et amplifient la compétition que se livraient hier les métropoles d’Europe et d’Amérique du Nord et que se livrent aujourd’hui celles d’Asie et d’Afrique.

Ces représentations paradoxales souffrent, chacune à leur manière, d’essentialisation. À force de chercher des similitudes là où il n’y en a pas, elles en oublient que le monde arabe n’est pas unitaire. Même si les grands enjeux métropolitains contemporains ont tendance à faire abstraction des identités locales, dans le monde arabe, comme ailleurs, les climats, les géographies, les populations, les religions et les cultures changent. L’architecture et les villes aussi.

C’est précisément la tâche que l’on s’est donnée dans ce numéro: parler des villes et d’architecture dans le monde arabe, sans forcément chercher à faire unité. Les résultats du Prix Aga Khan d’Architecture démontrent cette variété. Noura Al Sayeh, directrice du projet Pearling Path  nous fait visiter une petite île à Bahreïn qui devient une destination prisée pour toute une génération de jeunes architectes. En compagnie de l’enseignant Hicham Bou Akl et du photographe Marco Pinarelli, nous visitons l’agglomération de Beyrouth. La précieuse Muharraq contraste avec la chaotique capitale libanaise. Elles reflètent toutes deux des réalités bien différentes. Il n’y a pas un monde mais des mondes arabes.

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