Uti­li­ser in­tel­li­gem­ment l'éner­gie

La SIA plaide pour l’inclusion de l’ensemble des valeurs de référence énergétiques dans le projet de loi sur le CO2 – par analogie au traitement de la consommation d’énergie. Elle l’a fait savoir lors d’une audition face à une commission du Conseil national.

Date de publication
18-10-2018
Revision
21-11-2018
Adrian Altenburger
Président du Conseil d’experts SIA énergie et vice-président de la SIA

La Stratégie énergétique 2050 et les objectifs contraignants adoptés par la Conférence de Paris sur le climat en 2015 (réduction, d’ici à 2030, de 50% des émissions de CO2 par rapport à 1990) impliquent non seulement une augmentation significative de l’efficience énergétique du parc immobilier suisse, mais aussi – et avant tout – un abandon des combustibles fossiles.

Grâce aux jalons posés avec le label Minergie, aux normes SIA, ainsi qu’à des prescriptions cantonales renforcées (MoPEC 2014), les nouveaux bâtiments remplissent déjà largement ces exigences.

En revanche, le taux de rénovation énergétique de l’existant – inférieur à % par an – laisse à désirer, malgré les incitations du Programme Bâtiments. Et lorsqu’on apprend que 94% des chaudières à combustibles fossiles sont remplacées par des installations de même type, comme il ressort d’une enquête récemment réalisée dans le canton de Zurich1, on ne peut qu’être consterné. Au niveau politique, il s’agit donc de créer des conditions cadres et de formuler des prescriptions ciblées, d’encourager les avancées technologiques, et d’informer afin de créer une dynamique favorable à la réalisation des objectifs stratégiques définis.

Après la mise en consultation du projet de révision de la loi sur le CO2, la SIA a été entendue par la commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE) du Conseil national, le 9 avril 2018. Sur le fond, la SIA soutient la loi sur le CO2, mais a toutefois suggéré l’introduction de taxes d’incitation progressives et renforcées en vue de garantir la tenue des objectifs.

En complément à ses commentaires sur le dispositif législatif prévu, la SIA a saisi cette occasion pour soulever le problème des valeurs de référence retenues pour les émissions de CO2. Tandis qu’en matière de consommation d’énergie, les objectifs sont formulés en unités par tête, les émissions de CO2 sont traitées en chiffres absolus. Or, du point de vue de la SIA, cela se traduit par des exigences déconnectées de la réalité et donc inefficaces. Car la croissance démographique et l’augmentation concomitante des surfaces de référence énergétique (SRE) exercent une influence directe sur la consommation d’énergie et donc les émissions de CO2.

Il n’est donc guère étonnant que nous soyons sur la bonne voie en ce qui concerne l’atteinte des objectifs de consommation
(– 36%), alors qu’en raison de l’augmentation de la population (+ 25 %) – et donc de la surface de référence énergétique par tête (+ 9%) – ce n’est par exemple pas le cas pour les émissions de CO2 dues à la fourniture d’énergie (– 14%).

Jusqu’en 2016, les avancées technologiques ont eu pour effet d’accroître l’efficacité énergétique et de diminuer la part des combustibles fossiles dans la production d’électricité et de chaleur, ce qui a permis de réduire les émissions de CO2 de quelque 45%. Elles ont ensuite connu une augmentation d’environ 37% en raison des développements socioéconomiques intervenus depuis (croissance de la population, augmentation des surfaces de référence énergétique). Il paraît donc peu probable que l’objectif intermédiaire d’une réduction absolue de 40% des émissions de CO2 d’ici 2020 et celui de –50% formulé à l’horizon 2030 puissent être atteints.

Par analogie à l’équation de Kaya2, les principaux agents à l’origine des émissions de CO2 dans les bâtiments peuvent être ramenés à deux facteurs d’influence. Il s’agit d’une part des aspects technologiques (part du CO2 dans le mix énergétique et consommation d’énergie au m2 SRE) et d’autre part des réalités socioéconomiques (population et SRE). L’analyse fondée sur l’équation de Kaya réalisée par les chercheurs de l’Empa réunis autour de Peter Richner (directeur suppléant de l’Empa et vice-président du conseil d’experts Energie de la SIA) l’a démontré: une valeur nationale absolue, telle qu’envisagée dans l’Accord sur le climat et donc dans la loi sur le CO2, est non seulement peu pertinente, mais – à évolution égale de la population et des surfaces de référence énergétique – pratiquement hors de portée pour le domaine du bâtiment dans les prochaines décennies.

C’est la raison pour laquelle la SIA plaide en faveur de valeurs de référence intégrant les différents paramètres en jeu, comme c’est le cas pour la consommation d’énergie. Et ce, afin de refléter non seulement les options liées à la technologie, mais également de rester en adéquation avec les évolutions socio­économiques.

Au niveau international, cela aurait en outre pour effet que des pays qui connaissent une baisse de leur démographie ne pourraient s’abstenir d’apporter leur contribution à la réalisation des objectifs climatique globaux puisqu’ils n’atteindraient pas automatiquement les valeurs cibles d’émissions de CO2.

Avec la publication de son Concept de performance énergétique, la SIA a dès 2009 prôné une décarbonatation du parc immobilier et une utilisation intelligente de l’énergie en général. Elle a réitéré ces exigences de manière fondée et cohérente auprès des parlementaires fédéraux lors de l’audition. Indépendamment de cela, nous osons espérer que nos membres cherchent quotidiennement à mettre en œuvre ces principes dans leurs domaines d’activité.

Prof. Adrian Altenburger, vice-président de la SIA et président de son conseil d’experts Energie; adrian.altenburger [at] hslu.ch

 

 

Notes

1. Statistique 2017 du remplacement des chaudières dans le canton de Zurich, source: AWEL 2018.

2. Equation de Kaya: pour permettre une meilleure comparaison entre Etats, des scientifiques associent les rejets de CO2 par tête à la consommation d’énergie et à la performance économique, sur la base de l’équation mise au point par l’économiste de l’énergie japonais Yoichi Kaya.

Sur ce sujet