Un pré­cis de droit à l’usage de toutes les par­ties pre­nantes

Protection du patrimoine

Compilant les dispositions pertinentes pour la protection du patrimoine dans le canton de Saint-Gall, ce manuel, paru en janvier 2020, se présente comme un ouvrage de référence et une source d’inspiration à l’échelon national. 

Date de publication
08-04-2020

Au cours des derniers mois, au moins quatre affaires liées à la protection des sites et des monuments ont fait les gros titres de la presse à Bâle, Schwerzenbach et Schaffhouse. Dans le premier cas, l’entreprise Roche est impliquée avec un immeuble, un corps de bâtiment historiquement occupé par sa direction, ainsi qu’un bâtiment d’exploitation, qui figurent parmi les objets dignes de protection inventoriés par l’autorité cantonale responsable. Selon celle-ci, ils doivent être considérés comme patrimoine identitaire méritant d’être conservé, à titre de témoins de la production architecturale suisse à son meilleur niveau et comme repères historiques d’importance majeure avec un rayonnement international.

À Schwerzenbach, c’est une œuvre du célèbre architecte suisse Max Ziegler, également concepteur du bâtiment « HIL » de l’EPFZ implanté sur le Hönggerberg, qui est concernée : il s’agit d’une maison-atrium, inventoriée par les autorités cantonales de protection comme présentant un intérêt « supracommunal ». Or, cette maison n’existe plus, car elle a été démolie. Toujours à Schwerzenbach, une maison de Jacques Schader, autre architecte de renommée internationale, qui est comprise dans le même inventaire, est en passe d’être surélevée. Quant au sort de la piscine couverte de Schaff­house, conçue par Ernst Gisel et répertoriée au nombre des biens culturels urbains dignes de protection, il demeure incertain.

Ces objets soulèvent la question de la portée d’une inscription à l’inventaire. Le professeur Laurent Stalder, directeur de l’Institut d’histoire et de théorie de l’architecture de l’EPFZ, y répond sans détour : « L’inventorisation va bien au-delà d’un acte administratif. Il s’agit de la reconnaissance, par la collectivité, d’un ouvrage comme faisant partie de son héritage culturel. Lorsque les représentants d’une commune ignorent ce fait, ils violent la mission que le public leur a confiée. »

Il est vrai que, pour la plupart d’entre nous, la protection du patrimoine naturel et culturel pose nombre de questions ardues : la recherche des sources juridiques est souvent malaisée et, dans certains cas de figure, les autorités semblent elles-mêmes dépassées ou feignent de l’être, selon les mauvaises langues.

Plus d’alibi pour l’ignorance
Le nouveau manuel de Bernhard Ehrenzeller et de Walter Engeler devrait mettre fin aux imbroglios juridiques en matière de protection patrimoniale. Les quatre parties de l’ouvrage abordent toutes les questions décisives dans un langage simple et clair, qui le met également à la portée des non-juristes.

Dans leur introduction, basée sur les missions culturelles inscrites dans la législation cantonale saint-galloise, les auteurs relèvent les sources cantonales du droit relatives à la protection du patrimoine et renvoient à leur ancrage dans la Constitution du canton.

Dans la deuxième partie, ils traitent des conventions et accords internationaux applicables, aussi bien en cas de conflits armés qu’en temps de paix. Le droit national pertinent y est ensuite explicité en détail, depuis la Constitution fédérale jusqu’aux dispositions du Code civil sur le traitement de biens culturels trouvés.

La troisième partie, quant à elle, est consacrée aux lois sur l’aménagement et la construction du canton de Saint-Gall. Les auteurs y présentent une sélection d’articles ayant trait à l’aménagement et à la planification territoriale, aux règlements de construction, ainsi qu’à la protection du patrimoine naturel et culturel, en détaillant les procédures qui s’y rapportent et les peines encourues. 

Dans la quatrième partie, ils approfondissent des concepts tels que l’expropriation, l’autonomie communale, la surveillance des communes et les subventions.

Exemple d’application pour le droit national
Les qualités de l’ouvrage ne tiennent pas seulement à son contenu, mais encore à son articulation et à son approche des questions abordées. Il faut dûment saluer le traitement des lois cantonales saint-galloises, qui permet d’exposer des enjeux pratiques relevant du quotidien, étant donné que, dans ses principes, la législation sur la protection du patrimoine est appliquée de manière analogue dans la plupart des cantons. Par ce biais, les auteurs parviennent à inscrire toutes les problématiques traitées dans un contexte national et international et offrent ainsi un manuel de portée nationale, utilisable dans tous les cantons.

Ils abordent aussi des thématiques particulières de manière très utile, avec un regard averti sur des problèmes actuellement aigus, notamment en ce qui concerne les enjeux de la protection du patrimoine hors zone à bâtir. De même, leurs précisions concernant les inventaires patrimoniaux et la mise sous protection sont essentielles, car l’on se trouve précisément confronté à de fréquentes incertitudes à ce propos. Enfin, on saluera encore les explications relatives aux questions d’interfaces entre communes, cantons et Confédération.

Pratique et théorie harmonisées 
Le manuel réussit la gageure d’être à la fois un outil aisément utilisable en pratique et une solide référence théorique. S’il fallait dresser un inventaire des précis de droit utiles, cet ouvrage mériterait d’y figurer… même si, au vu des affaires évoquées en préambule, une mise sous protection serait sans doute nécessaire.

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