La di­men­sion acou­sti­que dans l’en­sei­gne­ment du pay­sa­ge

Propos recueillis par Marc Frochaux

Laboratoire permettant de simuler des paysages, l’AudioVisual Lab vient d’être inauguré à l’EPFZ. Le dispositif permet de reproduire avec précision des environnements visuels et sonores.

Data di pubblicazione
18-01-2017
Revision
23-01-2017
Christophe Girot
Professore ordinario di Architettura del paesaggio e capo del dipartimento d’Architettura ETH

Tracés: Comment en êtes-vous venus à réaliser un laboratoire permettant de simuler des paysages?
Christophe Girot : Nous travaillons depuis longtemps avec l’image et le son, à travers la vidéo. Beaucoup sont passés par là. Lors d’un séminaire, un étudiant avait mis une musique de dingue, genre techno, pour accompagner un road trip de Zurich à Bâle… Ce film a impressionné tout le monde, évidemment, mais c’était contraire à nos attentes. Nous avons alors décidé de forcer les étudiants à capter les sons qui correspondent réellement au lieu, plutôt que de plaquer un son sur l’expérience du vécu. La voiture qui fonce sur Bâle, c’est l’exemple même du microcosme, de la bulle détachée du monde qui en dit long sur notre époque…
Jusqu’à aujourd’hui, nous avons fait beaucoup d’expériences avec la vidéo. Récemment, nous avons filmé la Bürkliplatz, sans le son. Le film montre le lac, les cygnes, les Alpes, en silence. Puis, à mesure que la caméra monte, on augmente le volume ambiant et là, on entend ce capharnaüm absolument infernal du trafic sur le pont de Bellevue. Cela crée un choc chez le spectateur qui s’attend à autre chose.

Nadine Schütz: En 2010, nous avons réalisé Camera Obscura Auditiva. Cette installation était un pas vers une conception plus directe de l’espace, un vis-à-vis plus prononcé entre image et son. Nous avions déjà travaillé avec des casques audio, mais il y a certaines limites, les paysages ne peuvent pas être décrits uniquement avec des médiums visuels ou linguistiques. Pour sensibiliser les étudiants, il faut pouvoir expérimenter les paysages avec le son.
L’AudioVisual Lab résulte en partie de mes recherches sur la dimension acoustique du paysage. Le paysage et l’espace architectural sont une expérience partagée. Il était donc très important de créer un espace où les gens peuvent vivre ensemble une expérience paysagère, en bougeant, et non pas avec un casque audio. Ensuite, ce laboratoire permet de travailler de manière directe le son dans l’espace : sentir son mouvement, sa profondeur, les fréquences, l’espace spectral, les stratifications, etc. Ma recherche doctorale m’a permis d’appréhender ce qu’est cette « spatialité du son » et de contribuer à redéfinir une sémantique contemporaine pour la cultiver. Donc, pour moi, ce laboratoire permet de créer les liens entre ces différents modes sensoriels qui constituent l’expérience du paysage.

L’AudioVisual Lab poursuit-il le mouvement des Sound Studies initié dans les années 1960?
CG : L’architecture aurale a une très longue tradition! Chez les Grecs, on choisissait un lieu en fonction des résonances… Et, encore aujourd’hui, dans le Toggenburg, des paysans prient et chantent dans la montagne en recherchant l’écho... Nous avons réalisé qu’il n’y avait plus de littérature sur la question, qu’il y avait une sorte de hiatus entre l’intérêt porté au son autrefois et l’absence même d’un codex, d’une matière sur laquelle on puisse s’appuyer. A l’exception du Soundscape, qui avait été écrit par des hippies canadiens au début des années 1970, il n’y avait pratiquement rien sur le sujet ! En revanche, on trouvait toute une littérature sur le problème du bruit. Le son était devenu un problème, mais il n’y avait plus aucune réflexion sur ses qualités… Ça nous a frappé. On s’est dit que c’était là un point de départ : pourquoi cette séparation ? Pourquoi est-on entré dans un mode exclusivement visuel, en séparant le reste ?

NS: Le mouvement Soundscape s’est établi dans les années 1960 au sein d’une mouvance écologique qui trouve en partie ses bases dans l’ouvrage de Rachel Carson, Silent Spring (1962). A cette époque, des activistes écrivaient à leur mairie pour protester parce qu’ils n’entendaient plus les oiseaux… C’est donc le rôle émotionnel du son qui a servi de ciment entre les gens et leur environnement. Ce mouvement-là a généré, d’une part, une sensibilisation populaire et, d’autre part, des installations artistiques in situ. Mais il n’a pas eu d’impact sur la conception paysagère. Il y avait donc une grande différence entre réalité pratique et considérations théoriques.
Nous nous sommes demandé pourquoi cette situation a persisté jusqu’à aujourd’hui. Nous avons également travaillé sur la manière de partager une expérience dans le laboratoire, pour que le paysage ne reste pas une expérience individuelle, liée à un jugement personnel, afin que l’on prenne ensemble nos responsabilités envers l’environnement sonore.
On ne peut pas seulement se plaindre qu’on n’entend plus les oiseaux, ou que le bruit des voitures domine Bürkliplatz… Nous devons élaborer des pratiques paysagères qui permettent d’inclure ces aspects comme des éléments inhérents au paysage. C’est pour cela que nous ne parlons pas vraiment du Soundscape, cette notion théorique qui suggère quelque chose de différent du paysage visuel. Au contraire, nous cherchons à comprendre le son comme élément inhérent à la conception et l’expérience du paysage, comprendre le son comme un élément que l’on peut façonner dans l’espace, comme un élément d’architecture.

CG: Le Soundscape, avec sa nostalgie un peu écologique d’un monde perdu, ne s’applique plus. Un de nos étudiants avait filmé le bois au-dessus de Kloten, une forêt très sombre. Il n’y avait pas de son d’oiseau à l’intérieur, peut-être un rare corbeau, et évidemment les avions… L’étudiant s’est amusé à y coller les sons de la jungle amazonienne, avec des chants d’oiseaux absolument phénoménaux. Cet effet a complètement altéré la perception de cette forêt ; cela a éveillé quelquechose d’ancien en nous, une sorte de sensibilité, une réactivité par rapport à une nature qui est en partie effacée maintenant.

Comment comptez-vous introduire la dimension sonore dans la pratique du paysage?
CG: Il n’est pas question d’installer des haut-parleurs dans la forêt avec des sons de toucans, évidemment, mais de se demander ce qu’on fait avec le réel, avec ce qui nous reste. C’est là que le démarrage est en partie difficile ! Il faut d’abord se convaincre qu’il y a un projet. Toutes les astuces acoustiques avec la topographie et les éléments architecturaux provoquent toujours cette même discussion : est-ce que l’on remplace tout par des haut-parleurs ou est-ce qu’au contraire on module le terrain pour isoler phoniquement certains endroits ? Moi, je suis partisan de la modulation topographique. Je pense par exemple au mémorial de l’Holocauste à Berlin. Dans le mémorial, ce qui m’a interpelé, ce n’est pas tellement le visuel, le physique, c’est l’acoustique. Quand on se trouve dans ce labyrinthe, les blocs de granit forment une telle masse qu’il suffit de tourner à un angle pour ne plus entendre les sirènes de police et les klaxons. Puis, on arrive au prochain croisement et le son s’enfile à nouveau. C’est comme un tissage de sons.
Nous démarrons un travail avec Gramazio+Kohler sur de possibles solutions pour remplacer les murs anti-bruit. Je ne sais pas qui a obtenu le contrat perpétuel sur les murs des CFF, mais ce qu’ils font est parfaitement scandaleux. Il y a trois manières de travailler dans le domaine acoustique : soit absorber, soit réfléchir, soit casser, diffracter. On aurait pu travailler, par exemple avec les CFF, sur la diffraction, et sur une modulation du son ambiant incorporant les trains… Tout ça pour dire: on devrait être beaucoup plus actif dans ce domaine-là pour expérimenter et faire des propositions qui soient aussi économiques que d’autres, mais qui proposent une approche complètement différente. Ce qui me choque, c’est qu’on est en train d’enfermer tout le paysage ferroviaire dans un corridor, où l’on ne voit plus rien. C’est un peu empressé comme décision. Il n’y a pas eu de concours, de mandats, pas de réflexion d’ensemble sur le sujet.

NS: Sur le parvis du Tribunal de Paris, nous essayons de travailler avec un avant-plan et un arrière-plan, d’utiliser des effets un peu plus souples, de nature psycho-acoustique. C’est une application au monde sonore d’une théorie de la Gestalt : il s’agit d’exploiter la perception du son et pas seulement ses propriétés physiques. Nous travaillons sur un niveau qui inclut notre sensibilité, notre propre capacité à distinguer et donc à choisir ce que nous écoutons. Il s’agit d’offrir des expériences sonores qui changent la perception d’un son de manière relative. Aujourd’hui, on ne travaille que de manière binaire : son ou silence. C’est un absolu. Ou alors, on va vers le tout-digital… Mais le paysage est quelque chose de plus souple !
Il est intéressant de comparer le mémorial de Berlin avec le %%gallerylink:21250:parc des Buttes-Chaumont%% à Paris, quand on évoque l’importance de la topographie. La relation sonore entre ville et paysage est orchestrée par la topographie. Il y a des réalisations historiques desquelles on peut apprendre. Dans ce parc, il n’y a pas seulement absence ou présence de son, il y a un travail sur les balances qui fait de l’expérience de ce parc une expérience bien localisée en ville, mais sans que les deux environnements sonores ne se concurrencent: il y a une graduation qui crée une différenciation des niveaux et des présences.

CG: Prenons le projet de parc à côté de l’aéroport de Schiphol, réalisé par le bureau de paysage néerlandais H+N+S : il ne s’agit pas d’annuler le son du décollage des avions, mais d’absorber les sons graves, par diffraction, de façon à rendre la présence sonore de la piste de décollage supportable pour les villageois situés à côté. Ce parc a permis une cohabitation. On pourrait même imaginer des parois qui laissent voir à travers un paysage, mais qui cassent le son, selon l’orientation. Un peu comme les fenêtres de Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp qui cadrent la lumière à différents angles selon les moments de la journée : le son le long des voies ferrées pourrait être ainsi « cadré » et diffusé par diffraction, il partirait dans différentes directions. Ce ne serait plus une onde de bruit, mais quelquechose de plus fragmenté et diffus. Il y a des recherches fondamentales à faire dans ce sens-là.

Focaliser sur le son, n’est-ce pas un peu réducteur?
NS: La séparation du son n’est pas le but ! Mais c’est un passage obligé… L’AudioVisual Lab est conçu pour intégrer les deux composantes que sont le son et l’image. Si l’on isole l’un de l’autre, on ressent ce qui nous manque et on comprend la complémentarité sensorielle qui construit l’expérience du paysage. Il y a bien sûr la question de la cohérence : un objet que l’on peut voir a toujours un son. Mais ce qui nous intéresse tout particulièrement, c’est de créer des espaces plus riches, plus divers, en maîtrisant cette complémentarité des sens.

CG: Quand on parle de paysage visuel, on part d’un cône : on n’arrive pas à se débarrasser d’un cadrage, d’une perspective, d’une vue albertienne ; mais jamais d’une vision panoramique à 360° ; cela n’existe pas. Or, ce qui est intéressant avec le son, c’est que celui-ci est toujours spatialisé à 360°. Quand un train s’approche de nous par derrière, on a beau ne pas le voir, on l’entend… La localisation est moins précise, mais il se forme une zone d’impression sonore. L’idée qu’il existe une conscience périphérique pour appréhender le monde remonte à des temps très anciens. Et la vision du monde en perspective vient bien après. On l’a vu avec des études de Levi-Strauss et en anthropologie : il y a différentes manières, différents mots, même, pour décrire l’espace-temps dans le monde.
Je pense que le boulot d’une école est de remettre en question certaines habitudes qui réduisent le son à un problème, un peu comme si on réduisait l’architecture à un plan et une perspective. Ici, on se met dans le milieu ambiant et on se demande ce qu’on en fait.

Comment fait-on un projet de paysage en prenant en compte l’acoustique?
NS: La dimension paysagère ne consiste pas à amener, de manière additive, quelque chose qui n’était pas là avant. Le point de départ est d’abord l’orchestration des éléments présents. Chaque élément que l’on ajoute sur un site change la perception de ce qui est déjà là, met en valeur ou en arrière-plan telle ou telle caractéristique. Donc, dans l’architecture du son, les échelles sont toujours inscrites les unes dans les autres… Voilà pourquoi la solution systématique de l’isolation sonore, appliquée à l’architecture, ne fonctionne pas : à l’extérieur, on ne peut pas changer d’espace de manière abrupte, comme quand on passe d’une pièce à l’autre. En paysage, on travaille de manière graduelle.
Ce que l’on peut faire, c’est bien choisir la végétation en relation avec l’habitat qui l’accompagne : des oiseaux, des insectes. Ceux-ci créent un avant-plan sonore qui relègue le bruit continu en arrière-plan… C’est ce qui est pratiqué dans le jardin japonais. C’est cela que j’appelle un travail relatif et non pas absolu.

CG: L’exemple du parc proche de l’aéroport montre qu’en modulant des terrains (ou en taillant dans la roche, en créant des espaces acoustiques, etc.), on redéfinit le métier du paysagiste. Bien sûr, les éléments du paysage, les arbres, les haies, absorbent et produisent du son, mais c’est surtout le modelé du terrain qui peut réellement être porteur de changements. Cela fait une différence fondamentale. Et on le sait depuis très longtemps ! Les mouvements de terre et les remblais forment les barrières sonores les plus effectives, bien plus fortes que les panneaux, les murs anti-bruits, etc. Aujourd’hui, l’approche anti-bruit en Suisse est basée sur des objets, alors qu’elle devrait être une approche basée sur le modelage du paysage.

Donc, avec du son, on peut créer de l’espace?
CG: Prenons %%gallerylink:21251:Paley Park%%, ce pocket park créé dans une impasse de Manhattan, avec une cascade. Il existe depuis les années 1960, c’est un havre de fraîcheur. La cascade crée une masse sonore écrasante. Là, on ne prend pas en compte l’environnement sonore, on crée une sorte de masque, une bulle – et ça marche très bien comme bulle. Donc, il ne faut pas être exclusif, là-dessus : toutes les approches sont bonnes.

NS: Cet exemple montre bien que la gestion du son n’est pas une question de décibels. A Paley Park, le niveau sonore, avec la chute d’eau, est bien plus élevé que dans la rue ! On s’en rend compte quand on y a passé un certain temps. Quand on sort, d’abord on n’entend presque rien, parce que nos oreilles s’adaptent au volume ambiant, donc elles réduisent leur sensibilité. Puis, peu à peu, les bruits singuliers se reconstituent… On distingue séparément ce qui, avant, formait un bruit environnant. Paley Park est idéal pour faire une démonstration de sémantique relative !

CG: Oui, il serait temps d’organiser un colloque pour faire la distinction entre « bruit » et « son ». La problématique du bruit, dans beaucoup de cas, c’est une névrose de banlieue, un sujet de dispute permanente. Notre responsabilité est d’éveiller les jeunes générations à un aspect qui a été laissé de côté.
Ce qui m’a le plus frappé, depuis la création de ce laboratoire, c’est la puissance émotive qu’il crée, quand la fusion du regard et de l’écoute s’opèrent. Dans certains cas, on arrive à des combinaisons insoupçonnées, qui modifient la conception du projet, mais également la manière dont il est perçu. Ça va probablement modifier la manière dont nous enseignons le paysage et l’architecture. Nous avons ouvert une boîte de Pandore, qui n’est pas prête de se refermer.

 

Architecte paysagiste, atelier Girot à Zurich, professeur de paysage à l’école polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) depuis 2001 et directeur de l’Institut du Paysage (ILA) au département d’Architecture entre 2005 et 2014.

Nadine Schütz enseigne depuis 2009 à la chaire du prof. Girot à l’EPFZ, tout en poursuivant une thèse sur la dimension sonore du paysage. En parallèle, elle travaille au sein de (((Echora))) comme architecte paysagiste et comme artiste.

 

 

Camera Obscura Auditiva, 2010

 





La Camera Obscura Auditiva dissocie le paysage sonore du paysage visuel (Chair of Landscape Architecture prof. Christophe Girot, ETH Zurich & Nadine Schütz

En 2010, la chaire d’architecture du paysage de Christophe Girot monte Camera Obscura Auditiva pour l’expostion Blicklandschaften. L’installation va s’avérer décisive dans le processus de réflexion en cours sur la perception du paysage. Sur la terrasse du Poly, qui domine la ville de Zurich, était combinée une Camera Obscura, un « appareil à regarder » datant de la Renaissance, avec le regard électronique de la caméra, qui sert à retranscrire la réalité vécue. Un dispositif optique rotatif reproduisant le panorama de la ville était complété par une coupole sonore qui diffusait des sons préenregistrés dans quelques lieux visibles depuis la plateforme. Le panorama reproduisait le paysage figé et contrôlé de la ville de Zurich, le son jouait le rôle de l’espace vécu, le regard ethnologique du quotidien. Cette installation, qui confrontait deux expériences contradictoires du paysage, était un pas vers une conception plus directe de l’espace ; un vis-à-vis plus prononcé entre image et son, qui sera poursuivi à la chaire avec la création de l’AudioVisual Lab

 

AudioVisual Lab, EPFZ

 

Prise de son dans le jardin de la villa Lante



Image 1: Chair of Landscape Architecture prof. Christophe Girot, ETH Zurich & Nadine Schütz
Image 2: Diffusion du paysage sonore dans l’AudioVisual Lab, EPFZ.

La chaire d’architecture du paysage de Christophe Girot se dote d’un laboratoire expérimental de simulation des paysages. Seize enceintes suspendues à la hauteur des oreilles et quatre écrans de projection permettent de reproduire une expérience périphérique du paysage. Les murs et les surfaces sont entièrement revêtus de panneaux isolants. Contrairement à une salle anéchoïque (qui absorbe complètement les émissions sonores), une acoustique minimale a été maintenue afin de se repérer géographiquement dans la chambre de simulation. Aux images projetées dans les quatre directions est superposé le son spatialisé. Contrairement au casque audio ou à la VR, la chambre permet de se déplacer dans l’espace sonorisé et de partager l’expérience à plusieurs. L’installation permet également de dissocier le son de l’image, afin de prendre pleinement conscience du rôle de chaque composante dans une conception holistique du paysage.

Le laboratoire, qui est destiné aussi bien à la recherche qu’à l’enseignement, a été conçu dans la continuité du Landscape Visualization and Modeling Lab (LVML), dans lequel sont expérimentées de nouvelles méthodes de reproduction du paysage qui exploitent les technologies digitales avancées, comme le scan 3D territorial. A terme, le but de cette infrastructure est de créer des maquettes virtuelles à haute précision qui intègrent la dimension sonore.

 

Diffraction par la topographie

 



La topographie au service de la qualité sonore

Aux Pays-Bas, la lutte contre les nuisances des aéroports emprunte une méthode de diffraction des ondes sonores. A côté de l’aéroport Schiphol, un parc récréatif a été conçu de manière à réduire les bruits émis par les avions qui décollent à proximité immédiate. Le parc a été envisagé comme une œuvre d’art et se visite comme un labyrinthe. Il change surtout la vie des habitants de la région, en rendant le bruit du décollage des avions supportable, sans créer de barrières physiques

 

Parvis du nouveau tribunal de Paris

 


Image sup: A gauche, l’espace spectral des bruits de fond ; à droite, celui du premier plan. Le confort acoustique est atteint par une balance entre les deux, au centre. (Nadine Schütz (((Echora)))

Image inf: Quatre « niches acoustiques » complètent le paysage sonore du parvis du Tribunal de Paris. (Nadine Schütz (((Echora))) et Moreau Kusunoki

Sur le parvis du nouveau tribunal de Paris, Nadine Schütz déploie un champ acoustique : quatre « niches sonores » produites par des dispositifs camouflés dans des mâts. La première de ces niches (en bleu sur le plan) commente les mouvements du vent, avec un mécanisme très simple : une baguette métallique suspendue à l’intérieur du mât d’acier réagit aux bourrasques en heurtant ses parois intérieures. L’installation met à hauteur d’oreille les activités du ciel. Jouant sur la polysémie du mot « temps », le petit tapotement métallique évoque également, tel un écho persistant, les activités de la SNCF qui animaient auparavant la parcelle.

Les trois autres « niches » (en vert sur le plan) diffusent une ambiance sonore urbaine. Le son environnant a été enregistré dans les parcs et places avoisinants, puis filtré afin d’en conserver les fréquences les plus caractéristiques. En mêlant les ambiances captées des deux côtés de l’autoroute périphérique, l’installation doit œuvrer contre la déconnexion sociale entre le 17earrondissement et le quartier des Batignolles. Enfin, les segments sont remixés, puis diffusés par haut-parleur du haut des mâts. Les sons de l’installation sont diffusés en contrepoint : si le volume du son ambiant est trop fort, elle se tait. 

L’intention n’est pas de créer une installation sonore complètement inattendue, comme pour surprendre le visiteur, mais seulement de créer une texture plus complexe, qui s’harmonise et complète discrètement l’ambiance présente sur le parvis. Sans ces niches, explique l’architecte, l’ambiance du parvis du Tribunal aurait été totalement dominée par le bruit de la circulation automobile. Au lieu de chercher à étouffer ces nuisances, la stratégie déployée ici est inverse : créer plus de son, pour lutter contre le bruit

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