Soy Cuba

Mikhail Kalatozov, 1964

Le collectif Silo se penche ici sur «Soy Cuba», long métrage réalisé par Mikhail Kalatozov au lendemain de la révolution cubaine et qui en dépeint les prémisses.

Date de publication
30-10-2012
Revision
19-08-2015

Sur le toit d’un immeuble, un groupe de rock s’exhibe. A côté, des femmes en bikini défilent, s’arrêtant de temps à autre pour poser. La caméra se balade à travers l’espace exigu et sur-agité, abandonnant les minettes pour s’intéresser à l’homme en cravate, microphone à la main. Elle l’abandonne à son tour, pour se focaliser sur une piscine, les gratte-ciel, la vue sur la mer. Equipé d’un objectif grand angle, l’appareil entreprend alors une descente par l’extérieur du bâtiment et ne s’arrête qu’une fois sous l’eau, où l’on voit quelques nageuses. Sans coupe pendant plus de trois minutes, ce plan constitue l’une des prouesses du grandiloquent Soy Cuba, de Mikhail Kalatozov (1964). Parmi les premiers projets du tout nouvel Institut cubain d’art et d’industrie cinématographique, au lendemain de la révolution de 1959, le long métrage est cofinancé par l’URSS et mobilise plus de 200 personnes. Les techniciens – dont le fabuleux chef opérateur Sergueï Ouroussevski – et le matériel sont venus de Moscou. 
Malgré l’énorme investissement, Soy Cuba ne plaît ni aux Cubains, ni aux Soviétiques. L’une des raisons avancées est sans doute la «crise des missiles» survenue en 1962, qui a compromis en plein tournage les relations entre les deux pays. Une autre explication serait que Soy Cuba fait partie de ces films qui contredisent leurs propres intentions. Kalatozov et Ouroussevski cherchaient à créer une forme révolutionnaire, à la hauteur des bouleversements politiques qui venaient d’avoir lieu.  
C’est l’effet recherché par le plan-séquence filmé depuis la piscine du toit de l’hôtel Capri, ou encore les scènes au cabaret Tropicana, dont les «arcs de cristal», paraboles en béton combinées à des murs en verre, ont été projetées par le célèbre architecte moderniste Max Borges-Recio. 
De telles images finissent cependant par célébrer l’esthétique pré-révolutionnaire de forte influence américaine, au lieu d’en montrer sa décadence. Face à l’exubérance capitaliste, la culture locale paraît pauvre et folklorique. 

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