Tra­cés et Le Silo à la Ci­né­ma­thèque suisse

Mercredi 4 décembre à 21h à la Cinémathèque: première séance du nouveau cycle de projections sur l’architecture à l’écran, consacré aux villes nouvelles.

Date de publication
03-12-2013
Revision
12-10-2015

C’est une ville nouvelle, Cergy-Pontoise, qui sert de décor à L’ami de mon amie (1987). Eric Rohmer filme cette cité construite ex nihilo à vingt-huit kilomètres de Paris comme une ville du Quattrocento, la toile de fond soigneusement déployée du dernier épisode de sa série des Comédies et proverbes. Il se fait ainsi le porte-voix d’un questionnement : est-il possible de créer une ville de A à Z, dans toute sa complexité ?
Déjà en 1969, dans un Entretien sur le béton, réalisé avec l’architecte Claude Parent et l’urbaniste Paul Virilio, Rohmer dressait un état des lieux des évolutions en matière d’urbanisme et de tectonique et faisait dialoguer les deux tendances majeures des avant-gardes architecturales : le brutalisme et l’autoconstruction militante. A Virilio qui défend la plasticité du béton et la réinvention du rapport à l’espace qu’il rend possible, s’oppose l’idée des architectures légères que chacun pourrait réaliser librement. Si des positions aussi radicales ont leur place à la télévision, c’est que la question de la ville moderne est devenue un sujet de société. 
A la fin des années 1960, l’agglomération parisienne, à l’initiative de Paul Delouvrier, adopte une politique d’expansion diamétralement opposée à celle qu’elle avait suivi jusque-là, fondée sur le zonage. On construisait d’un côté des quartiers pour habiter, de l’autre des quartiers pour travailler, rarement les deux ensemble. Le résultat de cette stratégie est connu : le zonage ne produit pas de la ville, mais tout au plus des quartiers résidentiels où l’on s’ennuie devant la télé et des quartiers d’affaires sans vie après sept heures du soir. Les villes nouvelles des années 1970 sont la réponse à une stratégie urbaine en échec, unanimement décriée pour le manque d’attrait des espaces qu’elle génère. On planifie alors des villes en y apportant tout ce qui fait la richesse du milieu urbain : des logements, mais aussi des emplois, des loisirs, des écoles, des universités, des transports et dans certains cas, comme à Cergy, une interpénétration intelligente entre lieux de résidence et lieux d’activité. Des cinq villes nouvelles planifiées autour de Paris, Cergy est certainement la plus achevée. Elle compte aujourd’hui autant d’habitants que Lausanne. 
La dalle piétonne et la base de loisirs nautiques, le centre commercial des Trois-Fontaines et l’Ecole nationale d’arts (ENSAPC), les immeubles d’habitation collective de la place des Colonnes et la préfecture ne forment pas seulement l’arrière-fond de l’intrigue galante mise en scène par Rohmer. C’est même pour ainsi dire l’inverse, les jeux de l’amour s’offrant avant tout dans ses films comme une géométrie élémentaire, un mètre étalon universel : c’est à l’aune de l’éclat des idylles auxquelles l’environnement urbain donne lieu que l’on estimera la valeur du décor ; seuls les gens qui s’aiment, semble-t-il suggérer en substance, savent ce que devrait être, ou ne pas être, la forme d’une ville. En 1975, Rohmer réalisait un documentaire sur Cergy intitulé Enfance d’une ville (premier épisode de la série « villes nouvelles » produite par l’INA). Douze ans plus tard, la fiction prend le relais pour interroger, à travers les élans du cœur et la maturité des rapports amoureux de quatre jeunes gens, le passage à l’âge adulte d’une ville nouvelle.

 

L’architecture à l’écran, séance au casino de Montbenon: les villes nouvelles

Entretien sur le béton, de Eric Rohmer, 1969, 29’
L’ami de mon amie, de Eric Rohmer, 1987, 103’
Le 4 décembre à 21h 2013 à la Cinémathèque suisse, casino de Montbenon, Lausanne
 

 

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