The Ghost and Mrs. Muir

Dernière Image

L'histoire d'une femme qui tombe sous le charme d'une maison, puis sous celui de son étrange habitant: un fantôme

Date de publication
21-05-2015
Revision
25-10-2015

Tournée par Mankiewicz en 1947, cette histoire d’amour, de fantôme et d’écriture s’inscrit de manière assez singulière dans ce qu’on a pu appeler les woman’s films – ces films qui, dans les années 1940, s’adressent tout particulièrement à un public féminin en plaçant au cœur de leur intrigue un personnage de femme. Comme c’est souvent le cas dans ce corpus qui noue féminité et enjeux spatiaux, l’intrigue de The Ghost and Mrs. Muir, qui se déroule en 1900, combine le destin d’une jeune veuve désireuse de vivre enfin sa vie de femme et sa découverte d’une maison battue par les vents, en bord de mer, aux portes du petit village de Whitecliff. 

Il s’agit donc bien pour ce personnage de faire l’expérience de sa liberté au contact d’un espace à conquérir, éloigné des coordonnées géographiques et familiales qui ont jusque-là encadré sa vie. Cette maison, si elle lui plaît dès la première minute, possède cependant un sérieux inconvénient : elle est hantée. Construite par un marin décédé quatre ans plus tôt, elle est connue pour être habitée par l’esprit de ce tumultueux capitaine Gregg. Refusant de se laisser impressionner, la jeune femme, gagnée par le charme du lieu, décide de s’y installer avec sa petite fille et sa femme de chambre. Le film raconte sa rencontre avec le fantôme, leurs échanges et discussions à l’abri des regards, et la façon dont progressivement ils tombent amoureux l’un de l’autre. La maison, qui est au cœur du film, devient la métaphore d’une alliance entre le monde réel et un monde rêvé, traversé par les courants marins – l’ouverture et la fermeture des fenêtres rythmant les apparitions du fantôme. Si le personnage de Lucy se raccroche à cette maison comme à un lieu qui lui permet d’affirmer son indépendance, la jeune femme y prolonge aussi ses rêveries. Ainsi, le film parvient à un équilibre rare, celui de décrire un mouvement d’émancipation – forcément pragmatique (la question des finances d’une femme seule est régulièrement posée) – tout en maintenant une forme de poésie flottante. 

La maison offre les conditions de la liberté, mais un autre élément entre en jeu pour la conserver. Lorsque l’argent vient à manquer pour Lucy, le capitaine lui propose d’écrire avec lui un livre racontant sa vie de marin. Une fois publié, il génèrera des droits d’auteurs qui permettront à la jeune femme de racheter la maison. L’écriture intervient dans le film comme le moyen de sauvegarder l’espace par lequel Lucy se réalise en tant que femme, tout en lui permettant d’expérimenter une activité entièrement neuve, inattendue. Si la jeune femme et son fantôme ne peuvent se rejoindre dans le monde réel, la maison et l’écriture s’offrent pour eux comme les médiums d’une rencontre qui ne sera jamais charnelle. 

Les développements ultérieurs du récit contrai-gnent le fantôme du capitaine à disparaître au milieu du film. Il assure alors à Lucy qu’elle se souviendra de leur histoire comme d’un rêve, et que le livre qu’ils ont écrit ensemble ne lui apparaîtra que comme la conséquence de l’atmosphère qui règne dans la maison. Comme si une condition climatique singulière colorait cet espace, suffisamment forte et puissante pour induire chez ses habitants des pouvoirs ignorés d’eux-mêmes. Génies du lieu.

Magazine

Sur ce sujet