Y a-t-il une école de Ge­nève?

Éditorial de Mounir Ayoub du numéro 23-24

Date de publication
07-12-2017
Revision
09-12-2017

«Je me dis qu’un jour une personne étudiera l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme à Genève au tournant des 20e et 21e siècles: les années 1990–2010. Dès cet instant, l’enseignement alors dispensé à l’Ecole d’architecture (EAUG) puis à l’Institut d’architecture (IAUG) deviendra l’une des références majeures et pourra s’illustrer à travers l’action de ses élèves et enseignants.»1

A Genève, la première classe d’architecture à l’Ecole des beaux-arts remonte à 1886. Il faudra attendre 1942 pour que s’ouvre la Haute école d’architecture, qui deviendra quatre ans plus tard l’Ecole d’architecture de l’Université de Genève. A l’instar d’autres villes en Europe, les mouvements de mai 68 mettent fin à l’enseignement de type beaux-arts et font planer sur l’institution les premières menaces de fermeture. A partir de 1994, l’Ecole se requalifie en Institut et perd son premier cycle. La pédagogie se structure autour de l’enseignement du projet dans quatre filières complémentaires et indissociables: l’architecture, l’urbanisme et plus singulièrement la sauvegarde et le paysage. Ce laboratoire pédagogique n’aura duré qu’une courte mais intense période. En 2009, les jougs institutionnels, l’aveuglement politique et des ambitions égoïstes sonnent le glas de l’Institut. Les Vkhoutemas (1920–1930), l’école du Bauhaus (1919–1933), son héritière la Hochschule für Gestaltung d’Ulm (1953–1968) ou encore le Black Moutain College (1933–1957), ont elles aussi eu des existences tumultueuses et brèves. Elles n’en demeurent pas moins des écoles légendaires, qui, grâce à leurs enseignements expérimentaux, ont largement survécu à leur fermeture administrative. L’écriture de leur histoire les a grandement sauvées de l’oubli. Qu’en est-il de l’école de Genève?

«Erreur historique», «tragédie pour les étudiants», «désastre pour la ville»: de la part des étudiants et enseignants qui l’ont fréquentée, le réquisitoire est sans appel. Pour Genève, la perte est considérable. La cité se voit privée d’un dispositif de recherche et de formation de professionnels porteurs de savoirs sur son propre territoire. Entre le Jura et le Salève, le long du Rhône et de l’Arve, se déploient des enjeux qui dépassent largement les périmètres du canton. Ce territoire, par sa complexité, exige plus que jamais un lieu de réflexion et d’expérimentation.

L’Institut mérite sans doute une place de choix dans l’histoire critique de l’enseignement de l’architecture au 20e siècle. Aujourd’hui, déjà, l’école de Genève existe au travers des expériences pédagogiques, des textes, des discours, des projets portés par des étudiants et des enseignants qui, chacun à leur manière, ont contribué, enseigné, rédigé, et plus largement pris part à cette aventure. En faire le récit est une première étape pour en poursuivre les enseignements.

Nourri par des témoignages d’anciens étudiants et enseignants, notre dossier revient sur une expérience pédagogique particulièrement féconde et inventive de l’école de Genève: l’enseignement du troisième cycle de la filière Architecture et Paysage.

 

Note

1.  Préface de Jacques Gubler dans l’ouvrage de Colette Raffaele, Eugène Beaudouin et l’enseignement de l’architecture à Genève, PPUR, Lausanne, 2010, p. 10. Jacques Gubler a enseigné l’histoire de l’architecture à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, à l’Ecole d’architecture de l’Université de Genève,
à l’Académie d’architecture de l’Université de la Suisse italienne à Mendrisio et aux Etats-Unis. Il a été interviewé pour ce numéro le 21 septembre 2017.

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