Un été avec Mo­nika

Ingmar Bergman, 1952

Le Silo se penche ici sur «Un été avec Monika», réalisé en 1952 par Ingmar Bergman. Les séquences du film se déploient en deux pôles – intérieur/extérieur –, entre lesquels se profile l'espace de la ville.

Date de publication
26-02-2013
Revision
01-09-2015

L’une des lignes de force du film Un été avec Monika, réalisé par Ingmar Bergman en 1952, tient du contraste entre intérieur et extérieur. Alors que les espaces associés au travail, où à l’intériorité de la maison, oppressent les jeunes amoureux Harry (Lars Ekborg) et Monika (Harriet Andersson), la nature les libère. Harry est commis dans un magasin de vaisselle et partage l’appartement de son père, chargé de bibelots. Monika travaille à l’épicerie où elle se fait harceler pour ensuite retrouver la maison familiale, exiguë et surpeuplée. Tous deux quittent ces intérieurs oppressants pour l’île d’Orno. Le temps d’un été, l’île leur offrira espace en abondance, intimité, liberté, bonheur. 
Cet antagonisme entre les différentes spatialités du film semble par ailleurs analogue au contraste entre tournage en studio et en plein air. Dans Un été avec Monika, les séquences «studio» révèlent un cinéma de maîtrise classique, tandis que pour leur pendant «en extérieur», tournées sur l’île, le scénario compte moins: les acteurs sont alors livrés à des conditions de tournage peu contrôlées. 
Entre ces deux pôles (intérieur/extérieur) l’espace de la ville se profile. La séquence d’ouverture le montre, à la façon d’un documentaire: le brouillard du port, les embarcations, les oiseaux, les pavés humides des rues de Stockholm que Harry sillonne à vélo. Ces mêmes rues deviendront, un peu plus tard, cadre d’une rêverie dans l’attente du passage d’un train. La ville est présentée comme un espace de circulation. Depuis le canot à moteur qui conduit le couple jusqu’à l’île, la ville est visible: à bord du bateau, l’oeil de la caméra passe, avec Harry et Monika, sous une impressionnante série de ponts. 
L’été fini, Monika donne naissance à une petite fille, June. Harry est absent, au travail. Monika et June occupent une chambre contraignante, semblable aux espaces intérieurs habités auparavant. Avant de tromper son mari, Monika jette ce fameux regard à la caméra – que Godard qualifiera de plan le plus terrible de l’histoire du cinéma –, tandis que Harry, rentrant à Stockholm avec ses collègues, prend place dans un wagon de train. Comme Monika, ces derniers fixent la caméra. En contre-champ de leur regard, l’Hôtel de Ville de Stockholm, avec sa tour en brique, au bord de l’eau. Le bâtiment est filmé caméra à la main, depuis l’intérieur d’un véhicule qui se déplace latéralement. Dans le wagon, un collègue plus âgé prend la parole: «C’est toujours émouvant de revoir la ville», puis répète: «Vous pouvez dire ce que vous voulez, c’est toujours émouvant de voir la ville».

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