Théâtre am­bu­lant et mo­du­laire

L’opéra de Genève a acheté à la Comédie-Française son Théâtre éphémère.

Date de publication
03-04-2014
Revision
14-10-2015

Un théâtre en kit. C’est l’objet acquis début mars par la Ville de Genève, qui a acheté à la Comédie-Française son Théâtre éphémère1, soit une boîte rectangulaire de 60 m sur 20 constituée de 80 panneaux de bois KLH et coiffée d’un toit à double pente. Voilà un an que le Département des constructions et de l’aménagement réfléchit à une solution pour reloger le Grand Théâtre pendant les deux ans que va durer sa rénovation2.

Lors de la modernisation de la machinerie de scène dans les années 1990, l’opéra genevois avait déménagé un an durant dans le Bâtiment des forces motrices (BFM), ancienne usine hydraulique sur le Rhône reconvertie en salle de spectacles. Pourquoi ne pas reconduire l’opération ? « Ca a été la catastrophe du point de vue du public, parce que le BFM a un gradin en faible pente qui ne convient pas au spectacle lyrique. Ce qui n’est pas le cas du Théâtre éphémère », argue Rémy Pagani, en charge du Département des constructions et de l’aménagement.

L’acoustique de la salle parisienne – construction à laquelle a contribué le scénographe parisien Michel Fayet, également lauréat avec les architectes du bureau FRES du concours d’architecture international pour la Nouvelle Comédie – sied donc au spectacle lyrique. Malgré cette qualité, le Théâtre éphémère, qui deviendra à Genève le Théâtre des Nations, a été conçu pour le théâtre, non pour l’opéra. L’architecte Daniela Liengme, mandatée par la Ville pour adapter la salle parisienne à Genève, a du pain sur la planche : elle devra notamment construire une fosse d’orchestre pouvant accueillir 60 musiciens.

Le Théâtre éphémère a été conçu spécifiquement pour la Comédie-Française. Il était enclavé entre la double colonnade de la Galerie d’Orléans et ne comportait nulle loge, car il était relié par des corridors souterrains au bâtiment central. Les architectes devront aussi fendre la structure en son centre pour augmenter la capacité de la salle, et ainsi passer de 700 à 1150 places.

La structure sera donc agrandie de 8 m dans la largeur et de 12 m longitudinalement (la première moitié pour ajouter les rangées de fauteuils, la seconde pour la fosse d’orchestre).

Le Théâtre éphémère, l’équivalent de quelque 70 semi-remorques, va faire la route jusqu’à Genève. Les pièces détachées vont ensuite être montées sur l’emplacement défini. A l’image d’un kit de lego, plusieurs combinaisons seront possibles : l’espace scénique parisien ne sera pas reconstruit à l’identique mais va servir de base à la construction du théâtre genevois. 

Si le théâtre doit être à ce point remodelé et adapté, pourquoi ne pas avoir décidé d’en construire un de toutes pièces ? « Nous avons étudié cette possibilité. Cela coûterait 12 millions de francs de construire une boîte, sans compter les équipements. Alors que la solution que nous avons plébiscitée est pour l’heure chiffrée à moins de 7 millions de francs », explique le magistrat. Ce budget comprend l’achat du théâtre, son démontage, les frais de transport, le montage et l’adaptation. Opter pour l’adaptation d’un théâtre existant plutôt que pour la construction d’une salle ex nihilo est aussi dû à des questions de délai.

Reste à définir l’emplacement de ce théâtre nomade. Les pourparlers sont en cours pour trancher entre les deux lieux choisis, la caserne des Vernets et le parc Rigot à côté des Nations, parmi sept au total qui ont été mis à l’étude – les deux emplacements précités, deux autres à la pointe de la Jonction, la Maison Baron et les parkings des Vernets et de Media Markt derrière le pavillon Sicli. La caserne des Vernets se trouve être l’emplacement le moins onéreux, car le sol de la parcelle est déjà stabilisé. Construire le Théâtre des Nations, projet actuellement à l’étude, sur ce site constituerait en outre un symbole fort du secteur Praille-Acacias-Vernets (PAV), qui va être remanié en profondeur.

 

Notes

1. La Salle Richelieu à Paris, théâtre à l’italienne qui sert de lieu de représentation à la Comédie-Française depuis la fin du 18e siècle, a fait l’objet d’une importante réfection technique de janvier 2012 au même mois de l’année suivante. Lors des travaux, le Théâtre éphémère a accueilli la programmation de la Comédie-Française. La salle constituée de 5000 m3 de bois a été montée en quatre mois, sous la houlette des architectes Alain-Charles Perrot et Florent Richard. 
2. Sans compter la modernisation de sa machinerie de scène à la fin des années 1990, le Grand Théâtre n’a pas été rénové depuis 1962, date de sa réouverture après un incendie qui l’a presque entièrement détruit. La salle devrait subir de grands travaux de rénovation de juillet 2015 à août 2017: révision des circulations devenues obsolètes, amélioration des conditions de travail du personnel, modernisation du système électrique et restauration de la façade. Le coût du projet – devisé à 60 millions de francs – doit encore être validé par le Conseil municipal de la Ville.

 

Participants

L’équipe des mandataires, coordonnée par le bureau Daniela Liengme architectes, se compose des principaux spécialistes ayant participé à la conception et au montage du Théâtre éphémère à Paris et d’ingénieurs genevois : Jacques Anglade - structure bois EURL, ingénieur bois ; Michel Fayet - Changement à Vue, scénographe ; François Kocher - Le Collectif sàrl, ingénieur civil ; Martial Götz - Energestion SA, ingénieur chauffage-ventilation ; Christian Zufferey - Décibel Acoustique, acousticien ; Eric Dubouloz - Ecoservices SA, ingénieur sécurité. 

 

Daniela Liengme architectes, constructions à Genève en lien avec le culture

- Fonction: Cinéma, dans la Maison des arts du Grütli (2007-2008)
- La Gravière – réaffectation partielle d’un entrepôt en espace culturel de nuit (2011)
- Relogement du Moulin à Danses (Màd) – réaffectation partielle d’un bâtiment industriel en espace culturel de nuit (2013)
- Mise en conformité de la sécurité incendie du Théâtre de la Parfumerie (en cours)

 

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