Un mé­ta­vers en mé­ga­pole

Ce sur quoi mise un pays, on le découvre généralement en voyant le dispositif publicitaire déployé au sortir de l’avion qui nous y a emmenés. Sitôt rejoint le portique du contrôle des passeports de l’extravagant nouvel aéroport d’İstanbul, le visiteur est invité à investir dans le logement de ses rêves et à s’installer en ville.

Date de publication
26-01-2023

La croissance économique fulgurante qu’a connue la Turquie dès les années 2000 s’est considérablement appuyée sur les secteurs de l’extraction minière, de l’industrie des matériaux de construction et sur la promotion immobilière. Depuis, de nombreux projets de gratte-ciel, de centres commerciaux, de ­complexes locatifs, de lotissements de luxe ou de résidences fermées ont essaimé. Ceux-ci ont métamorphosé la ligne d’horizon de la mégapole stambouliote et durablement changé le mode de vie de ses habitants. Aujourd’hui, les principaux acheteurs sont des étrangers issus de pays en crise, tels que la Russie, l’Iran, ou l’Irak. Ceux-ci peuvent acquérir la nationalité turque, concédée à partir d’un investissement de 400 000 dollars américains. À grand renfort d’arguments superlatifs, de maquettes et d’images virtuelles, les concepteurs de ces projets déconnectés de leur environnement et de la réalité rivalisent d’intentions afin de promouvoir le modèle d’une vie idéale, standardisée et, ainsi, entretenir la machine qui fait leur fortune.

Seulement, le modèle économique instauré par Recep Tayyip Erdoğan – qui lui a valu l’adhésion et le soutien d’une partie importante de l’électorat national durant plus de 20 ans, malgré des scandales de corruption à répétition – rencontre aujourd’hui ses limites. Celles-ci s’expliquent par une politique monétaire qui donnait la priorité à la baisse du taux d’intérêt directeur pour favoriser les investissements. Cette politique provoque aujourd’hui la chute du cours de la livre turque et génère un niveau d’inflation délétère qui affecte sérieusement le niveau de vie du citoyen ordinaire. Je me suis demandé si tous ces projets verront bien le jour. On m’a assuré que oui.

Magazine

Sur ce sujet